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VULGATE

4. Sa valeur. — Bellarmin, dans la préface, reconnaît que la nouvelle Bible n’est pas parfaite, et qu’on y avait laissé à dessein des choses qui semblaient devoir être corrigées. Du reste, le travail des correcteurs n’a pas toujours été exactement reproduit, par l’incurie de l’imprimeur. Les protestants ont violemment attaqué à diverses reprises la revision pontificale de la Vulgate. En 1600, Thomas James a publié à Londres un pamphlet intitulé : Bellum papale sive concordia discors Sixti V et Clementis VIII circa hieronymianam editionem, dans lequel il relevait environ 2000 différences entre les deux Bibles. Une seconde édition parut en 1606, et Cox a réimprimé encore ce livre en 1840 et en 1855. L’argument est sans valeur, puisque les divergences signalées étaient volontaires, et le P. Henri de Bukentop en comptait 2134. Lux de luce l. III, Bruxelles, 1706. Le P. Vercellone en a remarqué 50 autres, de minime importance, il est vrai, rien que dans le Pentateuque. En 1906, le P. Hetzenauer reprenait la comparaison des deux textes et aboutissait au chiffre total de 4900 divergences, p. 367. Les protestants prétendaient aussi que les éditeurs des Bibles sixtine et clémentine n’avaient fait que choisir des leçons différentes parmi les variantes des Bibles de Louvain. Ce reproche n’est pas fondé. Bien qu’ils aient utilisé les Bibles de Louvain, les correcteurs romains ont recouru directement aux manuscrits, aux textes originaux et aux citations bibliques des Pères, et des leçons qu’ils ont adoptées la dixième partie seulement se trouvait dans les éditions louvaniennes. Pour les Évangiles, la Bible sixtine est le plus souvent d’accord avec l’édition de Robert Estienne de 1538, tandis que la Bible clémentine se rapproche surtout de l’édition de Henten, imprimée en 1548. Cf. J. Wordsworth, op. cit., t. I, p. 721-723. Les critiques actuels sont unanimes à reconnaître que la Bible clémentine est le fruit d’un travail sérieux, aussi parfait qu’on pouvait le faire alors avec les ressources critiques dont on disposait. Quoique son texte ne soit pas absolument pur et qu’il ait conservé des leçons qui n’appartenaient pas à l’œuvre primitive de saint Jérôme, il est meilleur que celui des éditions qui l’ont précédé au XVIe siècle. Il est aussi en progrès sur celui de la Bible sixtine. C’est donc une édition, qui est bonne en elle-même, très bonne pour l’époque, sans être parfaite. Cf. C. R. Gregory, Textkritik des Neuen Testaments, Leipzig, 1902, t. ii, p. 621.

5. Ses éditions. — a) Éditions romaines. — En vertu du décret de Clément VIII, l’imprimerie vaticane devait publier seule, pendant dix ans, la Bible nouvelle. On en lit, en 1593, une seconde édition, dans laquelle on corrigea un certain nombre des erreurs typographiques de la première ; mais celles qui furent reproduites et les nouvelles qui furent commises dépassèrent le chiffre de la première. Une troisième édition sortit des mêmes presses en 1598 ; elle ne corrigea qu’une partie des fautes précédentes et surpassa les deux premières éditions en négligence. Pour porter remède à un mal qui empirait, on imprima en appendice une triple liste d’errata des trois éditions de 1592, 1593 et 1598, dont devaient tenir compte les imprimeurs postérieurs. Mais cette triple liste n’était pas complète de sorte que, pendant longtemps, des fautes de cette nature se sont perpétuées dans les Bibles subséquentes. En 1603, Luc de Bruges releva sur les éditions romaines les principales divergences pour faciliter aux imprimeurs, et notamment à Plantin d’Anvers, l’impression, correcte de la nouvelle édition : Romanæ correctionis in latinis Bibliis editionis vulgatæ jussu Sixti V Pont. max. recognitis loca insigniora, Anvers, 1603 ; 2e édit., 1618. En 1906, le P. Hetzenauer a compté 270 différences entre l’édition de 1592 et celles de 1593 et de 1598, 140 entre la seconde et la première et la troisième, 830 entre cette dernière et les deux précédentes. Le Nouveau Testament, imprimé à Rome, en 1607, n’est qu’une reproduction partielle de l’édition de 1598. Le P. Vercellone y a remarqué les mêmes fautes caractéristiques. Une table d’errata, qui y est ajoutée, contient des fautes qui n’ont jamais été corrigées dans les éditions romaines antérieures et postérieures. Celles de 1618 et de 1624 diffèrent à peine de la troisième. Des éditions plus correctes ont paru à Rome en 1671, 1765, 1768 et 1784. Elles ont donné occasion à cette assertion fausse que les souverains pontifes auraient introduit de nouvelles corrections dans la Bible clémentine.

