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    1. PIERRE##

PIERRE (PREMIÈRE ÉPIïRE DE SAINT)

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col. 350 ; S. Clément de Rome, 1 ad Cor., 16, 17 et 33, t. i, col. 240, 244, 273, et I Pet., ii, 21 ; xxii, 2, et I Pet., iii, 10 ; xlix, 5, et I Pet., iv, 8. Les témoignages de Papias et de saint Polycarpe ont d’autant plus de force, que les Églises gouvernées par eux (Hiérapolis et Smyrne) faisaient partie de la région à laquelle est adressée l’Épître. Celui de saint Clément a aussi une grande autorité, la lettre ayant été composée à Rome même, comme il sera dit plus loin. — Le témoignage le plus ancien de tous, et par suite l’un des plus importants, est celui de la 7J a Pétri, laquelle se présente, in, 1, comme étant la seconde lettre de l’apôtre Pierre. Il est vrai qu’il a existé autrefois des doutes au sujet de son authenticité, et qu’un grand nombre de critiques hétérodoxes la rejettent comme apocryphe (voir ci-dessous, col. 402-410) ; mais elle est très ancienne aux yeux de ces critiques eux-mêmes, car ils placent généralement sa composition entre les années 88 et 90. Son témoignage demeure donc ferme en toute hypothèse. Telle est la preuve extrinsèque, qui démontre l’authenticité de l’Épitre de saint Pierre. Ces deux faits s’en dégagent : 1° l’Épître a été connue de très bonne heure dans toute l’Église ; dès que celle-ci a possédé un recueil de littérature qui lui fût propre, la Z a Pétri y est citée comme un écrit qui exerce une influence considérable ; 2° à partir de saint Irénée, c’est directement et nommément à saint Pierre que tous les auteurs ecclésiastiques attribuent l’Épître.

Pour éluder un si puissant argument, les adversaires de l’authenticité éprouvent, on le conçoit, un très grand embarras, et il ne peuventlui opposer que de très pauvres raisons. Voir Jùlicher, Einleitung in das N. T., 1894, p. 131. 1° L’objection qu’ils tirent du silence du canon de Muratori a été brièvement réfutée plus haut. 2° Ils s’appuient aussi sur une double allégation de Pierre de Sicile (vers 870), Historia Manichœor., c. xvii. D’après cet auteur, d’une part, les « pauliniens », qui voulaient établir un christianisme purement basé sur la doctrine de saint Paul, ne recevaient pas la i a Pétri ; d’autre part, Théodore de Mopsueste, suivant une donnée fournie par Léonce de Byzance dans son écrit Contra Nestor, et Eutych., 1. IV (entre 560 et 600), t. lxxxvi, col. 1650, aurait abrégé et rejeté les Épîlres catholiques. Mais tout cela ne prouve « rien du tout », comme l’a fort bien dit Credner, Einleit., t. ii, p. 648 ; car les faits en question sont d’une date très tardive. D’ailleurs, le second de ces faits n’est pas même certain, puisque aujourd’hui encore les Nestoriens, qui ont conservé le canon biblique de Théodore de Mopsueste, regardent la I re Épître de saint Pierre comme canonique. Voir Kihn, Tlieodor von Mops., in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 64. 3° En troisième lieu, les néo-critiques s’appliquent à affaiblir la force des citations faites par les anciens auteurs. Ainsi, d’après Harnack, Chronologie, p. 463, saint Polycarpe n’aurait pas regardé notre Épître comme l’œuvre de saint Pierre, puisqu’il ne la lui attribue pas nommément, tandis qu’il mentionne expressément saint Paul en lui empruntant des citations. Mais la conclusion est illégitime ; en effet, saint Polycarpe ne cite pas davantage les noms de saint Jean, des synoptiques, de saint Clément pape et des auteurs de l’Ancien Testament, lorsqu’il leur fait quelque emprunt. Si l’évêque de Smyrne fait une exception en faveur de l’apôtre des Gentils, c’est simplement parce qu’il s’adressait à une Église fondée par lui.

il. arguments INTRINSEQUES. — Ils confirment la preuve fournie par la tradition. La lettre se donne elle-même, i, 1, comme ayant été composée par « Pierre, apôtre de Jésus-Christ ». Or, de nombreux détails qu’elle renferme sont en parfait accord avec ce renseignernent. Entre autres : — a) la mention de Silvain, v, 12, personnage important qui avait eu des relations

