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PIERRE (PREMIÈRE É PITRE DE SAINT)


accumulés. L’emploi des synonymes, le maniement assez habile des verbes (surtout des verbes composés), des temps et des prépositions, la structure rythmique des phrases dénotent aussi une connaissance suffisante de la langue grecque. Les hébraïsmes ne sont ni fréquents ni choquants. On peut citer, parmi les principaux : Stærnopô, I, 1 ; fils d’obéissance, i, 14 ; l’acception des personnes, i, 17 ; la parole du Seigneur, i, 25 ; un peuple d’acquisition, ii, 9 ; le mot « vase » pour désigner le corps humain, iii, 7. Le style est généralement simple, comme la pensée ; par moments, il est plein de grandeur. Cf. I, 3-9, 17-21 ; ii, 21-25 ; v, 6-10, etc. L’auteur aime à exprimer la même pensée en termes tour à tour négatifs et positifs, cf. i, 14, 18, 23 ; ii, 16 ; iii, 3, 9, 21 ; iv, 2 ; v, 2 r 3 ; il fait çà et là un usage intelligent des épithètes, cf. i, 3, 18, 22 ; ii, 2, etc. ; il oppose d’une manière caractéristique le pluriel au singulier, par exemple, IV, 2 : âvOpciirav Èmôuiitaiî et 8eXr, [jt.aTi ôeoî, etc.

Il a recours à des images vivantes, dramatiques, qu’il emprunte à la vie de famille, i, 3, 14, 17, 22-23 ; ii, 2 ; à la vie des champs, i, 4 ; v, 2, 8 ; à la vie militaire, i, 5 ; ii, 11 ; iv, 1 ; à la vie nomade, i, 1, 17 ; ii, 11 ; au culte sacré, ii, 5 ; iii, 15 ; à la métallurgie, i, 7 ; iv, 12, etc. Le vocabulaire de l’Épître renferme un nombre assez considérable de termes qui ne sont employés dans aucun autre livre du Nouveau Testament. On en a compté jusqu’à soixante-deux, dont beaucoup se rencontrent dans la traduction des Septante. Parmi ces expressions, il en est de très classiques ; àvaYxaarûç, àvâ/uui ; , àv-u-XoiSopEtv, ônto-fEV^JÛai, à7tt56eo-tç, (koûv, Èp.7tXoxYj, èmxâ-Xu [i.(ia, oivo^UY^ci, 6[i(5<ppt>)v, ÔTtXîÇe’v, 7t « Tpoitapà80To ; , etc. D’autres, plus remarquables encore, ne paraissent pas avoir été employées avant saint Pierre ; néanmoins, leur formation est très régulière et leur signification est généralement très nette (à part celle du premier terme) : àÀXoTptoeitîtrxoitoç, àjjiàpavTivo ?, àva^ewàv, àvExXâXr)toç, « npo<T » iroXri(JiTu)ç, ifxofj1600<76at, itepî6eeriç, itpo[iœpTupsoôai, a-fUvo&v, a-iv7rpe<TëÛTCpo ; , etc. D’autres locutions, comme xàpurp-a, quXaSeXçia ; faisaient partie du langage chrétien. La dépendance des Septante est très frappante, sous le rapport soit des réminiscences, soit du vocabulaire, soit de la syntaxe : ce qui n’a rien de trop surprenant, car il était aisé à Pierre d’avoir cette traduction avec lui durant ses voyages.

3° Le texte grec de l’Épître ne présente au critique aucun problème sérieux. Les principaux manuscrits qui nous l’ont transmis sont les suivants : N, A, B, C, KZ, L2, P2, puis 13, 40, 44, 137. Gomme il a été dit ci-dessus (col. 380), l’Épître est contenue dans la Peschilto. On possède des fragments de l’ancienne version latine dans plusieurs manuscrits anciens : I Pet., iv, 17-v, 14, dans le palimpseste Fleury (h) ; i, 8-19 ; ii, 20-m, 7 ; iv, 10-v, 14, dans le ms. de Munich (g) ; i, 1 12 ; ii, 4-10, dans le Codex Eobbiensis (s). Voir Old Latin Biblical Texts, n. IV, p. xx-xxi, 46. Le D’B. Weiss a soigneusement revisé t le texte grec, Die kathol. Briefe, Texikrit. Untersuchungen uni Textherstellung, 1892.

