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PIERRE (SAINT)


et c’est une foi très vive, comme aussi un amour généreux, que Simon-Pierre manifeste pour son Maître. Jésus venait de prononcer dans la synagogue de Capharnaum, le discours où il promet la sainte Eucharistie. Joa., vi, 22-59. D’assez nombreux disciples furent choqués de ses paroles, qu’ils interprétaient d’une manière toute charnelle. Resté seul avec les Douze, le Sauveur leur demanda : « Et vous, est-ce que vous voulez aussi me quitter ? » Aussitôt, Pierre répondit au nom de tous, avec toute la vigueur de sa conviction : « Seigneur, à qui irions-nous ? Vous avez les paroles de la vie éternelle. Et nous, nous avons cru et nous avons connu que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu » (ou, d’après une variante qui pourrait bien avoir été la leçon primitive : le Christ, le Saint de Dieu, c’est-àdire, celui que Dieu a consacré, mis à part, pour accomplir le rôle qui lui a été destiné). Cf. joa., VI, 60-72. L’apôtre regardait donc alors Jésus comme le vrai Messie. — 3. Vers cette époque, les scribes et les pharisiens reprochèrent aux disciples de se dispenser des ablutions traditionnelles qui précédaient les repas. Jésus prit énergiquement la défense des siens, et prononça à cette occasion la parole célèbre : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme. » Pierre, qui ne le comprit point, en demanda l’explication : « Interprétez-nous cette parabole. » Matth., xv, 1-20.

M. LA PROFESSION DE FOI SE SIMON PIERRE ET SA

récompense. — 1° L’occasion. Cf. Matth., xvi, 13-15 ; Marc, viii, 27-29 ; Luc, ix, 18-19. — Jésus a commencé de rassembler les brebis dispersées d’Israël, et il a institué des pasteurs pour les nourrir et les diriger ; mais il faut aussi, pour tenir sa place lorsqu’il aura quitté cette terre, un pasteur suprême des âmes, et il va maintenant l'établir. Ce fait mémorable eut lieu dans la Galilée du nord, au pied de l’Hermon, non loin de Césarée de Philippe. Jésus approchait de la ville ; tout à coup, au sortir d’une prière solitaire, il posa aux Douze, dont il était entouré, cette question, destinée à préparer les révélations qui suivent : « Que disent les hommes qu’est le Fils de l’homme ? » C’està-dire : Quel jugement porte-t-on à mon sujet ? La réponse des Apôtres fournit un compte rendu très exact des différentes opinions qui avaient cours en Israël au sujet de leur Maître : « Les uns, qu’il est Jean-Baptiste ; les autres, Élie ; les autres, Jérémie ou quelqu’un des prophètes. » La masse du peuple considérait donc Jésus, à cette époque de sa vie publique, comme un personnage extraordinaire ; mais beaucoup avaient cessé de le regarder comme le Messie, parce qu’il s'était refusé à flatter leurs préjugés grossiers. Jésus reprit : « Et vous (vous, mes disciples privilégiés, qui me connaissez mieux que personne), qui dites-vous que je suis ? » La crise terrible de sa passion approche, et il veut savoir s’il pourra compter, pour continuer son œuvre, sur ceux qu’il avait le plus aimés.

2° Confession de Pierre. — Il répondit au nom de tous. Saint Marc, viii, 29, et saint Luc, îx, 20, ne donnent qu’un résumé de sa profession de foi ; mais saint Matthieu, xvi, 16, l’a conservée plus complètement : 2ù et ô XpioToç, ô vi’oç toû 6)îoî toO Çôj'/toç. La définition que Pierre donne du Sauveur est aussi exacte qu'énergique (notez l’emploi de l’article devant tous les mots capables de le recevoir) ; la nature et le rôle uniques de Jésus y sont nettement marqués. Simon reconnaissait en lui non seulement le Messie promis aux Juifs, mais le Fils de Dieu dans un sens strict et absolu. Il n’est pas douteux que telle est ici la signification des mots Filius I)ei viventis, comme l’ont toujours affirmé, à la suite des Pères, les exégètes et les théologiens catholiques, et même de nombreux écrivains protestants. Si, dans la pensée de Pierre, ce second titre était un simple synonyme du premier, comme le prétendent les commentateurs rationalistes, Jésus n’aurait pas pu le félici ter et lui dire qu’il avait parlé en vertu d’une révélation spéciale ; en effet, les Apôtres savaient depuis longtemps que leur Maître était le Christ. Le second titre explique donc et développe le premier : le Messie, tel que Pierre se le représentait, était réellement le Fils de Dieu.