6) Autres éditions. — Celles qui ont paru au xviie et au xviiie siècle sont trop nombreuses pour être mentionnées. Voir Le Long, Bibliothèque sacrée, Paris, 1723, t. i, p. 234, qui en avait dressé une liste, complétée par Copinger. Elles ne présentent pas d’intérêt, parce qu’elles dérivent toutes plus ou moins directement des éditions romaines, surtout de celle de 1598 avec sa triple liste d’errata. Toutefois, les fautes signalées n’ont pas toujours été exactement corrigées, et quelques erreurs se sont perpétuées d’édition en édition. On peut dire qu’aucune n’est absolument pure sous ce rapport. Au cours du XIXe et du XXe siècle, quelques éditeurs ont eu à cœur de viser à une correction plus parfaite. L’édition de Francfort en 1826, quoique louée par Léon XII, est remplie d’un grand nombre de fautes. Trois éditions constituent un progrès sérieux, dans cette voie de correction typographique : celle de Léonard van Ess, Tubingue, 1824, de Valentin Loch, Ratisbonne, 1849, l’édition de Marietti, Turin, 1851 ; cette dernière a été louée par la S. C. de l’Index pour sa fidélité. Voir Analecta juris pontificii, 1857, col. 2712. Deux autres, extrêmement soignées, sont l’œuvre du P. Vercellone, Rome, 1861 (reproduite par beaucoup d’éditeurs) et du P. Hetzenauer, 2 in-4°. Inspruck, 1906. Voir la préface de l’édition du P. Vercellone.

Travaux particuliers pour l’amélioration de la Vulgate. — Si Clément VIII avait interdit aux catholiques de publier des éditions de la Vulgate, différentes de la correction romaine, et d’ajouter des variantes aux marges de cette édition, il n’avait pas défendu de relever dans les manuscrits les leçons nouvelles, qui pourraient y être découvertes et qui pourraient servir à améliorer le texte officiel de la Vulgate. En 1605, Luc de Bruges publiait les variantes qu’il avait recueillies dans les manuscrits de l’ancienne Vulgate et du texte grec sur les Évangiles : Notarum ad varias lectiones in quatuor Evangeliis occurrentes libellus duplex, quorum uno græcæ, altero latinæ varietates explicantur, Anvers. Cet ouvrage était dédié à Bellarmin. Le cardinal, après avoir promis de le lire, ajoutait : « S’il me paraît certain que le texte sacré puisse être avantageusement modifié quelque part, j’en parlerai au souverain pontife et aux cardinaux intéressés dans la question. Mais vous vous rendez bien compte vous-même qu’il n’est pas facile de faire dans un texte sacré des changements de cette sorte ; il n’en est pas moins fort utile que les gens doctes soient informés de diverses leçons et de l’avis d’hommes experts comme vous et vos semblables. » Lettre du 1er novembre 1606. Cf. Le Bachelet, op. cit., p. 69-70, 170-173. En 1618, Luc de Bruges ajouta à la seconde édition de ses Romanæ correctionis… loca insigniora, un autre petit livre continens alias lectionum varietates in iisdem Bibliis latinis, ex vetustis manuscriptis exemplaribus collectæ, quibus possit perfectior reddi, feliciter cœpta correctio, si accedat summi Pontificis auctoritas, Anvers. Ibid., p. 70, 174-185.

Au xixe siècle, un barnabite, le P. Charles Vercellone, encouragé par Pie IX, recueillit dans les documents manuscrits des correcteurs romains, dans les manu-