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PHURIM (FÊTE DES)


en persan ; plere en latin, plein en français, répondent à la même idée et communiquent le même sens à leurs dérivés… Il s’agit d’un instrument fatidique, nommé pour en langue perse, qu’on jetait devant toute personne désireuse de prendre l’avis du destin. Le pour rendait sans doute ses oracles par oui et par non… Il devait répondre à une question bien déterminée, posée d’une façon dichotomique : « Les Juifs seront-ils massacrés « le premier jour du mois ? » Nous savons que, consulté jour par jour, mois par mois, le pour donna d’abord un avis négatif, puis, quand on appela le treizième jour et le douzième mois, il répondit : oui, c’est-à-dire : tuez. » On a découvert à Suse un prisme quadrangulaire sur les faces duquel sont gravés des points, comme jur nos dés. Voir t. ii, fig. 484, col. 1325. « Les Perses aimaient les jeux de hasard autant que le vin ; le petit monument susien ne serait-il pas un de leurs dés ; et leurs dés, sous le nom de pour, n’auraient-ils pas servi à consulter le sort et à tenter la fortune ? Pour, pas plus que cartes, urne ou dés, n’a le sens propre de sort, mais tous ces mots entrent dans des phrases semblables : jeter le pour, tirer les cartes, mettre la main dans l’urne, agiter les dés, qui éveillent toutes quatre la même idée : consulter le sort. L’expression perse pour, littéralement « plein, solide », répond même dans une certaine mesure à la forme du dé achéménide. » Dieulafoy, L’acropole de Suse, Paris, 1892, p. 362-363. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 646-652. — 3. À la prière d’Esther, Aman fut condamné, et des courriers furent expédiés dans les provinces pour permettre aux Juifs de se défendre le 13 adar. À Suse, dans toutes les villes et dans toutes les provinces, le nouvel édit royal produisit un revirement total de l’opinion en faveur du peuple voué à la mort ; « il y eut parmi les Juifs de la joie et de l’allégresse, des festins et des fêtes, et beaucoup de gens d’entre les peuples du pays se firent Juifs, parce que la crainte des Juifs les avait saisis. » Esth., viii, 9-17. Le 13 adar, les Juifs prirent les armes contre leurs ennemis et en firent périr un grand nombre. Esther obtint même qu’à Suse le massacre se renouvelât le 14. À trois reprises, le texte sacré remarque que les Juifs « ne mirent pas la main au pillage ». Eslh., ix, 1-16. — 4. Après cette exécution les Juifs se reposèrent le 14 adar, à Suse le 15 seulement, et ils en firent un jour de joie et de festin. Mardochée écrivit le récit de ce qui s’était passé et ordonna que, chaque année, le 14 et le 15 adar fussent célébrés par des festins, des échanges gracieux et des distributions aux indigents. Esther et Mardochée écrivirent par deux fois, afin d’établir cette fête à perpétuité, en la faisant précéder déjeunes et de lamentations, à l’exemple de ce qu’Esther avait elle-même pratiqué. Esth., IV, 16 ; ix, 17-32. La part prise par Mardochée à tous ces événements et à l’institution de la fête fit donner à .chacun de ces deux jours le nom de Map80x<*Vxri ^Épa, Mardochsei dies, « jour de Mardochée ». II Mach., xv, 37.

2° Sa célébration. — 1. La fête se célébrait pendant deux jours, le 14 et le 15 adar, en mémoire des deux jours accordés aux Juifs de Suse pour se défendre. Dans les années auxquelles on ajoutait un mois intercalaire, le veadar (voir t. ii, col. 66), on célébrait deux fois la fête des Phurim, qu’on appelait petit Phurim en adar, et grand Phurim en veadar. La veille de la fête, 13 adar, était un jour de jeûne appelé « jeûne d’Esther ». Mais si le 14 adar tombait un jour de sabbat, le jeûne du 13 était avancé d’un jour. Les règles du jeûne chez les Juifs eussent été trop difficiles à observer la veille d’un jour où était défendue même la préparation des aliments. Voir Jeûne, t. iii, col. 1531. Il va de soi que le jeûne était également avancé quand le 13 adar était un jour de sabbat. Du reste, on évitait que la fête

