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PIERRE (SAINT)


plus calme, et oubliant son propre péril pour ne songer qu’à la triste situation de son Maître, « il suivit Jésus de loin, jusque dans la cour du grand prêtre. » Matth., xxvi, 58 ; Marc, xiv, 54 ; Luc, xxii, 54 ; Joa., xviii, 15. Le quatrième Évangile nous apprend formellement que c’est grâce à son ami, le disciple bien-aimé, que Pierre réussit à pénétrer dans la cour du palais pontifical. Désireux de « voir la fin », Matth., xxvi, 58, c’est-à-dire, l’issue du procès de Notre-Seigneur, il s’assit au milieu des serviteurs du grand prêtre, auprès du feu de braise qu’ils avaient allumé dans la cour, à cause du froid.

5 ? Là, un autre danger, auquel il ne pensait pas, l’atteignit et le renversa tristement. Les quatre Évangélistes racontent le douloureux épisode de son triple reniement. Cf. Matth., xxvi, 69-75 ; Marc, xiv, 6672 ; Luc, xxii, 55-62 ; Joa., xviii, 16-18, 25-27. Chacune des narrations présente un certain nombre de divergences, qui ne vont jamais jusqu’à la contradiction, quoi qu’on ait prétendu en sens contraire. La meilleure explication qu’on puisse donner de ces variantes consiste à dire qu’il y eut, dans ce petit drame, trois actes principaux, dont chacun se composa de plusieurs scènes convergentes : les narrateurs ont fait leur choix parmi ces scènes particulières, l’essentiel consistant pour eux dans les trois actes, à cause de la prophétie récente de Jésus. Voir Fouard, Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, in-8°, 2= édit., Paris, 1882, t. ii, p. 350-352 ; L.-Cl. Fillion, L’Évangile selon saint Jean, in-8°, Paris, 1887, p. 334-335. Le chant du coq rappela le malheureux apôtre à la réalité. Sortant aussitôt du palais, il se mit à pleurer en sanglotant (j’xXauffev). Sa faute avait été grande, assurément ; mais c’était seulement une faute de surprise, de faiblesse, qui n’atteignit ni sa foi, ni son dévouement. Il la répara du reste, par un profond et perpétuel repentir-.

vi. après la résurrection he jésvs. — Pierre continua de recevoir alors des marques de la prédilection du divin Maître, soit à Jérusalem, soit un peu plus tard en Galilée. — Lorsque les saintes femmes, averties par un ange que Jésus était ressuscité, eurent annoncé à leur tour « aux disciples et à Pierre », Marc, xvi, 7, les faits dont elles avaient été témoins, Pierre et le disciple bien-aimé firent ensemble au sépulcre la visite que saint Luc se contente de mentionner brièvement, xxiv, 12, mais que saint Jean raconte d’une manière dramatique, xx, 2-10. D’après le troisième Évangile, Pierre s’en alla, « admirant en lui-même ce qui était arrivé. » Bientôt son admiration se changea en une complète certitude, car Jésus daigna lui apparaître en ce même jour. Luc, xxiv, 34 ; cf. I Cor., xv, 5. — Saint Jean, xxi, 1-22, expose tout au long les détails d’une autre apparition que le Sauveur ressuscité fit, quelque temps après, à sept apôtres réunis sur les bords du lac de Tibériade, et dont saint Pierre eut, pour ainsi dire, tous les honneurs. À la suite d’une pêche miraculeuse, analogue à celle qui avait accompagné son appel au rôle de disciple, cf. Luc, v, 1-11, Jésus exigea de lui une triple protestation d’amour, en réparation de son triple reniement ; puis il lui confirma solennellement son titre de chef du corps apostolique et de l’Église entière, en lui disant : « Pais mes agneaux, pais mes brebis. » Voir L.-Cl. Fillion, L’Évangile selon saint Jean, 1887, p. 384. Il lui prédit ensuite une mort tragique, par ce langage figuré : « Lorsque tu aurasvieilli, un autre te ceindra et te conduira où tu ne voudras pas. »

II. Saint Pierre dans les Actes des Apôtres. — C’est le début de la période d’action pour notre héros, après la période de préparation dont les Évangiles contiennent le très riche exposé. Le livre des Actes renferme dans sa première partie, < ; bap.l-xi, des détails si nombreux sur le ministère du prince des Apôtres, qu’on a

souvent donné à cette section le nom d’Actes de Pierre. Il est encore question de Simon au chap. xv. Partout l’historien sacré nous le montre, selon le mot de Bossuet, « à la tête de tout, menant pour ainsi dire ses frères les Apôtres au combat, » occupant le premier rang et exerçant une supériorité très réelle, que personne ne songe à contester..

