Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/200

Cette page n’a pas encore été corrigée

39J

PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)

392

B. Weiss, Krit. Unlersuch. zu den kathol. Briefen, 1892, et Der Pétrin. Lehrbegrifꝟ. 1855, p. 99 ; Kûhl, Die Briefe Pétri, p. 22 ; Nôsgen, Geschichte der neutestam. Offenbarung, t. ii, p. 37, aient repris à leur compte le sentiment d’Origène, de Didyme, etc., qui méritait d’être à tout jamais abandonné. Voir Keil, Comment, ûber die Briefe des Petrus, p. 20-24. Voici leurs principales raisons : 1° Ils s’appuient sur la ressemblance qui existe entre l’adresse de la i a Pétri et celle de l’Épître de saint Jacques, I, 1. Il est vrai que, dans cette dernière, il est aussi question de la Siao-mjpâ ; mais ce mot y est déterminé par l’addition « les douze tribus », qui en restreint le sens aux seuls Juifs convertis. — 2° Ils allèguent que les pensées et le style de notre Épître sont vraiment des échos de l’Ancien Testament ; ce qui conviendrait fort peu à des lecteurs d’origine païenne, mais seulement à des destinataires judéo-chrétiens, familiarisés avec la loi, les prophètes et les Psaumes. Nous répondons que saint Paul cite assez souvent aussi les livres de l’Ancien Testament dans plusieurs de ses lettres adressées à des païens convertis, tout spécialement dans I Cor., II Cor.’et Gai. Nous dirons encore, sur ce même point, que les citations ou allusions de saint Pierre expriment des pensées claires par elles-mêmes ; il n’était donc pas nécessaire que les lecteurs comprissent qu’elles étaient empruntées à la Bible juive. D’ailleurs, l’Ancien Testament n’était-il pas lu en grec dans les assemblées religieuses des premiers chrétiens ? — 3° Nos adversaires essaient, mais sans succès, de démontrer que les passages énumérés plus haut, i, 14, 18 ; ii, 9-10 ; iii, 6 ; iv, 3, ne conviennent qu’en apparence aux païens et s’appliquent en réalité à des Juifs convertis. Mais il faut faire violence à ces divers textes, pour obtenir d’eux un tel résultat. Voir Belser, Einleit. in-das N. T., p. 695-696. — Dans leur ensemble, les lecteurs avaient été convertis depuis assez longtemps, puisqu’ils avaient leurs prêtres et leur organisation ecclésiastique régulière. Cf. v, 1-5. Les mots sicut modo geniti infantes…, ii, 2, ne prouvent pas qu’ils venaient de passer tout récemment au christianisme, car c’est là une figure qui peut s’appliquer à la vie entière de la plupart des chrétiens. Ils formaient un corps parfaitement constitué parmi leurs voisins demeurés païens.

VI. Le lieu de la composition. — Nous lisons à la fin de l’Épître, v, 13 : « L’église qui est à Babylone vous salue. » D’où il suit que la lettre a été écrite de la ville qui est appelée ici Babylone. Mais nous avons démontré plus haut (col. 371), que ce nom doit être interprété d’une manière symbolique. Il ne saurait en aucune façon désigner l’antique capitale des Babyloniens, à laquelle la tradition n’a jamais rattaché un séjour de saint Pierre. Il ne saurait non plus se rapporter, comme on l’a parfois supposé, à la cité égyptienne de Babylone, située près du Caire. Cette opinion est dénuée de tout fondement. Ce n’est point au prince des Apôtres, mais à son disciple saint Marc, que les Églises d’Egypte, et en particulier celle d’Alexandrie, ont toujours attribué leur origine. La Babylone mystique mentionnée par l’auteur de l’épître n’est autre que Borne même, comme le dit saint Jérôme, De vir. ill., 8, t. xxiii, col. 621. C’est très exactement que, malgré les mots èv Ba6uXûvi, de nombreux manuscrits grecs ont cette suscription finale : ef paçi] àito’Punîjc. Voir Tischendorf, N. Test., édit. viii, t. ii, p. 300, et aussi H. Ewald, Sieben Sendschreiben, 1890, p. 2 ; F. Baur, Dos Christenthum und die christl. Kirche, p. 130 ; Schwegler, Nachapostolich.es Zeitalter, t. ii, p. 16 ; E. Renan, L’Antéchrist, p. 122 ; Hilgenfeld, Einleit., p. 632 ; H. J. Holtzmann, Einleit., 2e édit., p. 521 ; Jûlicher, Einleit., 1814, p. 132 ; von Soden, Hand-Commentar zum N. T., t. m^ 2e part., 3e édit., p. 115 ; Me Giffert, Eistory of’ttie oépastolical Age, p. 598.

