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PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DÉ SAINT)


2° La christologie. — a) La personne du Christ. Jésus est Dieu, Fils de Dieu, i, 3. L’apôlre le nomme à côté du Père et du Saint-Esprit, comme leur égal, i, 2 ; il l’élève au niveau de Dieu et nous le montre assis à la droite du Père, iii, 22. Jésus-Christ s’est incarné pour nous sauver et a pris toute notre nature, composée d’une âme et d’un corps, iii, 18. Il possède une parfaite sainteté, i, 19 ; ii, 22-23 ; iii, 18. Il est le Messie prédestiné de toute éternité, i, 20, promis par les prophètes, qui avaient annoncé longtemps d’avance ses souffrances et sa gloire, i, 10-12 ; ii, 4-6. Aussi Pierre lui attribue-t-il les titres de Christ, i, 11, 19 ; ii, 21 ; m, 16, 18 ; iv, 1, 13, etc., de Jésus-Christ, i, 1, 2, 3, 7, 13 ; ii, 5, etc, de Notre-Seigneur Jésus-Christ, i, 3. — b) L’œuvre rédemptrice du Christ a pour point de départ la mort et la passion du Sauveur, iii, 18 ; iv, 1. Cette mort douloureuse et ignominieuse a eu le caractère d’un sacrifice proprement dit, par lequel Jésus a expié les péchés des hommes, comme Isaïe l’avait prophétisé, ii, 21-24 ; iii, 18 ; son sang divin nous a servi de rançon et de purification, i, 2, 18-19. Non content de dire que les souffrances du Christ ont une valeur infinie pour nous racheter, saint Pierre envisage aussi leur valeur moraie et les présente comme un exemple pour les chrétiens, h, 21 ; iii, 17-18 ; iv, 1, 13. La conséquence du sacrifice expiatoire de Jésus-Christ, c’est le pardon des péchés, i, 2, la régénération chrétienne, i, 3, la liberté chrétienne, n, 16, l’héritage impérissable qui nous attend dans le ciel, i, 4. — c) Entre sa mort et sa résurrection, Jésus est descendu dans les limbes, où il a annoncé la bonne nouvelle aux âmes des justes, iii, 19-rv, 6. Ce dogme est tout spécialement intéressant à noter ici, car, parmi les écrivains inspirés, saint Pierre est seul à le mentionner en termes explicites. Il est vrai que Jésus lui-même avait dit au bon larron : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis. » Luc, xxiii, 43. Or, cette parole ne saurait s’appliquer au ciel, où l’âme de Jésus-Christ ne monta pas ce jour-lé, non plus que celle du bon larron ; elle désigne donc le « limbùs justorum », auquel il est peut-être encore fait une triple allusion par saint Paul, Rom., x, 7 ; xiv, 19 ; Eph., iv, 9. Le passage I Pet., iii, 19-22, ne manque pas d’obscurité ; mais l’opinion commune a toujours été, depuis les temps les plus anciens, qu’il décrit le descensus ad inferos de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Telle était déjà l’interprétation de saint Justin, Dial. c. Tryph., 82, t. vi, col. 669, de saint Irénée, Adv. hser., IV, Xxvii, 2 ; v, 1, t. vii, col. 1058, de Tertullien, De anima, vn, 55, t. ii, col. 657, etc. Voici la partie principale de ce passage, iii, 18-20 : « Le Christ aussi est mort une fois pour nos péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous offrir à Dieu, ayant été mis à mort quant à la chair, mais rendu à la vie quant à l’esprit ; par lequel aussi il est allé prêcher aux esprits qui étaient en prison, qui autrefois avaient été incrédules, lorsque, au temps de Noé, ils s’attendaient à la patience de Dieu, pendant qu’était préparée l’arche, dans laquelle peu de personnes, à savoir huit seulement, furent sauvées à travers l’eau. » Les âmes emprisonnées sont évidemment celles des justes, et non celles des damnés, qui ne pouvaient tirer aucun fruit de la bonne nouvelle apportée par le Christ. Parmi les auditeurs de Jésus dans les limbes, il se trouvait des contemporains de Noé, qui, d’abord incrédules, s’étaient convertis avant de périr dans les eaux du déluge ; ils sont cités comme type de tous les pécheurs venus à résipiscence antérieurement à l’apparition du Messie. On retrouve cet enseignement dans VÉvangile (apocryphe) de Pierre, 41-42, et dans YEvangile de Nicodème, ii, 10. D’après l’enseignement de saint Pierre, c’est entre la mort de Jésus et sa résurrection qu’à eu lieu sa descente mystérieuse dans les limbes. En effet, le Christ meurt quant à sa chair, mais il est vivifié quant à son esprit ; c’est donc dans

