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PIERRE (SAINT)


m, 4, t. xx, col. 220 : « Que Pierreait prêché le Christ… dans ces provinces, cela ressort ouvertement de l’Épître. » Saint Épiphane, Hser., xxvii, 6, t. xii, col. 374, saint Jérôme, De Vir Ul., 1, t. xxrn, col. 138, et saint Léon, In Nat. apost. Pétri et Pauli serm., lxxxii, 5, t. liv, col. 425, présentent le fait en termes positifs ; mais ils ne paraissent pas avoir eux-mêmes appuyé leur sentiment sur d’autre preuve que la mention des cinq provinces dans l’Épître. Du reste, cette lettre ne contient aucun détail duquel on puisse conclure que l’auteur connaissait personnellement les destinataires ; elle suppose plutôt, I Pet., i, 12, 25 ; v, 12 ; cf. II Pet., iii, 2, que ceux-ci avaient été évangélisés par d’autres prédicateurs que saint Pierre. Aussi est-il mieux de dire que, si un séjour du prince des Apôtres en Asie Mineure n’est pas impossible en soi, il ne paraît pas avoir été démontré historiquement. Voir Gornely, Introd., t. ii, 3e part., p. 619 ; Lipsius, Apokr. Apostelgesch., t. ii, Ie part., p. 4 6. M. Hundhausen, Das ente Pontificalschreiben des… Petrus, 1873, p. 96, croit à la prédication de saint Pierre en Asie Mineure, tout en admettant que l’apôtre ne fit que traverser rapidement les provinces en question.

3° On a prétendu aussi, mais seulement à partir du xvie siècle, que saint Pierre serait allé et aurait séjourné à Babylone, vers la fin de sa vie. Le motif allégué, c’est que la i a Pétri, v. 13, transmet aux chrétientés d’Asie Mineure les salutations de l’Église de Babylone (r iv’BotSuXfâvi auvexXexrri) ; d’où il suit, disent les partisans de cette opinion, que l’apôtre résidait à Babylone lorsqu’il composa son écrit. C’est Érasme, In 1 Pet., xv, 13, qui inventa le premier cette explication. De nombreux protestants l’adoptèrent aussitôt, pour enlever à la théorie de la venue et du séjour de saint Pierre à Rome un de ses principaux arguments. Mais il n’est pas douteux que le nom de Babylone ne soit pris ici dans un sens métaphorique. En effet, — 1. telle a été l’opinion unanime des écrivains ecclésiastiques des premiers siècles : entre autres, de Papias et de Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., ii, 15, t. xx, col. 73, d’Eusèbe lui-même, ibid., de saint Jérôme, De vir. Ul., 8, t. xxiii, col. 655, du Vén. Bède, In Petr., v, 13, t. xciii, coi. 6*3, d’CEcuménius et de Théophylacte, et les commentateurs catholiques les ont suivis, à part de très rares exceptions. On est surpris de compter parmi ces exceptions les savants et judicieux écrivains Hug, Einleitung in die Schriften des N. T., 3e édit., t. ii, p. 550, et A. Maier, Einleit. in die Schrift. des N. T., p. 413. — 2. Ce nom symbolique convenait fort bien pour désigner Rome, qui n’avait que trop parfaitement remplacé l’antique Babylone sous le rapport du paganisme, de l’ambition et de l’immoralité. — 3. Les Juifs l’employaient couramment dans ce sens. "Voir Schœltgen, Hor. hebr. et talmud., p. 1050 et 1125 ; les Oracles sibyllins, v, 143, 158, etc. — 4. Saint Jean fait de même dans son Apocalypse, xiv, 8, et xviii, 2, 10, et personne n’a jamais songé à prendre à la lettre, dans cet écrit, le nom de Babylone. — 5. Il n’existe aucune tradition proprement dite au sujet d’un voyage de saint Pierre à Babylone, et ce silence est difficile à expliquer, si l’apôtre avait réellement entrepris ce voyage. Voir P. Martin, Saint Pierre, sa venue et son martyre à Rome, dans la Revue des Questions historiques, t. xiii, 1873 (article très documenté et rempli de témoignages empruntés à des écrivains orientaux). Lipsius, il est vrai, (oc. cit., t. ii, 2 « part., p. 145-146, 175, mentionne, d’après Assemani, Bibliotheca orientalis, t. ut, 2e part., p. vi, des écrivains nestoriens, qui affirment que saint Pierre visita Babylone ; mais ces auteurs sont relativement récents, et leur assertion n’a pas d’autre base que le passage I Pet., v, 13, interprêté à la lettre. Voir Farrar, The early Days of Christianity, 1884, p. 595-596 ; Cornely, Introd., t. ii, 3° part., p. 621-623 ; Hundhausen, loc. cit.,

p. 82-90 ; Th. £ahn, Einleitung in das N. T., t. ii, p. 17 ; Belser, Einleitung in das N. T., p. 697-698. — Mais laissons de côté le faux et le douteux, pour nous occuper de faits réels et certains. Or, il en est deux qu’une tradition très nette et très ancienne, dont nous avons des témoignages multiples, a rendus indubitables. C’est l’installation successive de la chaire de saint Pierre à Antioche et à Rome : deux événements d’une importance capitale.

