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PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)


mener une vie digne de l’immense bienfait qu’ils ont reçu de Dieu, il signale tour à tour la nécessité générale d’une vie sainte, quelques-uns des devoirs spéciaux qui en découlent et le grand modèle de perfection que nous devons suivre. Appelés au salut, les chrétiens doivent être pleins d’espérance en Dieu, qui leur a accordé cette grande faveur, et lui devenir semblables, en pratiquant la sainteté, l, 13-16. L’exhortation à la sainteté est motivée aussi par la justice divine et par notre rédemption, qui a coûté la vie à Jésus-Christ, I, 17-21 ; puis la charité mutuelle des chrétiens est envisagée comme un élément de leur perfection, i, 22-25. La sainteté chrétienne étant la conséquence de la régénération, il faut travailler à l’accroître sans cesse, ii, 1-3, et c’est en s’approchant du Christ, vraie source de la perfection spirituelle, et en adhérant intimement à lui, qu’on peut réaliser cet idéal, ii, 4-10.

2° La seconde série d’exhortations, ii, 11-iv, 6, envisage les chrétiens au milieu du monde, et leur rappelle quelques-uns de leurs devoirs généraux et particuliers. C’est un petit traité de morale pratique, dont voici les principaux détails. Dans une courte introduction, ii, 11-12, l’auteur formule une pensée importante : il faut que les fidèles aient une conduite très sainte, capable d'édifier même les païens. De cette recommandation générale, il passe à plusieurs domaines spéciaux, sur lesquels les vrais disciples de Jésus sont tenus de manifester leur perfection. Il traite successivement des obligations des chrétiens envers le pouvoir civil, ii, 1317, des devoirs des esclaves, auxquels il présente comme modèle Jésus-Christ humilié et outragé, II, 18-25 ; les relations réciproques des époux, iii, 1-7. Saint Pierre revient ensuite à l’exhortation générale, qu’il fait porter sur les points suivants : sommaire des devoirs du chrétien à l'égard du prochain, iii, 8-12 ; la fidélité à Dieu malgré les épreuves, qui, bien supportées, sont par elles-mêmes une récompense pour le chrétien, iii, 13-17 ; encore l’exemple du Christ, qui a souffert pour nous, tout innocent qu’il fût, et qui a prêché l'Évangile, non seulement aux vivants, mais aussi aux âmes détenues dans les limbes, iii, 18-22 ; idéal du chrétien, qui consiste à mener une vie tout exempte de péché, iv, 1-6.

3° La troisième série d’exhortations, iv, 7-v, 11, renferme des recommandations qui concernent la vie intime des chrétientés particulières. Introduite par cette transition, « Le jugement de Dieu approche et réclame des dispositions parfaites, » elle entre en d’assez nombreux détails pratiques, que l’on peut grouper sous ces divers chefs : vertus à pratiquer en vue de la proximité du jugement divin, iv, 7-11 ; confiance en Dieu parmi les épreuves, car, si l’on participe aux souffrances du Christ, on aura également part à sa gloire, iv, 12-15 ; obligations mutuelles des pasteurs et de leurs ouailles, v, 1-5° ; autres vertus que tous les chrétiens sont tenus de pratiquer, v, 5M1. — La lettre se termine par un épilogue assez court, v, 12-14, composé d’une petite réflexion de l’auteur à propos de son écrit, et de quelques salutations.

V. Destinataires de l'Épître. — Ils sont désignés de la façon la plus nette dans le premier verset, i, 1 : « Aux élus étrangers et dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie. » Les cinq provinces mentionnées faisaient partie de l’Asie Mineure, dont elles occupaient le nord (le Pont et la Bithynie), l’ouest (l’Asie proconsulaire), la partie centrale et orientale (la Galatie et la Cappadoce). Comme la province du Pont est nommée la première, notre Épître a porté aussi, aux temps anciens, dans l'Église latine, le nom de Epislola ad Ponticos. Cf. Tertullien, Scorpiac, 12, t. ii, col. 146 ; S. Cyprien, Testim., iii, 36-37, t. iv, col. 756. L'Évangile, d’après certains commenta teurs, avait été annoncé dans ces différentes régions par saint Paul, et par ses collaborateurs Barnabe, Épaphras, Silvain, etc., soit directement, comme en Galatie, Act., xv, 40 ; xvi, 6 ; Gal., iv, 13 ; en Asie, Act., xix, 1, soit indirectement (des chrétiens de l’Asie proconsulaire avaient pu porter la bonne nouvelle en Bithynie et en Cappadoce, comme cela avait eu lieu pour la Phrygie, d’après Col., ii, 1). Nous avons vu plus haut (col. 371) ; que saint Pierre lui-même a pu exercer son ministère apostolique dans l’une ou l’autre de ces provinces, mais que le fait est loin d'être certain, et que l’hypothèse contraire est même de beaucoup la plus vraisemblable.

