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PHILIPPIENS (ÉPITRE AUX)


VI. Occasion et but de l’Épitre. — La lettre aux Philippiens est, avant tout, une lettre de remerciement. Si l’Apôtre réserve pour la fin sa dette de reconnaissance, c’est pour mieux marquer combien elle lui tient à cœur. Quand on écrit pour un objet déterminé, on peut le traiter soit en commençant, soit en finissant. Comme il s’agissait, d’autre part, d’une affaire d’argent, Paul aura préféré débuter par les nouvelles et les exhortations. Pourtant il fait allusion, par trois fois, i, 5-11 ; ii, 30, dans le courant de la lettre, aux secours que les Philippiens lui avaient envoyés, ii, 25 ; iv, 18, comme on l’a vu plus haut, col. 278. Épaphrodite s’acquitta de sa mission avec le plus grand dévouement. En même temps qu’il remettait à l’Apôtre l’offrande des fidèles, il lui donnait les nouvelles les plus consolantes de l’Église de Philippes. À part quelques rivalités de peu d’importance, rien n’était venu troubler la paix. Là persécution n’avait fait que montrer la patience des fidèles. Les judaïsants essayaient en vain de les surprendre : l’autorité de Paul était là trop vénérée pour qu’on pût oser quelque chose contre lui. S’il y avait des scandales de chrétiens relâchés, c’était assurément en dehors de Philippes. L’état de l’Église était donc des plus satisfaisants. L’Apôtre dut en ressentir une grande joie. Mais une nouvelle épreuve vint obscurcir cette éclaircie. Épaphrodite qui s’était associé aux travaux de l’Apôtre captif tomba dangereusement malade et faillit mourir, ii, 26. On l’apprit à Philippes avec un vif chagrin et l’on souhaita son retour. Épaphrodite désirait lui-même revoir sa patrie pour calmer les inquiétudes de ses amis. Aussi, quand il eut repris assez de forces pour pouvoir se remettre en route, l’Apôtre voulant faire cesser au plus tôt les craintes de tous, s’empressa de congédier le convalescent, lui remettant, pour les Philippiens, cette Épître pleine de tendresse, écrite de la main de Timothée, ii, 25, 28, lettre toute intime d’un père qui écrit à sa famille ponr la remercier d’une marque d’affection, lui donner de ses nouvelles, lui adresser des exhortations et des conseils, lui faire espérer son prochain retour, ii, 24. Telle est la situation d’où est sortie cette Épître.

VII, Analvse de l’Épure. — Bien que l’unité de cette lettre vienne plutôt de la logique des sentiments que de celle des idées, on peut cependant y trouver les trois grandes divisions des autres Épîtres.

1° Prologue, i, 1-11. — Il renferme l’adresse, l’action de grâces et les vœux de l’Apôtre pour sa chère communauté de Philippes. L’adresse, ꝟ. 1-2, a ceci de spécial qu’elle mentionne les èm’axoiioi et les Siàxovoi comme les deux éléments essentiels de l’organisation ecclésiastique à Philippes. L’action de grâces, ꝟ. 3-8, prend les tons les plus délicats, les plus affectueux pour exprimer aux Philippiens la joie que Paul éprouve de leur zèle pour la prédication de l’Évangile, depuis le jour de leur conversion jusqu’à cette heure où ils viennent de prêter leur concours à l’œuvre apostolique. Aussi l’Apôtre demande-t-il à Dieu, 9-11, pour eux, les dons surnaturels les plus excellents en charité, en science, en pureté morale.

2° Corps de l’Épilre, I, 12-lv, 9 Les nouvelles y

alternent avec les exhortations. On ne peut donc songer à un ordre méthodique. Mais comme les nouvelles prédominent au début de la lettre et ses exhortations vers la fin, on la divise généralement en deux parts à peu près égales. — A) Partie historique, i, 12-n, 30. Elle comprend divers morceaux. — a) Nouvelles personnelles, î, 12-26. L’Apôtre s’empresse de rassurer les Philippiens ; sa situation présente tourne de plus en plus aux intérêts et au progrès de l’Évangile. Son arrivée à Ronre a été le point de départ d’un redoublement de zèle dans la prédication de l’Évangile. La prison de Paul est, en un sens, plus féconde que ne l’avait été sa libre activité. Ses chaînes, traînées au prétoire, sont à elles seules comme une