111. LA CHAIRE D~E SAINT PIERRE À ANTIOCHE DE SV rie. — 1° Ce fait est parfaitement garanti par Eusèbe et par saint Jérôme. « Pierre fonda la première Église d’Antioche, » lisons-nous dans le Chronicon d’Eusèbe, t. xix, col. 539. Il s’agit sans aucun doute, de la chrétienté mentionnée Act., xi, 19, et composée uniquement de Juifs convertis, par contraste avec la deuxième Église de la même ville, en grande partie formée de chrétiens issus du paganisme, et développée grâce au zèle de Paul et de Barnabe. Act., XI, 20-26. Dans sa traduction du Chronicon, saint Jérôme n’a pas donné le sens exact de ce passage, car il dit : « Petrus, cum primum Antiochenam ecclesiam fundasset, » tandis que le texte porte, avec la nuance que nous venons d’expliquer : TÎ|v Iv’AvxtojreiaicpwTriv… èxxXr|(Ttav. Ailleurs, R.E., Xl, xxxvi, 2, t. xx, col. 288, Eusèbe suppose aussi la translation de la chaire de saint Pierre à Antioche, car il affirme qu’Évodius succéda en 42 au prince des Apôtres comme évêque de cette ville. Saint Jérôme, de son côté, est très formel sur ce même point : Simon Petrus. .., princeps Apostolorum…, post episcopatum Antiochensis ecclesise… Romam pergit. De vir. Ul., 1, t. xxiii, col. 608. Nous pouvons citer encore le témoignage de saint Léon le Grand, In Nat. apost. Pétri et Pauli Serm., lxxxii, 5, t. liv, col. 425 : Jam Antiochenam ecclesiam, ubi primum christiani nominis dignitas est orla, fundaveras. Cf. Epis t., cvi et CXlx, t. liv, col. 1007, 1042 ; Origène, Rom. ri inLuc., t. xiii, col. 1815 ; S. Jean Chrysostome, liomilia. in Ignalium martyr., t. L, col. 591 ; Théodoret, Dial. Immut., t. Lxxxiir, p. 81 ; le Chronic. Pasch., t. xcii, col. 557 ; les Constit. apost., vii, 46, t. i, col. 1049 ; le Liber pontif., édit. Dur chesne, p. 51-55, 118 ; la littérature dite clémentine, dont les sources remontent au moins au commencement du me siècle, notamment Recognit., x, 68, t. i, col. 468 ; Hom., xx, 23, t. ii, col. 1452.

2° L’époque et la durée du séjour de saint Pierre à Antioche ne sauraient être déterminées avec certitude. Il est possible, nous venons de le voir d’après Eusèbe, que Pierre ait pris en mains le gouvernement de l’Église d’Antioche dès l’année 36 de notre ère. Évodius lui ayant succédé en 42, 1’épiscopat du prince des Apôtres dans la métropole de la Syrie aurait par là-même duré sept ans, comme Eusèbe l’affirme en propres termes. Cf. S. Grégoire le Grand, Epist., vii, 40, t. lxxvii, col. 899. Une autre tradition, qui paraît moins digne de foi, lui attribue une durée de dix ans. Voir Duchesne, Liber pontif., p. 50. Quoi qu’il en soit, il est certain que saint Pierre, même après s’être fixé à Antioche, ne lit pas de cette ville sa résidence exclusive ; rien ne s’opposait à ce que, de ce centre, il allât visiter les chrétientés auxquelles sa présence était utile ou nécessaire. Divers auteurs ont supposé que Pierre ne transporta sa chaire à Antioche qu’après avoir été miraculeusement délivré de la prison où Hérode Agrippa l’avait enfermé, Act., xii, 1-11, par conséquent, après l’année 43. Mais, sans compter qu’Eusèbe signale une date de beaucoup antérieure, ce sentiment a contre lui le récit des Actes, qui suppose que, vers l’an 43 ou 44, saint Paul et saint Barnabe avaient la direction de l’Église d’Antioche. Sur les relations de saint Pierre avec la capitale de la Syrie, voir H. Kellner, Die Feste Cathedra Pétri und der antiochenische Epkkopal Pétri, dans la Zeitschrift fur kathol. Théologie, Inspruck, 1889, p. 566-575 ; W. Esser,