tombât le second, le quatrième ou le septième jour de la semaine. — 2. La fête des Phurim ne s’introduisit pas sans quelque difficulté en Palestine, si l’on en croit la Gem. Jerus. Megilla, 70, 4. C’était une nouveauté contre laquelle un bon nombre protestaient. Elle finit cependant par être acceptée, et la mention qu’en fait le second livre des Machabées, xv, 37, prouve qu’en 162 avant Jésus-Christ, on la célébrait à Jérusalem. Elle ne comportait pas de service liturgique. Aucun sacrifice n’était donc prescrit à cette occasion, ce qui s’explique par ce fait que la fête avait eu son origine en pays étranger. Le livre d’Esther ne prévoit d’ailleurs aucun exercice religieux, pas même des actions de grâces au Seigneur. À une époque qu’on ne peut déterminer, on institua des réunions dans les synagogues. Dans la réunion de la veille, on lisait deux passages de la Genèse, xxxii-xxxiv. Ce même jour, on envoyait de l’argent ou des dons en nature aux pauvres, afin qu’ils pussent se réjouir le lendemain. — 3. L’acte le plus important du 14 était la lecture de la megillâh. Ce nom, qui signifie « rouleau, volume », était commun à cinq livres sacrés. Voir Megii.loth, t. iv, col. 932. Mais on le donnait par excellence et sans autre désignation au livre d’Esther, à cause de l’importance que lui faisait attribuer la fête des Phurim. Les Juifs disaient proverbialement que le Temple et les prophètes pourraient disparaître, mais jamais les Phurim ni la Megillâh, et ils croyaient que le Messie n’abrogerait ni la loi de Moïse ni le livre d’Esther. La lecture solennelle de la Megillâh se faisait dans les synagogues, à la lueur des flambeaux, le soir ou la nuit, mais à des jours différents suivant les lieux, le 15 adar dans les kârakîm, ou villes enceintes de murailles au temps de Josué, le 14 dans les autres villes ou’ârim, et enfin, dans les bourgs ou kefârim, le second ou le cinquième jour de la semaine le plus voisin de la fête. Si celle-ci tombait le jour du sabbat, la lecture se faisait Pavant-veille. Les années où l’on célébrait la fête des Phurim en adar et en veadar, la lecture n’avaitlieu que la première fois. Cf. Megilla, i, 4. Le matin de la fête, on lisait le passage de l’Exode, xvii, 8-16, qui raconte la victoire sur lés Amalécites, parce qu’on supposait qu’Aman avait eu pour ancêtre le roi amalécite Agag, Cf. I Reg., xv, 8 ; Esth., iii, I.

— 4._Le traité Megilla de la Mischna a pour objet la manière de lire le livre d’Esther à la fête des Phurim. Cette lecture donnait lieu à des manifestations bruyantes, qui étaient probablement la cause de son interdiction le jour du sabbat, autant que l’absence du nom de Dieu dans le livre. Voir Esther (Livre d’), t. ii, col. 1980. Ces manifestations, introduites à une époque où la fête prit un caractère de plus en plus profane, furent probablement la raison pour laquelle on fit une rédaction abrégée du livre d’Esther, dans laquelle n’apparaissait plus le nom de Jéhovah. Cf. Cornely, lntroduct. specialis in hist. V. T. libr., Paris, 1887, t. ii, p. 436 ; Zschokke, Historia sacra, Vienne, 1888, p. 343. Quand le nom d’Aman se présentait au cours de la lecture, on s’écriait : immah semô, « que son nom soit détruit ! » ou sêm resà’îm irqâb, « que le nom des méchants pourrisse] ! » Les enfants battaient des mains, frappaient les bancs ou heurtaient à grand bruit l’un contre Vautre des morceaux de bois ou de pierre sur lesquels ils avaient écrit le nom d’Aman. À la fin de la lecture, toute l’assemblée poussait des acclamations : « Maudit Aman ! Béni Mardochée ! Maudite Zarès (femme d’Aman) ! Bénie Esther ! Maudits idolâtres ! Bénis tous les Israélites ! Béni Harbona qui a pendu Aman ! » Esth., vii, 9. Dans leurs imprécations, les Juifs visèrent par la suite tous ceux qu’ils regardaient comme leurs ennemis. Parfois, sans doute, il leur arrivait de faire des aumônes même aux chrétiens pauvres, à l’occasion de la fête des Phurim. Mais d’autre fois, ils brûlaient l’effigie d’Aman