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PIERRE (SAINT)


pour relever la puissance de la grâce ; les autres, pour amoindrir sa valeur personnelle. Son portrait moral est cependant aisé à reproduire, car ses grandes lignes sont esquissées aussi clairement que possible dans les récits évangéliques et au livre des Actes. La fougue, l’ardeur impétueuse en étaient le trait le plus saillant : ses paroles ne le démontrent pas moins bien que ses actes. Voir Matth., xvi, 22 ; xvii, 4 ; Marc, xiv, 29 ; Luc, v, 8 ; Joa., vi, 69 ; xiii, 9, 37, etc. À cet entrain véhément, qui lui fit si souvent prendre la parole au nom des autres Apôtres, cf. Matth., xv, 15 ; xvi, 16 ; xviii, 21 ; Marc, i, 36 ; xi, 21 ; Luc, viii, 45 ; Ooa., vi, 69-70, etc., se joignaient la mobilité et l’impressionnabilité, cf. Matth., xiv, 30 ; Luc, v, 8, l’enthousiasme, Matth., xiv, 28-29, la candeur, Matth., xvi, 22 ; xvii, 4, la franchise et la loyauté, Matth., xix, 27 ; Luc, v, 5, la générosité et la vaillance, Matth., iv, 18-20 ; Joa., xviii, 10 ; Act., ii, 14 ; iii, 12-26, iv, 8 ; v, 29, etc., parfois la présomption et l’obstination, Matth., xxvi, 33, la timidité, Gal., ii, 11-12, et même la faiblesse. Matth., xxvi, 40, 69. À ces divers points de vue, la nature de Pierre reflétait celle dés Galiléens, ses compatriotes, telle que l’historien Josèphe nous l’a décrite. Voir Ant. jud., xvi, 17 ; Bell. jud.. III, iii, 2. Il était avant tout un homme d’action, comme il sut le montrer de la façon la plus admirable après la mort de JésusChrist. Son cœur était chaud, généreux, dévoué, ainsi qu’on le voit par de nombreux passages du Nouveau Testament. Voir L.-Cl. Fillion, Saint Pierre, p. 182-185.

II. SA REPRÉSENTATION SUR LES MONUMENTS FIGURÉS.

— Le portrait physique de saint Pierre est très souvent reproduit sur les anciens monuments (sarcophages, mosaïques, fonds de verres, fresques des Catacombes). Voir Smith, Dictionarij of Christian Bibliography, t. ii, p. 1621 ; Lipsius, Die apokryph. Apostelgeschichte und Apostellegenden, t. ii, Ie partie, p. 213 ; F. X. Kraus, Realencyklopâdie der christl. Alterthùmer, t. ii, p.67 ; O. Marucchi, S. Pietroe S. Paolo in Roma, 1900, p. 161-169. « Saint Jérôme In Gal., i, 18, t. xxvi, col. 329, rapporte, d’après un ancien livre apocryphe, que saint Pierre aurait été chauve ; et parfois il est figuré comme tel. Mais, sur les monuments les plus anciens, il porte la barbe, des cheveux courts et frisés ; son visage est rond ; ses traits sont ordinaires, comme ceux de la plupart des gens du peuple ; toutefois, quoiqu’il ne soit nulle part idéalisé, sa physionomie respire toujours l’intelligence et la bonté. Plus tard, on le représente avec une tonsure : c’est le fruit d’une légende signalée par plusieurs écrivains du vie ou du vif siècle, et suivant laquelle saint Pierre aurait été ignominieusement tondu par les ennemis de l'Évangile. » L.-Cl. Fillion, Saint Pierre, p. 188-189. Voir t. iv, col. 2188, lig. 579, la figure à droite.

III. ENSEIGNEMENT DOCTRINAL DES DISCOURS DE

SAINT pierbe. — Plus loin, nous aurons à spécifier la doctrine que le prince des Apôtres enseigne dans chacune de ses Épitres. Il est bon d’indiquer ici celle qui se dégage de ses huit discours du livre des Actes. Notons cependant qu’on aurait tort de vouloir déterminer .rigoureusement par ces discours, comme on l’a fait parfois, quel était l’enseignement caractéristique soit de saint Pierre, soit des autres Apôtres, au début de l’histoire de l'Église. On ne doit pas oublier que ces allocutions furent des improvisations rapides, dictées par les circonstances, qu’elles furent nécessairement brèves, et que Simon-Pierre ne se proposa nullement d’y développer le symbole chrétien, soit en général, soit même sur tel ou tel point particulier. Il serait donc inutile d’y chercher, et de prétendre y trouver, un système dogmatique, parce que c’est avant tout une prédication apostolique, dont nous n’avons d’ailleurs qu’un écho nécessairement affaibli, quelque fidèle qu’il soit.

