Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/1273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2485
2486
VULGATE

était de faire une édition correcte de cette version, qu’on demanderait au pape en même temps qu’une édition correcte des textes hébreu et grec. A. Theiner, op. cit., t. i, p. 64 ; S. Ehses, t. v, p. 29. Cf. Merkle, op. cit., t. i, p. 36. En congrégation particulière, le 23 mars, deux membres demandèrent que l’approbation de la Vulgate entraînât le rejet des autres éditions. L’êvêque de Fano répondit qu’on recevait la Vulgate, parce qu’elle a toujours été reçue par l’Église et parce qu’elle est ancienne, mais que les autres éditions n’étaient pas rejetées. Quelques-unes sont bonnes ; la Vulgate est meilleure et il convient qu’elle seule soit tenue pour authentique dans l’Église. S. Merkle, op. cit., t. i, p. 527 ; S. Ehses, t. v, p. 37. Cf. A. Theiner, op. cit., t. i, p. 70. Ces objections furent reprises à la congrégation générale du 1er avril, et l’évêque de Fano les résolut de nouveau. L’abus, dit-il, ne consiste pas à avoir plusieurs versions de la Bible, puisque dès l’antiquité il y en a eu plusieurs ; il consiste à en avoir plusieurs qui soient tenues pour authentiques. On n’en veut qu’une seule authentique, et c’est la Vulgate, parce qu’elle est ancienne, et pour que les adversaires de l’Église n’aient pas l’occasion de dire que l’Église n’a pas eu jusqu’ici de bons textes. Les autres versions, même celles des hérétiques, ne sont pas rejetées pour ne pas restreindre la liberté chrétienne. Merkle, op. cit., t. i, p. 42 ; S. Ehses, t. v, p. 50 ; Theiner, op. cit., t. i, p. 79. La discussion continua en congrégation générale, le 3 avril. Le cardinal de Trente accepterait une édition authentique en quelque langue que ce soit. Le cardinal de Jæn aurait voulu qu’on rejetât toutes les autres versions, sauf celle des Septante, et qu’on ne reçût la Vulgate qu’après sa correction. Son avis fut adopté par d’autres Pères. Les votes furent, d’ailleurs, assez divergents. Le président, le cardinal del Monte, les résuma ainsi : La majorité semble admettre que la Vulgate soit reçue, mais que le décret soit rédigé de telle sorte que les autres versions ne soient pas tacitement rejetées. Le cardinal Poole était d’avis qu’on eût plusieurs éditions de la Bible et qu’il allait approuver, en même temps que la Vulgate, les Septante et les textes hébreu et grec. Celui qui a un vase d’or et un vase d’argent, dit-il, ne brise pas le second pour ne se servir que du premier. La question mise aux voix, tous les membres acceptèrent que la Vulgate seule serait reçue, qu’on ne mentionnerait pas dans le décret les autres éditions et qu’on ne rejetterait pas expressément les éditions des hérétiques. La majorité repoussa le projet d’avoir une édition authentique en hébreu, en grec et en latin ; elle ne voulait que la Vulgate pour authentique. Theiner, op. cit., t. i, p. 79-83 ; Merkle, op. cit., t. i, p. 42-44 ; S. Ehses, t. v, p. 59-66. Le décret fut rédigé en ce sens, lu et unanimement approuvé le 5 avril, enfin solennellement promulgué le 8.

En voici la teneur : « Considérant qu’il pourrait résulter pour l’Église de Dieu une assez grande utilité de connaître l’édition qu’il faut tenir pour authentique parmi toutes les éditions latines des Livres Saints qui ont cours, le même saint concile statue et déclare que c’est l’édition ancienne et vulgate, approuvée par le long usage de l’Église elle-même pendant tant de siècles, qui doit elle-même être regardée comme authentique dans les leçons, discussions, prédications et expositions publiques, et que personne ne doit avoir l’audace ou la présomption de la rejeter sous aucun prétexte. » Enfin, le concile ordonnait que la Sainte Écriture, surtout la vieille édition vulgate, fût imprimée le plus correctement possible. Decretum de editione et usu sacrorum Librorum, sess. IV.