3° Récompense de Pierre. — Ce passage est propre à saint Matthieu, xvi, 17-19. Jésus répondit à l’apôtre : « Et je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle ; et je te donnerai les clefs du royaume des cieux, et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera aussi délié dans les cieux. » Dès sa première rencontre avec le fils de Jonas, Jésus lui avait prédit qu’il serait appelé Kêfa'. Cf. Joa., i, 43. Voir plus haut, col. 356. Il lui donne maintenant ce nom symbolique ; et part de là pour l’instituer chef de son Église, comparée à un édifice spirituel. « Sur cette pierre », c’està-dire, comme il ressort évidemment du texte, sur Simon lui-même, en tant qu’il était Kêfa', rocher mystique. C’est à tort qu’on a interprété parfois ces mots comme il suit : sur Jésus en personne ; ou bien, sur cette confession de Pierre ; ou encore : sur le collège apostolique uni à Pierre. Bâtie sur ce roc d’une solidité à toute épreuve, l'Église de Jésus sera elle-même à jamais inébranlable ; les portes (la partie pour le tout) de l’enfer, ou plus exactement, du séjour des morts (iriiai ïfiou) envisagé comme une citadelle dont les portes ont une solidité extraordinaire, seront impuissantes contre elle. Ce sombre séjour, à la puissance duquel personne ne peut se soustraire, ne triomphera donc pas de l'Église du Christ. — Les images suivantes expliquent la première. Celle des clefs se rattache très naturellement à celle de la construction mystique qui est l'Église. Elle fait de Pierre l’intendant suprême, le chef visible de ce bel édifice, puisque celui qui possède les clefs d’une maison, et qui a le droit de s’en servir pour ouvrir ou fermer les portes comme bon lui semble, jouit par là même d’une autorité sans limite sur la maison. Cf. Is., xxii, 22 ; Apoc, i, 18 et iii, 7. La figure : <c Tout ce que tu lieras… » est encore plus expressive pour marquer une puissance absolue ; en effet, le Sauveur affirme ainsi que toutes les décisions de Pierre seront ratifiées par Dieu lui-même. Les rabbins emploient souvent les verbes lier et délier dans le sens d’interdire et de permettre. Voir Edersheim, Life and Times of Jésus the Messiah, t. ii, p. 84 ; Dalman, Worte Jesu, p. 174-178. Ils signifient plutôt dans ce passage : condamner et acquitter. — Sans doute, Jésus devait dire plus tard à tous les Apôtres, presque dans les mêmes termes : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié aussi dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié aussi dans le ciel. » Cf. Matth., Xvm, 18. Mais, comme le remarque très bien Bossuet, Discours sur l’unité de l'Église, 1° point, « cette parole. Tout ce que tu lieras, … dite à un seul, a déjà rangé sous sa puissance chacun de ceux à qui on dira : Tout ce que vous remettrez… Il y a donc dans la chaire de Pierre la plénitude de la puissance. » La primauté de Pierre et l’indéfectibilité de l'Église, telles sont donc les promesses faites ici par Jésus.

IV. DEPUIS LA PROMESSE DE LA PRIMAUTÉ JUSQU’A

LA passion SU SAUVEUR. — 1° Le fils de Jonas se fait le tentateur de Jésus. Matth., xvi, 21-23 ; Marc, viii, 31-33. — Cet épisode, qui eut lieu aussitôt après la confession de Simon-Pierre, ne nous présente pas l’apôtre sous un jour aussi favorable. « La chair et le sang » avaient encore quelque prise sur lui. Comme Jésus, pour préparer de plus en plus ses amis les plus intimes à l'épreuve redoutable qui les attendait, venait de leur annoncer pour, la première fois, en termes très clairs, la proximité de sa passion, le cœur aimant