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PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)


la sorte, si elles avaient persécuté ouvertement les chrétiens. — Les arguments par lesquels les néo-critiques s’efforcent de démontrer que la I* Pétri n’est pas l’œuvre du prince des Apôtres n’ont donc rien de solide.

II. Occasion et But de l’Épître. — Ils ressortent assez clairement du fond même de l’écrit, qui les rattache aux circonstances parmi lesquelles se trouvaient les destinataires. — 1° Les Églises d’Asie Mineure auxquelles il est adressé, sans être, comme il a été démontré plus haut (col. 386), sous le coup d’une persécution violente et officiellement organisée, avaient néanmoins beaucoup à souffrir. Les païens et les Juifs au milieu desquels ils vivaient leur infligeaient toutes sortes de vexations pénibles. Ce fait n’a rien d’étonnant, quand on se place dans la situation des membres de la primitive Eglise : les nouveaux convertis abandonnaient non seulement leurs idoles, leur culte, leurs superstitions, cf. I Pet., r, 18, mais en grande partie aussi leur manière antérieure de penser et leur genre de vie ; et leurs anciens coreligionnaires ne leur pardonnaient pas ce qu’ils regardaient comme une apostasie tout à la fois religieuse, nationale et sociale. Voir Tacite, Ann., 44 ; Suétone, Nero, 16. On leur reprochait aussi leur vie simple, qui était comme un reproche perpétuel pour leurs compatriotes païens, I Pet., iv, 4, et l’on ne comprenait pas qu’ils ne retombassent point dans leurs excès d’autrefois. On les contristait, i, 6-7, on les calomniait, on les accusait de crimes divers, ii, 12, et iii, 16 : tout cela, soit par suite de l’ignorance et des préjugés, soit par mauvais vouloir et méchanceté proprement dite. D’après iv, 1 2, un mouvement particulier de haine et d’hostilité venait d’éclater contre les chrétientés d’Asie. Ces vexations étaient récentes, et les fidèles n’y étaient pas encore habitués ; de là, pour eux, le trouble et le danger du découragement, et, par suite, de l’apostasie, car le démon ne manquerait pas de mettre à profit cette situation pour les tenter, cf. I Pet., v, 8. Le prince des Apôtres leur écrivit donc pour les consoler au milieu de leurs épreuves et pour les affermir dans la foi. Pour cela, il leur montre que la souffrance est comme la vocation du chrétien, et qu’elle leur procurera plus tard une grande gloire, de même qu’elle est dès ici-bas pour eux une grande grâce. Il les engage en même temps à bien remplir, malgré tout, leurs devoirs envers la société, envers eux-mêmes et envers l’Église.

1 « Comme on le voit, le but de PÉpltre est tout pratique, nullement dogmatique ou polémique. L’auteur l’expose lui-même à la fin de la lettre, v, 12 : « Je vous ai brièvement écrit, pour vous exhorter et pour vous attester que cette grâce de Dieu à laquelle vous êtes attachés est la véritable (c’est-à-dire, que votre religion est la seule vraie). Obsecrans et contestans (itapaxa).ôv xal. èm^apTupàiv) : ces deux participes résument tout le contenu de l’Épître, où l’exhortation alterne avec l’enseignement proprement dit. Comme exemples de ces « attestations » ou témoignages, qui donnent plus de poids à l’exhortation, voir i, 3-12, 1821, 23, 25 ; ii, 3-10, 19-20 ; iii, 14-16 ; iv, 12-14 ; v, 7, 10, 12. L’apôtre exhorte ses lecteurs, en pensant à la situation douloureuse où ils se trouvaient ; il atteste et il témoigne qu’en dépit des adversités qu’elle occasionne, la religion chrétienue est la grâce des grâces pour ses adeptes sincères et généreux, et qu’il faut y persévérer avec courage. C’est l’exhortation qui domine ; elle va d’un bout à l’autre de l’Épître, sous des formes variées. Elle porte sur la sainteté, l’obéissance, la charité fraternelle et le support du prochain, les devoirs envers la société et la famille, la vigilance, et surtout’la patience dans l’épreuve. Le témoignage a pour objet, tantôt direct, tantôt indirect, les bienfaits paternels de Dieu, la splendeur de l’héritage réservé aux fidèles, la

