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PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)


relève en détail les exagérations dans lesquelles on est tombé ; puis il restreint le débat à l’Épltre auxÉphésiens et à celle aux Romains (chap. xh-xiii), avec lesquelles, dit-il, la J » Pétri présente des ressemblances très réelles. Ce sentiment est admis de nos jours par un assez grand nombre de critiques, dont quelques-uns ajoutent l’Épltre de saint Jacques à celles de saint Paul aux Romains et aux Êphésiens. Voir Th. Zahn, Einleit. in das N. T., t. ii, p. 30 ; Cornely, Inirod., t. iii, p. 626-’627 ; Belser, Einleit., p. 694.

a) Relations de la I" Pétri avec l’Epltre aux Romains. — M. B. Weiss reconnaît qu’il existe des points de contact évidents entre divers passages de I Pet., et les chap. xii-xm de la lettre aux Romains. De même Kûhl, Die Sriefe Pétri, p. 40. Hofmann, dans son commentaire de notre Épltre, Die keilig. Schriflen des N. T., 1875, t. vi, p. 208, mentionne comme des réminiscences de l’un ou de l’autre des deux écrivains, 1° le verbe avax’nv-a-zZt^ai (il n’est pas employé ailleurs dans le N. T.), associé dans I Pet., i, 14, à raîç irpÔTepov im0u[juat{, et dans Rom., xii, 2, à-rû atûvt toÙtm ; 2° l’adjectif XoyixcSç, employé dans I Pet., ii, 2, à propos du lait de la divine parole, et Rom., xir, 2, à propos du service de Dieu ; 3° la locution xaxbv àvrt xay.oO âitoSs-Bovtçç, qu’on trouve identiquement dans I Pet., iii, 9, el Rom., xii, 17. Les critiques établissent encore les rapprochements suivants : I Pet., ii, 5, et Rom., xii, 1 ; I Pet., ii, 13-14, et Rom., xiii, 1-6 ; I Pet., iii, 8-9, et Rom., xii, 9-10 ; 1 Pet., iv, 7, et Rom., xiii, 12 ; I Pet., iv, 10-11, et Rom., xii, 6-8. Ils allèguent encore I Pet., n, 24, et Rom., vi, 2, 6, 18 ; 1 Pet., ii, 6-7, et Rom., ix, 33 ; I Pet., iv, 1, et Rom., vi, 6. Il règne certainement quelque ressemblance entre ces divers passages ; mais, des deux côtés aussi, il y a une indépendance très réelle. Comme le dit fort bien le D r Kûhl, l. c., p. 18, les ressemblances signalées permettent seulement de supposer que saint Pierre, qui a écrit en dernier lieu, avait lu l’épltre aux Romains, et qu’il s’en est approprié, tout en demeurant très original, des pensées et des expressions qui s’harmonisaient avec le but de sa lettre.

b) La I a Pétri et l’Épître aux Êphésiens. — « On a souvent attiré l’attention sur une certaine ressemblance de notre lettre avec l’Épître de saint Paul aux Êphésiens. Si l’on n’entend pas cela d’un emprunt proprement dit des pensées, mais d’un certain accord dans les expressions, les concepts et les constructions, nous l’admettons aussi. » Belser, Einleit., p. 694. De même le D’Zahn, Einleit., t. ii, p. 30 et 36, qui tire simplement de ce fait la conclusion que saint Pierre connaissait l’épître aux Êphésiens, et que la I* Pétri est authentique, attendu qu’un faussaire de la première partie du second siècle n’aurait eu aucune raison de faire des emprunts proprement dits à saint Paul. On a rapproché les uns des autres les passages suivants : I Pet., i, 3, et Eph., r, 3 (début identique, mais qu’on retrouve dans la IIe aux Cor. ; d’ailleurs, la suite diffère totalement des deux parts ; I Pet., i, 14-18, et Eph., iv, 17-18 (exhortation à mener une vie toute chrétienne) ; I Pet., i, 20, 10-12, et Eph., i, 4 ; iii, 6-11 ; I Pet., ii, 47, et Eph., Il, 20-22 ; I Pet., iii, 4 (xpuicTC. ; tîjç xapêiaç ov9p&vno ; ), et Eph., iii, 16 (ïau> av9ptù7to ; ) ; I Pet., iii, 18 ("va f|(iâç Tcçoaayàyri tô 6sw), et Eph., ii, 18 (81’au-roï exofiEv T7]v iïpo(TaywYY|V rcpoç tov rcaTlpa) ; I Pet., III, 22, et Eph., i, 20-22, etc. Quelques néo-critiques, entre autres Sieffert, Hilgenfeld’s Zeitschrift, 1881, p. 179, trouvent les ressemblances si nombreuses entre les deux écrits, qu’ils leur attribuent le même auteur, lequel ne serait ni saint Pierre ni saint Paul. Voir aussi Gunkel, Die Schriften des N. T. neu ûbersetzt, 1907, t. ii, 3° partie, p. 27. Mais cela est tout à fait inadmissible. Voir T. Zahn, Einleit., t. ii, p. 36 ; Kûhl, I. c ; Keil, Comment, ùber die Briefe des Petrus, p. 12-14 ;


