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PIERRE (SAINT)


(par conséquent, le narrateur lui-même) s’étaient mis à la suite de Jésus, que le précurseur, dont ils étaient les" fervents disciples, leur avait désigné comme l’Agneau de Dieu. En revenant, tout ému, d’auprès de celui en qui il avait reconnu le Messie, André trouva son frère, qu’il se hâta de conduire au Sauveur. Regard pénétrant du Christ sur Simon (è[iëXé^a ; ), accompagné de cette parole, qui révélait tout l’avenir du futur chef de l’Église : « Tu es Simon, le fils de Jean ; tu seras appelé Pierre. » C’est-à-dire : jusqu’à ce jour tu n’as été qu’un homme ordinaire ; bientôt tu seras transformé, et tu deviendras un rocher inébranlable, sur lequel je bâtirai un glorieux édifice. Toutefois, ici, le nom de Céphas ou de Pierre est seulement promis à Simon ; il ne le recevra d’une manière proprement dite qu’après sa noble confession. Cf. Matth., xvi, 18. Il est probable que Simon avait alors un peu plus de trente ans, car on suppose qu’il était un peu plus âgé que Notre-Seigneur. Après cet appel, il demeura pendant quelque temps auprès de son nouveau Maître, qu’il accompagna, avec son frère André, ses amis Jacques et Jean, Philippe et Nathanaël, d’abord en Galilée, où il fut témoin du changement de l’eau en vin à Cana, puis à Jérusalem pour la fête de Pâque, et de nouveau en Galilée, après avoir traversé la Samarie. Le petit groupe se dispersa alors pour un temps. Cf. Joa., n-rv.

2° Second appel. — Il fit de Simon le disciple proprement dit du Sauveur, et eut lieu après la première Pâque de la vie publique de Jésus. Il est raconté par les trois synoptiques. Cf. Matth., iv, 18-22 ; Marc, I, 16-20 ; Luc, v, 1-11. Les récits de saint Matthieu et de saint Marc sont presque identiques ; celui de saint Luc en diffère notablement pour les détails, à tel point que divers commentateurs ont supposé qu’il y est question d’un épisode distinct. Mais la ressemblance générale est trop grande entre les trois narrations, pour qu’elles se rapportent à des faits différents. Tout s’explique, si l’on admet que saint Luc raconte plus explicitement les circonstances de l’appel, et met en un plus saisissant relief la personnalité de Pierre. D’ailleurs, de part et d’autre nous apprenons que Simon fut appelé par Notre-Seigneur tandis qu’il exerçait ses fonctions de pêcheur, et que ces mêmes fonctions lui furent présentées comme un symbole de son rôle futur : « Ne crains point ; désormais, ce sont des hommes que tu prendras vivants. » Une pêche miraculeuse fut associée à sa vocation. André, Jacques et Jean devinrent en même temps que lui les disciples de Jésus, et, comme lui, ils quittèrent tout sans hésiter, pour s’attacher définitivement à Notre-Seigneur. Depuis ce moment, Simon vécut auprès du divin Maître, recevant de lui chaque jour, avec, les autres disciples, la formation nécessaire pour la haute destinée qui lui était réservée. Les Évangélistes ne mentionnent, à cette époque, que d’assez rares incidents auxquels il fut personnellement mêlé. Il eut l’honneur de donner l’hospitalité au Sauveur dans sa maison de Capharnaùm, durant l’aprèsmidi d’un jour de sabbat, et Jésus l’en récompensa en guérissant sa belle-mère, malade de la lièvre. Cf. Matth., vm, 14-15 ; Marc, i, 29-31 ; Luc, iv, 38-39. Le lendemain, comme le Sauveur était sorti de grand matin pour prier, la foule, que ses nombreux miracles avaient jetée dans l’enthousiasme, le cherchait avec anxiété ; « Pierre et ceux qui étaient avec lui » (Marc, 1, 36 : formule remarquable, dans laquelle les exégètes reconnaissent à bon droit « la primauté par anticipation » ) allèrent dans toutes les directions pour le retrouver. Il leur fit alors évangéliser une partie de la Galilée. Marc, i, 39 ; Luc, iv, 43-44.