IX. Caractère général de l’Épître. — L’espérance est une de ses notes dominantes. Cf. i, 3, 21 ; iii, 15 ; iv, 13 ; v, 1, 4. Elle atteste dans son auteur une nature très personnelle et indépendante, mais aussi un tempérament tout pratique, qui n’a pas l’intérêt spéculatif, ni la profondenr mystique de saint Paul et de saint Jean. Voir von Soden, loç. cit., p. 121. Elle renferme quelques belles pensées originales. On peut mentionner, entre beaucoup d’autres : la désignation des chrétiens comme des advense et perigrini sur cette terre, ii, 11 ; le rapprochement établi entre le baptême et le déluge, m, 21 ; le titre d’àpx"toi(iY)v donné à Notre-Seigneur, v, 4 ; la passion de Jésus souvent représentée comme un modèle pour les chrétiens éprouvés, ii, 12 ; iii, 16, etc.

— Un point particulièrement frappant, c’est l’emploi que saint Pierre fait sans cesse de l’Ancien Testament. Tantôt il montre que le salut apporté par le Christ est la réalisation intégrale des promesses que Dieu avait faites aux anciens prophètes, i, 10-12 ; tantôt il s’approprie dans le détail, comme il a été marqué plus haut, col. 900, les pensées et les expressions même de l’ancienne Alliance. Fait remarquable : ce petit écrit, qui ne contient que deux citations proprement dites de l’Ancien Testament, i, 16, et ii, 6, renferme un nombre considérable de réminiscences ou d’échos bibliques. Cf. i, 14, 15 ; ii, 3. 4, 7, 9, 10, 22-24 ; iii, 10-12, 13, 14 ; iv, 8, 17, 18 ; v, 5, 7, etc.

X. L’enseignement doctrinal de l’ÊpItre. — On doit se souvenir, lorsqu’on cherche à déterminer l’enseignement d’un écrit avant tout pratique, comme ï’esl celui-ci, qu’on tomberait dans une exagération singulière, si l’on concluait que tel ou tel point doctrinal qui y est omis était inconnu de l’auteur, ou n’avait pour lui qu’une importance secondaire. On a donc eu tort de chercher et de vouloir trouver ici, soit un type de la doctrine chrétienne durant la période apostolique, soit (c’estle cas pourM. B.Weiss)un christianisme juifantérieur à saint Paul, soit une théologie de saint Pierre en opposition avec celle de saint Paul, ou, selon d’autres (tant les opinions sont subjectives et arbitraires sur ce point) ayant pour but de la confirmer. Nous l’avons déjà dit, le dogme "n’apparaît dans cette lettre que par accident et d’une manière secondaire, pour appuyer les exhortations pratiques. Saint Pierre n’a nullement songé à insérer ici son Credo, ou un système doctrinal complet ; il nous fait seulement connaître un côté spécial de sa prédication. Et pourtant, en groupant sous divers chefs les principaux enseignements positifs qui sont épars dans la Ia Pétri, on trouve un sommaire assez riche du dogme chrétien. — On est frappé d’abord de la grande ressemblance qui existe entre cet enseignement et celui des discours de saint Pierre, tels que les Actes des Apôtres nous les ont transmis. Voir plus haut, col. 382. Comme point fondamental nous avons, de part et d’autre, cette grande idée : le christianisme a l’Ancien Testament pour base ; il a réalisé, grâce à la mort et à la résurrection de Jésus-Christ, les oracles prophétiques de l’ancienne Alliance relatifs au salut promis à l’humanité coupable. Toutefois les discours de saint Pierre ne nous révèlent qu’une face de son enseignement, tel qu’il était tout à l’origine de l’Église, tandis que sa première Épître est adressée à des chrétientés qui existaient déjà depuis assez longtemps, et auxquelles, par conséquent, l’apôtre présente des conseils plus variés et plus développés qu’aux premiers chrétiens, d’origine juive ou païenne. Il est remarquable qu’il ne mentionne nulle part ici la loi judaïque, ni la justification par la foi.

Voici les principaux points de l’enseignement doctrinal de la 1° Petm. — 1° Sur Dieu. — Naturellement, une place souveraine lui est accordée, et son nom revient à tout instant. Dès le début de la lettre, i, 2, nous rencontrons la formule trinitaire. Non content de nommer en passant les trois personnes divines, l’auteur signale le rôle spécial de chacune d’elles dans le mystère de la rédemption. À plusieurs reprises, il est parlé de Dieu, du Père, qui est le « Créateur fidèle », iv, 19, le Dieu vivant, i, 23, l’auteur de notre salut par l’intermédiaire du Christ, i, 3, 23 ; de Jésus, son divin Fils, i, 13, etc. ; de l’Esprit-Saint, qui est tout à la fois l’Esprit de Dieu, iv, 14, et celui de Notre-Seigneur, i, 11. L’Esprit-Saint vient de Dieu ; il a reçu de lui une mission temporelle à remplir, i, 12. Il assiste les prédicateurs de l’Évangile, I, 12 ; il opère la sanctification des âmes, i, 2, 22 ; il atteste la réalité de l’héritage futur, iv, 14.