Cependant ce décret, quand il fut connu à Rome, souleva de grosses difficultés. Les théologiens du pape trouvaient qu’on avait donné à la Vulgate trop d’auto rité et ils refusaient d’approuver le décret en raison des fautes qui existaient dans la version latine, seule déclarée authentique. Ils délibérèrent s’il ne fallait pas retarder l’impression du décret ou en modifier la teneur. Les légats pontificaux durent expliquer par lettres les raisons et le sens du décret. Ils rappelaient en particulier que les traductions et les éditions de la Bible, faites depuis vingt ans en si grand nombre et si divergentes en des points très importants, rendaient nécessaire l’adoption d’une seule version comme authentique ; qu’aucune version n’aurait pu être préférée à l’ancienne Vulgate, si estimable en elle-même, et qui n’avait jamais été suspecte d’hérésie. Leur correspondance publiée partiellement par le P. Vercellone, Dissertazioni accademiche da vario argomento, Rome, 1864, p. 79, et plus complètement par Druffel-Brandi, Monumenta Tridentina, fasc. 4, Munich, 1897, donna satisfaction à tous les esprits et décida Paul III à approuver le décret de Trente.

Sens du décret. — Il a été diversement interprété par les théologiens, les uns entendant l’authenticité de la Vulgate dans le sens de sa conformité avec le texte primitif des Livres Saints, et les autres reconnaissant seulement dans cette authenticité une autorité officielle qui rendait l’usage de la Vulgate obligatoire dans l’enseignement public et plaçait ainsi cette version au-dessus des traductions privées qui avaient cours à l’époque du concile.

1. Des débats précédemment résumés il résulte que les Pères de Trente, dans leurs délibérations, n’ont pas examiné la conformité de la Vulgate avec les textes originaux, qu’ils n’en ont parlé qu’indirectement et que cette conformité n’a pas été la raison pour laquelle ils ont déclaré la Vulgate authentique. Ils voulaient donner à l’Église un texte officiel des Livres Saints, qui fit autorité dans les écoles, la prédication et la liturgie, à l’exclusion implicite des versions récentes. S’ils ont choisi la Vulgate latine pour en faire ce texte officiel, c’est à cause de son usage ancien et universel dans l’Église, qui garantissait suffisamment sa fidélité essentielle aux originaux et son autorité ecclésiastique. L’usage de cette antique traduction était rendu obligatoire dans l’enseignement public, de telle sorte que personne n’était en droit d’en rejeter l’autorité sous aucun prétexte. Le concile ne mettait pas cette version au-dessus ni des textes originaux, hébreu et grec, ni des anciennes traductions qui avaient été en usage dans l’Église et l’étaient encore dans les Églises orientales. Il reconnaissait implicitement le droit de recourir aux originaux et aux anciennes traductions. Il imposait seulement pour l’enseignement public un seul texte, celui qui avait eu cours dans l’Église depuis tant de siècles et que cet emploi séculaire avait approuvé et consacré. Il n’approuvait pas l’œuvre de saint Jérôme, mais la version reçue à laquelle il conférait un caractère officiel pour les leçons et les prédications publiques. S’il avait eu en vue l’exactitude de la traduction, il aurait dû l’imposer même pour l’usage privé. Puisqu’il en fait un document public et officiel, il ajoute que personne n’a le droit de le récuser, quand il sera invoqué. Il employait donc le mot authentique dans le sens que lui donnaient alors les théologiens, les canonistes et les juristes.

Tel est le sens qu’ont donné à ce décret les théologiens du xv(e siècle, qui assistèrent au concile de Trente, et les théologiens récents qui ont étudié les Actes officiels de cette assemblée. Au nombre de ces théologiens, nous pouvons citer A. Salmeron, Comment. in evangelicam historiam, prolegom. III, Cologne, 1612, p. 24-25 ; A. Véga, qui rapporte le témoignage du cardinal Cervino, De justificatione, 1. XV, c. ix, Cologne, 1572, p. 692 ; J. Lainez, dont le témoignage