Cette réserve faite, il est très intéressant de les parcourir, pour les envisager sous le rapport doctrinal. Voir *B. Weiss, Lehrbuch der bibl. Théologie des N. T., i » édit., Berlin, 1884, p. 114-116, 123-144 ; *Lechler r Bas apostolische und nachapostolische Zeitalter, 3e éd. r Leipzig, 1885, p. 225-241 ; *Mc Giffert, À History of Christianity in the apostolical Age, 1897, p. 48-63, 482-486 ; *Bovon, Théologie du Nouv. Test., 2e éd., 1905, t. ii, p. 51-70.

Les discours les plus importants au point de vue qufr nous étudions sont : 1° celui que saint Pierre adressa au peuple le jour de la Pentecôte, Act., ii, 14-40 ; 2° celui qu’il prononça dans la cour du Temple, aprèsla guérison du paralytique, Act., iii, 12-26 ; 3° celui qu’il adressa au centurion Corneille et à ses amis. Act., x, 34-43. En effet, ces trois allocutions avaient pour but direct de gagner les auditeurs à la foi chrétienne. Néanmoins, les cinq autres discours de Pierre, Act., i r 16-22 ; iv, 8-12 ; v, 29-32 ; xi, 4-17 ; xv, 7-11, et la prièredes fidèles, iv, 24-30, sont aussi très instructifs sous ce rapport. Des idées dogmatiques, morales, apologétiques et polémiques très variées y sont exprimées. On a dit très justement (B. Weiss, l. c, p. 116) qu’on n’a pas suffisamment apprécié ces discours au point de vue théologique. Ce sont les documents les plus anciens que nous ayons pour nous renseigner sur la prédication apostolique au début de l’histoire de l'Église. Sur leur authenticité, voir Actes des Apôtres, t. i, col. 152.. On peut les résumer tous en un mot très exact : ils sont un témoignage rendu à N.-S. Jésus-Christ. La> doctrine en est très simple, comme le demandaient les= circonstances ; elle est cependant très riche aussi.

1° Rapports de la religion nouvelle avec celle deV Ancien Testament. — Ces rapports sont très intimes ; les deux religions sont étroitement alliées. La seconde se rattache à la première comme à sa racine, à sa préparation. Saint Pierre est très formel sur ce point, et il y revient fréquemment. Dans ses discours, commeplus tard dans ses écrits, il répète sans se lasser que le christianisme s’appuie de toutes manières sur les= oracles prophétiques, qui l’ont annoncé d’avance, et dont il est la réalisation parfaite. Cf. Act., ii, 14-21, 24-36 ; iv, 11 ; x, 43. Il cite en ce sens Moïse, Act., iii, 22-23, les Psaumes, Act., ii, 25-36 ; iv, 11, les grandset les petits prophètes, en particulier Joël, Act., ii, 1721 ; Jérémie, xxxi, 34, tous les oracles de l’AncienTestament ire globo. Act, iii, 24. Ce fait ne pouvait qu’intéresser et frapper vivement les auditeurs juifs de l’apôtre.

2° La christologie. — C’est le point de départ, le point central et aussi le terme de la prédication desaint Pierre, Jésus est le Messie prédit par Dieu à sonpeuple, impatiemment attendu-et désiré par les Juifs aux différentes époques de leur histoire. Act., iii, 22. Dieu l’a en quelque sorte légitimé, accrédité par des miracles et des signes nombreux, Act., ii, 22, 36 ; x, 38 ; il a fait descendre sur lui son Esprit. Act., x, 38 ; cf. Marc, i, 10. Jésus est le prophète annoncé par Moïse, le serviteur de Jéhovah prédit par lsaïe. Act., iii, . 13, 26 ; iv, 27, 30. Sa mort ignominieuse entrait ellemême dans le plan divin. Act., ii, 23 ; iii, 18 ; iv, 11, 25-28 ; v, 30 ; x, 39. La preuve la plus frappante de son » caractère messianique consiste dans sa résurrection, , dans son ascension et dans sa glorification sublime auprès de son père. Act., ii, 33-35 ; v, 31, etc. Saint Pierre ne manque jamais d’opposer ces faits glorieux à la mort humiliante du Sauveur. Cf. Act., ii, 36 ; m, 15 ; iv, 10 ; v, 30 ; x, 40. En effet, humainement' parlant, la croix de Jésus était la négation de son caractère messianique, tandis que sa résurrection en est lapreuve la plus convaincante ; aussi l’apôtre fait-il dece dernier mystère le centre de toute sa prédication.. Cf. Act., i, 8, "22 ; ii, 2-32, 36 ; iii, 15 ; iv, 10 ; v, 30 ; x, .