force que procure l’union à Jésus-Christ, et spécialement les exemples du divin Crucifié. L’auteur jette souvent sur Jésus en croix un regard plein d’amour. — Une occasion plus spéciale fut le départ de Silvanus pour l’Asie Mineure. Ce disciple avait eu, comme compagnon de saint Paul, des relations intimes avec quelques-unes des chrétientés de cette région. Cf. Act., xvi, 19 ; xvii, 4, 15 ; ’xviii, 5 ; II Cor., r, 19 ; iv, 7-14 ; 1 Thess., i, 1, etc. C’est lui, d’après v, 13, qui fut chargé de porter la lettre.

III. Sujet. — L’auteur a précisé lui-même le sujet en indiquant son but, v, 12. Voir aussi i, 13 ; v, 9-10. Aucune pensée dogmatique ou polémique ne domine la lettre et ne lui communique une forme spéciale, comme cela a lieu pour la plupart des Épltres de saint Paul. L’opinion contraire, soutenue par l’école de Tubingue, est aujourd’hui complètement abandonnée. Si quelques concepts ont plus d’importance que les autres, c’est, d’une part, celui de la sainteté que doivent pratiquer les chrétiens, par suite de leur vocation même ; d’autre part, celui de la souffrance bien supportée, à l’exemple de Jésus-Christ ( « le vrai chrétien dans la souffrance, » dit Jûlicher, Einleit., Ie édit., p. 132) ; enfin, celui de l’espérance, car les amis du Christ seront récompensés éternellement comme lui, après avoir mené une vie sainte, et supporté comme lui patiemment les peines de la vie. L’auteur ne s’attache nullement à exposer les principes ; ses intentions sont avant tout pratiques, en conformité avec le but qui vient d’être marqué. Avant toutes choses, il se propose d’exhorter ses lecteurs à demeurer fermes dans la foi, malgré les souffrances qu’ils endurent pour elle. S’il signale de nombreux points de doctrine (voir plus bas, col. 394), s’il « témoigne », comme il dit, c’est une manière transitoire et secondaire, en tant que son témoignage pouvait servir de base à ses exhortations. Saint Paul sépare d’ordinaire très nettement la partie pratique de ses Épîtres de la partie dogmatique ; il n’en est pas de même de saint Pierre dans cette lettre, où l’exhortation et l’instruction se tiennent perpétuellement et s’appuient l’nne sur l’autre. Le manque de caractère dogmatique n’empêche pas cet écrit de former un tout bien compact, et jamais encore on n’a songé à attaquer son unité.

IV. Division et analyse dé l’Épître. — Il n’y a pas de plan précis, tant la pensée est spontanée et pour ainsi dire sans préméditation. Le ton est presque toujours celui de l’exhortation paternelle ; ce qui exclut une marche systématique des pensées. L’auteur passe d’une recommandation générale à des recommandations particulières, et vice versa, sans s’occuper de mettre un ordre très logique dans ses idées. Elles ne sont pas cependant dépourvues de tout enchaînement. Les groupes plus ou moins considérables de versets qui développent une même pensée se rattachent les uns aux autres, de manière à former trois séries d’exhortations, encadrées entre un courtîpréambule, 1, 1-2, et une conclusion très brève aussi, v, 12-14. La salutation initiale, i, 1-2, se compose des trois éléments accoutumés : le nom de l’auteur, la désignation des destinataires, un souhait pieux et affectueux.

1° La première.des trois sections, i, 3-n, 10, peut s’intituler : Privilèges accordés par Dieu aux chrétiens et sainteté qu’ils exigent. Elle s’ouvre par une action de grâces à Dieu, pour les dons entièrement gratuits de la régénération spirituelle et du céleste héritage, que Jésus-Christ a mérités pour les chrétiens, i, 3-5 ; dons tellement précieux, qu’ils doivent être une cause perpétuelle d’allégresse, même parmi les épreuves, de la vie, i, 6-9. Les prophètes avaient annoncé depuis longtemps ce salut apporté aux hommes par le Christ, et les anges sont désireux de le connaître à fond, i, 10-12. Après ce beau début, l’apôtre exhorte ses lecteurs à