Les membres des Eglises ainsi fondées avaient appartenu en grande partie au paganisme. Voir S. Jérôme, Adv. Jovin., i, 39, et ii, 3, t. xxiii, col. 275, 300, quoique ailleurs il soit d’un autre avis, et S. Augustin, Cont. Faust., xxii, 8%, t. xlii, col. 460, Plusieurs passages de l'Épître rendent cette opinion tout à fait certaine. D’après i, 14, les lecteurs avaient vécu autrefois dans une complète ignorance religieuse ; d’après i, 18, leurs ancêtres avaient vécu dans l’idolâtrie ; d’après ii, 9-10, Dieu les avait appelés à sa merveilleuse lumière et avait fait d’eux son peuple privilégié, eux qui n'étaient rien auparavant ; d’après iii, 6, leurs femmes étaient devenues des filles de Sara, ce qui prouve qu’elles ne l'étaient point par la naissance ; d’après iv, 2-4, avant leur conversion, ils s'étaient livrés au culte des faux dieux et à toutes les immoralités du paganisme. Ces détails ne sauraient convenir à des judéo-chrétiens, mais seulement à des païens d’origine, comme l’ont admis et l’admettent encore de nos jours la plupart des interprètes et des critiques. Voir Hundhausen, Das erste Pontiftcalschreiben des Petrus, p. 45, note n. Il n’est donc pas étonnant que Cassiodore, Instit. div., 14, t. lxx, col. 1125 ; Junilius Africanus, De part, leg., i, 6, t. lxviii, col. 16, et le Codex Fuldensis aient intitulé notre Épltre : « ad Gentes ». Cependant Origène, dans Eusèbe, H. E, . iii, 1, t. xx, col. 216, Didyme d’Alexandrie, ibid., iii, 4 ; t. xx, col. 220 ; le pseudo-Athanase, Synops., 53, t. xxxviii, col. 40, saint Jérôme, De vit : UL, 1, t. xxiii, col. 638, etc., croyaient au contraire que l'Épître avait été principalement composée pour des chrétiens issus du judaïsme. Leur raison principale consistait dans une interprétation inexacte du mot SiaawopSç dispersionis), qu’on, lit à la première ligne. Comme ce mot désignait d’ordinaire les Juifs « dispersés » plus ou moins loin de la Palestine, à travers l’empire romain, cf. II Mach., i, 27 ; Joa., vii, 35 ; Jac, i, 1, on a supposé qu’il doit recevoir ici sa signification habituelle. Mais saint Pierre l’a déterminé et précisé par les expressions èxXexToi itapE7110r||ioi, electi advense, ^ dont la première était alors une appellation spécifique des chrétiens, choisis et mis à part en vue du salut futur, I Pet., ii, 9 ; Rom., viii, 33 ; Col., iii, 12 ; II Tim., ii, 10 ; Tit., i, 1, etc., tandis que la seconde, d’après l’usage biblique, a pour but de rappeler aux destinataires de l’Epître qu’ils devaient se regarder, à la manière d’Abraham, Gen., xxiii, 3, de Jacob, Gen., lvii, 3, comme des étrangers sur cette terre d’exil, et avoir constamment à la pensée le souvenir de la céleste patrie. Cf. i, 17 ; H, 11 ; Heb., xi, 9. Le mot Sixanopi est donc pris ici, non pas dans le sens technique qu’il avait autrefois, mais dans un sens métaphorique, pour désigner le nouveau peuple de Dieu.

Le livre des Actes montre qu’il y avait des éléments juifs considérables dans plusieurs des contrées énumérées ci-dessus. Cf. Act., xviii, 24-28 ; xix, 8-10, etc. Il est donc vraisemblable qu’un certain nombre des destinataires de la i » Pétri étaient Israélites de naissance ; mais ils formaient certainement une minorité. Aussi est-il surprenant que divers critiques contemporains,