1° Part très grande qu’il prend à la fondation de l’Eglise de Jérusalem. — 1. Au cénacle, immédiatement après l’ascension de Notre-Seigneur, il se mit, même en présence de Marie, Act., 1, 14, à la tête des « frères », et il présida au remplacement de Judas. Act., i, 12-26. Il prononça, à cette occasion, le premier des huit discours que saint Luc nous a conservés de lui. Cf. Act., i, 15-22.

2. Le jour de la Pentecôte, lorsqu’une foule énorme, composée d’Israélites qui habitaient toutes les régions de l’empire romain, eut entouré le cénacle, attirée par le bruit violent qui avait accompagné la descente de l’Esprit-Saint, Pierre prit de nouveau la parole, pour expliquer la nature de ce mystère qu’avait prédit le prophète Joël, et pour prêcher hautement Jésus-Christ. Act., ii, 1-41. Une transformation admirable s’était produite en lui, naguère si timide. Trois mille conversions furent le résultat de ce qu’on a très justement appelé « le premier coup de filet du pêcheur d’hommes. »

3. Quelque temps après, il guérit miraculeusement un paralytique, qui mendiait depuis de longues années à la Belle-Porte du temple. Un grand concours de peuple s’étant formé autour de lui et de saint Jean, qui l’accompagnait, il prononça sa troisième allocution, dans laquelle il attribue nettement la guérison à son véritable auteur, Jésus-Christ, dont elle attestait le caractère messianique. Cinq mille conversions nouvelles eurent lieu en cet instant. Act., iii, 1-26. Mais ce fut l’occasion d’un premier conflitdes autorités juivesavec l’Église naissante. Irrités de voir que les deux apôtres proclamaient publiquement la résurrection de Jésus et sa toute-puissance, quelques prêtres et sadducéens les firent emprisonner. Le lendemain, Pierre et Jean comparurent devant le sanhédrin tout entier, pour donner des explications sur leur conduite. Dans son quatrième discours, Pierre rendit un éclatant témoignage à Jésus-Christ en face du tribunal suprême des Juifs. Comme le miracle avait eu de nombreux témoins, on n’osa pas condamner les accusés’; mais on les relâcha, après leur avoir interdit sévèrement de prêcher au nom de Jésuc-Christ. C’est alors que Pierre^ prononça son célèbre Non possumus. Act., iv, 1-22.

4. Malgré la sainteté de vie des premiers chrétiens, signalée à deux reprises par l’auteur des Actes, ii, 42-47 ; iv, 32-35, un douloureux épisode ne tarda pas à prouver que l’imperfection et le mal se glissent promptement au sein des sociétés les meilleures : Ananie et Saphire « mentirent à l’Esprit-Saint et fraudèrent sur le prix de leur champ », pour se donner l’apparence d’une libéralité généreuse. Pierre, en sa qualité de chef de l’Église, eut à châtier cet orgueil doublement criminel. Act., v, 1-11. Son autorité suprême, mise en un très vif relief par cet événement, fut encore rehaussée par les éclatants prodiges que Dieu lui donna d’accomplir : son ombre même guérissait les malades sur lesquels elle passait. Act., v, 12-16. Comme ses collègues dans l’apostolat accomplissaient aussi des miracles nombreux, il se produisit des conversions multiples. Alors la colère du grand-prêtre et du sanhédrin ne connut pas de bornes : les Douze, arrêtés tous ensemble, furent conduits devant le tribunal, et Pierre, dans sa cinquième allocution, protesta avec un courage inébranlable et rendit témoignage à la résurrection de son Maître. Leurs juges iniques les auraient infailliblement condamnés à mort, sans l’intervention du sage Gamaliel, qui les sauva. Ils furent donc remis en liberté, non