3° L’appel à l’apostolat et les divers incidents qui le suivirent. — Cet appel, le plus solennel de tous, eut pour thrâtre probable le sommetdela montagne nommée

Kouroûn-Hattîn, qui se dresse à peu près en face de Tibériade7 à environ trois heures du lac de Génésareth. Dans la région, c’est vraiment « la montagne » par excellence Ixo ô’poç, avec l’article). Voir Stanley, Sinai and Palestine, p. 368. Les trois synoptiques racontent aussi cet ! événement, qui fut d’une gravité exceptionnelle dans la vie de Jésus. Cf. Matth., x, 1-4 ; Marc, tu, 13-19 ; Luc, vi, 12-16. Saint Marc et saint Luc en font ressortir l’importance par les formules solennelles qui introduisent leurs narrations. Un trait spécial est à noter en ce qui concerne saint Pierre : dans les trois listes du corps apostolique citées à cette occasion, comme aussi dans la quatrième, que nous fournit le livre des Actes, i, 13, il est toujours mentionné le premier, quoique la plupart des autres Apôtres n’obtiennent pas constamment la même place. Saint Matthieu appuie sur cette circonstance d’une façon particulière, car, après avoir ouvert sa liste en ces termes : « Voici les noms des douze apôtres : le premier Simon, qui est appelé Pierre, » il cesse tout à coup de signaler d’autres numéros d’ordre, et continue en disant : « Et André, son frère ; Jacques… et Jean… » Les Pères, les docteurs et les commentateurs catholiques, et même d’assez. nombreux protestants, voient avec raison dans ce trait la preuve de la primauté très réelle que saint Pierre exerçait sur ses collègues lorsque l’Évangéliste composa son récit. D’ailleurs, cette primauté sera bientôt confiée à Simon par Notre-Seigneur en un langage encore plus saisissant. Et puis, « ce n’est pas seulement en cet endroit que Pierre occupe le premier rang dans le collège apostolique ; l’histoire évangélique lui fait jouer presque à chaque page un rôle prééminent. Tantôt il parle au nom de tous les autres disciples, Matth., xix, 27 ; Luc, xii, 41 ; tantôt il répond lorsque les Apôtres sont interpellés en commun par leur Maître, Matth., xvi, 16, etc ; quelquefois Jésus s’adresse à lui comme au personnage principal, même parmi les disciples privilégiés. Matth., xxvi, 40 ; Luc, xxii, 31. Ces détails, sans parler d’autres traits plus frappants encore, auxquels nous arriverons bientôt, forment le meilleur commentaire des mots Primus Petrus. » L.-Cl. Fillion, Saint Pierre, in-12, Paris, 1906, p. 24.

4° Entre l’appel de saint Pierre à l’apostolat et la confession glorieuse qui lui méritera d’être élevé à une dignité encore plus haute, nous ne connaissons qu’un très petit nombre d’incidents auxquels il ait pris une part directe. — 1. Saint Luc, viii, 45, cite une réflexion familière qu’il fit à Jésus au moment de la guérison de l’hémorrhoïsse : « Maître, les foules vous pressent et vous accablent, et vous dites : Qui m’a touché ? » Comme précédemment, saint Marc se sert à cette occasion de la formule remarquable « Pierre et ceux qui étaient avec lui ». Quelques instants après, Simon était choisi, avec les fils de Zébédée, à l’exclusion des autres Apôtres, pour être témoin de la résurrection de la fille de Jaïre, . Marc, v, 37 ; Luc, viii, 51. C’est grâce à lui sans doute que saint Marc, son fils spirituel et son « interprète », nous a conservé la parole principale du Sauveur sous sa forme primitive : Talitha coumi, Marc, v, 41. — 2. Un peu plus tard eut lieu le prodige que saint Matthieu, xiv, 28-32, raconte immédiatement après la première multiplication des pains. Pierre nous apparaît dans cet épisode avec tous les traits distinctifs de son caractère : il est tout d’abord ardent, plein d’entrain et de courage, puis il se laisse tout à coup abattre par la difficulté : « Maître, si c’est vous, ordonnez que j’aille à vous sur les eaux. Jésus lui dit : Viens. Et Pierre, descendant de la barque, marchait sur l’eau pour aller à Jésus. Mais voyant la violence du vent, il eut peur ; et comme il commençait à enfoncer, ibs’écria i Seigneur, sauvez-moi. Et aussitôt Jésus, étendant 1° main, le saisit et lui dit : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » — Quelques heures se passent,