cet état spirituel qu’il est descendu aux enfers. Ensuite il est ressuscité et monté au ciel. La prédication (xïlpÛTTEiv) qu’il a portée dans les limbes n’a pas consisté, comme on l’a parfois affirmé, dans une sentence de condamnation lancée par lui contre les pécheurs. Son message est tout d’amour, ainsi qu’il est dit iv, 6 : « L’Évangile a été annoncé aux morts. » Or, 1’ÉvangHe est la bonne nouvelle par excellence ; d’où il suit que Notre-Seigneur a dû annoncer aux âmes des justes retenues dans les limbes sa mort rédemptrice, sa résurrection et son ascension prochaines, et leur propre délivrance. — Qu’il suffise de signaler deux interprétations inexactes données à la prédication de Jésus : d’après saint Augustin, c’est par la bouche de Noé que le Christ aurait prêché l’Évangile aux pécheurs qui vivaient à l’époque du déluge ; selon d’autres, Jésus aurait apporté la bonne nouvelle aux morts, c’est-à-dire aux pécheurs, par l’entremise des Apôtres. Sur cette question importante, voir Dietelmaier, Hisl. dogmatica de descensu Christi ad inferos, 1741 et 1762 ; Gûder, Die Lehre von der Erscheinung Christi unter den Todten, 1853 ; 2ezschwitz, De Christi ad inferos descensu, 18ôl ; Schweitier, Hinabgefahren zvrÈôïle, 1886 ; Spiltà, Christi Predigt an die Geister, 1893 ; Bruston, La descente du Christ aux enfers, 1897 ; Stevens, Theology of the New Test., 1899, ’p. 304 ; C. Clemen, Niederge fahren zu den Toten, ein Beitrag zur Wùrdigung des Apostolikums, Giessen, 1900 ; Turmel, article dans les Annales de philosophie chrétienne, n° de février 1703, p. 508-533 ; Id., La descente du Christ aux enfers, Paris, 1904 ; 2e édit., 1905. — d) Jésus est ressuscité d’entre les morts, conformément aux anciens oracles ; la foi et l’espérance des chrétiens s’appuient sur ce fait capital. Cf. i, 3-5, 18-21, etc. C’est Dieu lui-même qui a ressuscité et glorifié son Fils, i, 21 ; iii, 21-22. Le Christ est monté au ciel, où il est élevé au-dessus de toutes les créatures, i, 21 ; iii, 18, 22. Dans cet état, il est encore actif pour glorifier son Père, iv, 11 ; car tout ce qui se fait de bon dans l’Église est opéré par lui. — e) II reviendra à la fin du monde, I, 4, 5, 7, 8, 13, 21 ; iv, 13 ; v, 4, 10. Son second avènement est désigné par le mot àiioxaXu^iç, « révélation », i, 7, 13 ; iv, 13. Ce retour sera terrible pour les méchants, iv, 17, mais il apportera aux bons le salut définitif, le ciel, qui est l’objet suprême de notre espérance i, 4, etc.

3° L’eschatologie. — L’auteur mentionne la fin du monde iv, 6, et le second avènement de Jésus-Christ i, 13 ; iv, 13. Pour mieux encourager les chrétiens d’Asie Mineure à supporter avec patience les épreuves auxquelles ils étaient en butte, il leur propose plusieurs fois la pensée du glorieux et éternel héritage qui les attend dans le ciel cf. i, 4-9 ; iv, 18 ; v, 10-11, etc. Mais le D r B. Weiss exagère, lorsqu’il prétend, Lehrbuch der bibl. Théologie, § ii, p. 172, que cette idée était, pour saint Pierre, l’idée centrale de la vie chrétienne. — Le prince des Apôtres croyait-il que le retour de Jésus-Christ serait prochain ? On l’a souvent répété parmi les protestants, en se basant sur le texte : « La fin de toutes choses approche, » iv, 7, et aussi sur v, 1, autre.’passage dans lequel on a prétendu trouver la persuasion où était Simon Pierre qu’il serait bientôt témoin de l’avènement de Jésus-Christ. Mais comment l’apôtre, après avoir entendu son Maître affirmer, Matth., xxtv, 36, que l’époque de la fin du monde est un secret réservé au Père céleste, se serait-il hasardé à faire une prédiction sur ce point ? Le second texte allégué revient simplement à dire : J’espère qu’un jour je serai avec vous dans le ciel. Quant au premier, il doit s’interpréter d’une manière générale, car il ne signifie nulle T ment que Pierre regardait le retour de Jésus comme imminent. Comme saint Paul, cf. I Thess., iv, 12-17 ; II Thess, ii, 2-11 ; I Cor., xv, 5-58, etc., saint Jacques,