prédication. À son exemple, et animés par la façon dont il supportait sa captivité, ses disciples et les autres chrétiens de Rome prêchaient. Il n’y a pas jusqu’à la jalousie de ses ennemis, sans doute les judaïsants, qui n’aidât au progrès de l’Évangile. Car cette émulation aboutit, à la fin, à étendre la connaissance du Christ. Aussi Paul s’en réjouit-il sincèrement. Pour lui, le Christ est tout. Que lui importe l’avenir 1 II est sûr que de toute façon le Christ sera glorifié, soit par sa vie, soit par sa mort, ꝟ. 19-21. Il s en remet donc au choix de Dieu. Il attend avec confiance l’issue de son procès, car, en toute hypothèse, il est sûr d’y trouver son profit. En effet, s’il est condamné} à mort, il sera réuni" au Christ ; s’il recouvre la liberté, il en profitera pour de nouvelles conquêtes apostoliques. Il croit pourtant que cette seconde alternative est la plus probable, qu’il pourra revoir les Philippiens, travailler à leur perfectionnement et se procurer ainsi un surcroît d’honneur, au jour de la Parousie, ꝟ. 21-26.

b) Exhortation à l’union, à la concorde, à la fidélité dans toute leur conduite, i, 27-n, 18. — Après ces premiers épanchements d’amitié, l’Apôtre en vient au seul reproche que méritât l’Église de Philippes ou, plus exactement, une portion minime de cette Église. Il s’était récemment passé une querelle d’amour-propre entre deux personnes de qualité, Évodie et Syntyque — peut-être deux diaconesses — qui avait quelque temps troublé les esprits et divisé les cœurs. Le cas avait été de peu d’importance. Aussi l’Apôtre n’y fait-il qu’une légère allusion. Il va droit à l’obstacle de l’union fraternelle : Pégoïsme qu’il faut combattre par l’humilité et le renoncement. Il faut entrer dans l’esprit d’abnégation dont le Christ nous a donné un exemple si sublime. Lui qui jouissait d’un état divin et qui eût pu, par conséquent, paraître ici-bas dans une gloire égale à celle de Dieu, il n’a pas jugé opportun de s’approprier un tel honneur, mais, au contraire, il s’est dépouillé de cet état divin en entrant dans l’état de serviteur, vivant en tout à la manière humaine et poussant même l’abaissement jusqu’à mourir sur une croix. Mais plus il s’est abaissé, plus il a été élevé, ii, 5-11. À cette exhortation spéciale à l’abnégation volontaire, saint Paul ajoute trois recommandations qui se rapportent à la fidélité chrétienne en général, la première en vue du salut des lecteurs eux-mêmes, ꝟ. 12, 13, la seconde, pour l’édification du monde extérieur, 5^. 14, 15 ; la troisième, en vue de leur Apôtre, ꝟ. 17-18.

c) Nouvelles de Timothée et d’Épaphrodite, ii, 1930. — Après l’exhortation d’autres nouvelles. Elles concernent les deux compagnons d’œuvre de saint Paul, qui sont actuellement avec lui : Timothée qui avait travaillé avec lui à la fondation de leur église et qu’il se propose de leur envoyer sous peu, puis Épaphrodite leur messager auprès de lui. Il enverra Timothée dès qu’il aura vu la tournure que prendra son procès, il espère le suivre sans retard, ꝟ. 19-24. Quant à Épaphrodite, il ne veut pas tarder un instant à le leur rendre. Il raconte la grave maladie qu’il a contractée à Rome, sa convalescence inespérée, l’accueil empressé qu’ils devront faire à un homme qui lui a été si utile ! il. 25-30.

B) Partie morale, iii, 1-iv, 9. — Au dernier moment, Paul, qui peut-être songeait à abréger sa lettre, revient aux divers avis qu’il juge utiles aux Philippiens. Il les met en garde : — o) Contre les judaïsants qu’il traite avec la plus grande sévérité et une énergie d’expressions toute sémitique, iii, 2-14. Il montre, par son propre exemple, le cas qu’il faut faire de la justice légale : elle n’est que poussière et ordure auprès de la vraie justice, qui est celle du Christ. — b) Contre les mauvais exemples de chrétiens mondains et sensuels dont l’Apôtre parle avec larmes. Ces exemples ne venaient pas de leur Église. Ces ennemis de la croix du Christ qui déshonorent, par leur vie sensuelle, sans doute par l’ivro-