VII. Date de l’Épître. — 1° D’après les critiques qui ne croient pas à l’authenticité, la lettre aurait été composée : a) sous Domitien, 81-96 après J.-C. (von Soden, entre 92 et 96 ; Harnack, entre 83 et 93, mais peut-être dés 73, ou même dès 63) ; 6) sous Trajan, 96-117 (Baur, Keim, Lipsius, Pfleiderer, Jûlicher) ; c) sous Adrien, 117-138 (Zeller) ; d) entre les années 140 et 147 (Volkmar). Ces divers sentiments ont été réfutés d’avance par ce qui a été dit au sujet de l’authenticité (col. 380). — 2° Parmi les auteurs qui regardent l’Épître comme l’œuvre de saint Pierre, il en est qui fixent une date trop avancée : entre autres, le Vén. Bède, In Petr., v, 13, t. xiii, col. 68, sous le règne de Claude, 41-54 ; Baronius, Annal., ad. ann. 45, 16, en 45 ; Foggini, De Romano D. Pétri itinere, 1742, p. 196-198, entre 42 et 49 ; B. Weiss, Pétrin. Lehrbegriff, p. 365-367 ; Einleit., 3e édit., p. 427-430, et Kûhl, Die Briefe Pétri, p. 50, à une époque antérieure aux Épilres de saint Paul — D’après l’opinion la plus vraisemblable, qui a toujours eu des adhérents très nombreux, la Ia Pétri fut composée vers la fin de l’année 63, ou au commencement de 64. On arrive à cette conclusion grâce aux données suivantes : — a) La lettre suppose que le christianisme avait fait de grands progrès dans l’Asie Mineure ; or, un tel développement n’a eu lieu qu’à la suite du séjour de trois ans que Paul fit à Éphèse durant son troisième voyage apostolique, entre 54 et 57. Cf. Act., xviii, 23 ; xix, 1, 10. L’Épître n’a donc pas été écrite avant cette dernière année. — 6) L’Apôtre des Gentils avait été délivré de sa prison en 63, et était parti pour l’Espagne ou pour l’Orient ; de là probablement le silence de la lettre à son sujet. — c) La persécution de Néron n’avait pas encore éclaté lorsque l’Épître fut composée (elle ne commença que vers la fin de 64) ; mais on en voyait déjà les signes précurseurs. — d) Saint Marc, mentionné à la fin de la lettre, v, 13, était encore à Rome, où saint Paul l’avait appelé naguère, durant sa première incarcération, Col., iv, 10 (l’Épître aux Colossiens date de 63). — e) Si saint Pierre a réellement connu l’Épître aux Éphésiens (voir la col. 385), il n’a pu composer sa lettre qu’après l’époque où saint Paul écrivit lui-même à l’Eglise d’Éphèse, c’est-à-dire en 63. — Sur toute cette question voir encore H. Holtzmann, Einleitung, 3e édit., p. 318-320 ; E. Scherfe, Die petrinische Strômung der neutestam. Literatur, 1893, p. 633 ; Ramsay, The Church in the Roman Empire, 1893, p. 279-295.

VIII. Idiome et style de l’Épître. — 1° La J a Pétri a été composée en grec ; il ne saurait exister aucun doute à ce sujet. Seul, saint Jérôme a supposé, Epist. cxx, ad Hedib., 11, t. xxii, col. 1002, que la langue primitive aurait été l’araméen. Ainsi qu’il a été dit plus haut (col. 358), Simon-Pierre, originaire des bords du lac de Tibériade, avait pu apprendre de bonne heure à parler le grec, qui était d’un usage fréquent dans ces parages ; il se développa dans la connaissance de cette langue, durant ses courses apostoliques à travers des contrées habitées par des races helléniques. Saint Jean, saint Jacques le Mineur et saint Jude étaient, comme lui, Juifs d’origine, et pourtant il est certain qu’ils ont écrit en grec. Si saint Marc est appelé, depuis les temps les plus anciens, 1’  « interprète » (kp^r^sv-c^) de Pierre, cela vient, soit de ce qu’au début de ses voyages (vers 43) Pierre, ne se croyant pas suffisamment exercé pour parler à des Grecs proprement dits, se faisait aider par son disciple de prédilection, soit plutôt de ce que Jean-Marc « a rédigé son Évangile d’après les prédications de saint Pierre ». Voir t. iv, col. 717.

2 « La lettre est écrite en un grec correct, assez bon même, mais qui n’a pas l’élégance de celui de saint Jacques. L’agencement des phrases présente parfois quelque rudesse ; par exemple, lorsqu’elles sont prolongées au moyen de participes ou de pronoms relatifs