étroites avec l’Église de Jérusalem et avec le prince des Apôtres, Act., xv, 22 ; — b) la mention de saint Marc, v, 13, dont saint Pierre connaissait depuis longtemps la mère, Act., xii, 12, et qu’il avait alors auprès de lui comme un fils spirituel et un compagnon dévoué, voir Eusèbe, H. E., iii, 36, t. xx, col. 300 ; — c) la mention de Babylone, v, 13, c’est-à-dire de Rome, où le prince des Apôtres se trouvait à la fin de sa vie. — d) v, 1 sq., l’auteur désigne certainement par le mot itpeuëijTEpoi les prêtres-évêques préposés aux chrétientés d’Asie Mineure auxquelles la lettre est adressée. Il se présente lui-même comme leur o-uvrcpeffêÛTepo ; . Or, tout le ton de la lettre montre qu’il est de beaucoup leur supérieur à tous ; ce qui est bien, évident, puisqu’il est le chef de l’Église entière. Un faussaire, bien loin de parler avec une telle humilité, aurait fait valoir hautement le titre du prince des apôtres. — e) Nous avons à signaler aussi des allusions assez fréquentes aux paroles de Jésus-Christ. Cf. i, 10, etLuc., x, 24-25 ; i, 13, etLuc., xii, 35 ; i, 17,-etMatth., vi, 9 ; H, 17, et Marc, xii, 17 ; iii, 14, etiv, 14, avecMatth., v, 10-ll ; iv, 13, et Matth., v, 12 ; v, 3, et Marc, x, 42-43 ; v, 6, et Matth., xxiir, 12. Comp. aussi ii, 6-8, avec Matth., xxi, 42, et Luc, xx, 17. Cf. Act., iv, 11. Ce dernier rapprochement est particulièrement frappant, car la combinaison de la pierre angulaire avec la pierre de scandale ne se trouve qu’en ces quatre passages, dont deux citent les paroles de Jésus et les deux autres les paroles de saint Pierre. — f) Plusieurs fois aussi, cf. Pet., i, 19-21 ; n, 21-25 ; iii, 18-19 ; iv, 1, etc., l’auteur fait allusion â divers événements de la vie du Sauveur, et même, ce qui est encore plus significatif, aux relations personnelles qu’il avait eues avec lui. Le texte I Pet., i, 8 : « (Jésus-Christ) que vous aimez quoique vous ne l’ayez pas vii, » semble établir sous ce rapport une distinction spéciale entre l’auteur de la lettre et les lecteurs : ceux-ci ne connaissaient le Christ que par ouï dire ; lui, il l’a vu de ses propres yeux. C’est bien à tort, on le voit, qu’on a accusé la 1° Pétri de « manquer de souvenirs directs du ministère et de l’enseignement de Jésus. » J. Monnier, La l re Épître de l’apôtre Pierre, Mâcon, 1900, p. 515. Celui qui l’a composée a été réellement témoin de la vie publique, de la passion et de la résurrection de Notre-Seigneur. S’il parle plus souvent de la passion, c’est à cause de l’importance spéciale qu’avait ce mystère pour les lecteurs, plongés alors dans l’épreuve. Voir Westcott, An introduction to the Study of tke Gospels, 5e édit, , Londres, 1875, p. 174-175. — g) Une preuve intrinsèque qui mérite toute notre attention, c’est la ressemblance qui existe, soit pour le fond, soit pour la forme, entre l’Épître et les discours de saint Pierre contenus dans le livre des Actes. Des deux côtés, peu de pensées abstraites et spéculatives, mais les faits principaux de la vie du Sauveur, présentés d’une manière concrète comme la base de notre salut. Cf. en particulier I Pet., i, 10-12, et Act., iii, 18-25 et x, 43 ; I Pet., i, 20, et Act., ii, 23, et m, 20 ; 1 Pet., ii, 4, et Act., x, 11 ; I Pet., ii, 24, et Act., v, 30, et x, 39 ; I Pet., iii, 22, et Act, ii, 33-34, et v, 31, etc. De part et d’autre aussi, l’auteur aime à rattacher sa doctrine aux oracles de l’Ancien Testament. Ce trait est vraiment caractéristique. De nombreuses pensées de l’Épître, comme celles des discours, ont un vêtement biblique. « On sent que l’auteur se meut dans un domaine familier, et que sa piété plonge ses racines dans la terre nourricière de l’ancienne Alliance. Il en parle la langue, il en reflète la pensée. » A. Brun, Essai sur l’apôtre Pierre, p. 79. Cf. Lechler, Apost. und nachapost. Zeitalter, 3° éd., p. 440-443 ; K. Burger, dans le Kurzgefassler Komment. de Strack et Zôckler, N. Test., 4 « Abth., p. 153 de la 2= édit. Voir en particulier les passages, i, 16, 17, 24-25 ; ii, 4, 6, 7, 9, 10, 22, 24 ; iii, 6, 9, 10, 11, 20 ; iv, 8, 18, etc. -