B. Weiss, loc. cit., p. 13. Le D r von Soden, loc. vit., va même jusqu’à regarder comme douteux le point de contact de Ja 7° Pétri avec l’Épître aux Êphésiens. Le même auteur, Hand-Commentar zum N. T., t. iir, 2e partie, p. 97-98, remarque que l’auteur de la 1* Pétri, tout en utilisant les œuvres de saint Paul, a complètement laissé de côté la terminologie de l’apôtre des Gentils, et qu’il ne mentionne pas même les idées spécifiquement pauliniennes. En résumé, on compte dans la 7 a Pétri environ soixante expressions qu’on ne rencontre ni dans saint Paul, ni dans les autres livres du Nouveau Testament. Parmi les ressemblances alléguées, plusieurs proviennent d’un fonds commun de pensées et d’expressions qu’aucun auteur chrétien ne pouvait éviter (tels les mots luu-rtç, èXirsç, Zf>At X*P" 7 l Jla > etc.). Dans sa IIe Épltre, iii, 15, saint Pierre affirme avoir lu les Épitres de son « frère bien-aimé » Paul ; il est donc difficile de ne pas admettre l’existence, dans son écrit, de quelques réminiscences très réelles ; mais il demeure toujours indépendant, original, et n’imite ni de près ni de loin d’une manière proprement dite.

c) La I a Pétri et l’Épître de saint Jacques. — Ici encore, on signale un certain nombre de ressemblances. Les deux Épitres sont adressées aux fidèles de la Siaaitopâ, I Pet., i, 1, et Jac, i, 1 ; mais avec de grandes différences pour le sens. Le passage 1 Pet., i, 6-7, a beaucoup d’analogie avec Jac, i, 2-3 (noter en particulier l’expression xb êoxijuov ûpiûv xrjç nfotewç, qu’on ne trouve pas ailleurs dans le N. T.). Cf. aussi I Pet., Il, 1, et Jac, i, 21 ; I Pet., iv, 8, et Jac, v, 20 ; 1 Pet., v, 5-9, et Jac, iv, 6, 10. Mais, dans ces divers passages, les divergences sont plus grandes que les ressemblances. Il en est de même par rapport à la régénération chrétienne, I Pet., i, 23, et Jac, i, 18, et aux désirs de la chair, I Pet., ii, 11, et Jac, iv, 1. La citation de trois passages identiques de l’Ancien Testament dans les deux écrits, cf. I Pet., v, 5, 9, et Jac, iv, 7 ; I Pet., iv, 8, et Jac, v, 20 ; I Pet., i, 24-25, et Jac, iv, 10-11, ne prouve pas davantage qu’il existe une dépendance proprement dite entre leurs auteurs.

3° Seconde objection. — Les adversaires de l’authenticité font une autre objection, à laquelle ils attachent aussi une grande importance. La lettre suppose, disent-ils, qu’à l’époque même où elle fut publiée, les chrétiens étaient sous le coup d’une persécution générale et officielle dans l’empire ; ce qui ne saurait convenir qu’au règne de Trajan, puisque la persécution de Néron ne dépassa guère les limites de Rome. Il suit de là que saint Pierre, mort au plus tard en 67, ne peut pas être l’auteur de la lettre. Voir H. Holtzmann, Einleit., 3e édit., p. 494 ; Jûlicher, Einleit., p. 135 ; McGiffert, Hislory of the apostol. Age, p. 596-597. Mais cette objection a pour base une fausse interprétation de 1 Pet., iv, 15-16, et des passages analogues, i, 6 ; ii, 12 ; iii, 9, 15-16 ; iv, 4, 12-14. Aucun de ces textes n’exige l’existence d’une persécution sanglante et officiellement organisée par l’empereur, ou par ses représentants dans les provinces, soit sous Trajan, soit même antérieurement sous Néron. Il n’y est question ni de juges et de tribunaux, ni de prison, de supplices ou de confiscations. Ce n’est point de la part des autorités constituées que les fidèles avaient alors à souffrir, mais de leurs anciens coreligionnaires, qui leur faisaient sentir leur mécontentement et leur haine de mille manières, dans les relations quotidiennes de la vie. Cf. I et II Thess., où saint Paul mentionne quelque chose de semblable pour les Thessaloniciens. Voir aussi Rom., xii, 14-16 ; Eph., iv, 27 ; v, 15-16 ; Heb., x, 32-34 ; Jac, ii, 13-17. L’auteur, dans ce passage, en parlant des autorités civiles, n’a pas de reproche spécial à leur adresser ; il les caractérise même comme punissant les méchants et réconfortant les bons. Il aurait difficilement agi de

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