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VULGATE

dit que Franco (1060), également instruit dans la littérature sacrée et profane, divinæ Scripturæ invigilavit. Or, dans le ms. &5176 de la Bibliothèque nationale de Paris, qui est du XIe siècle, un poème d’Alcuin sur les Évangiles a les noms d’Odilo abba et de ΦΡΑΝΚΩ, substitués aux noms de Carolus rex et d’Alcuin, qui ont été raturés. Franco est certainement le copiste du manuscrit et l’abbé Odilon a commandé l’exécution de cette copie. Avant 1090, deux bénédictins, Théoger, de Saint-Georges, et Heimon, moine d’Hirschau, sur l’ordre de Guillaume d’Hirschau, s’occupèrent à corriger les fautes de copies des livres des deux Testaments, pour l’usage de leur congrégation. Voir Mabillon, Annales ordinis S. Benedicti, Paris, 1717, t. v, p. 277 ; Monumenta Germaniæ, t. xii, p. 451. Cf. E. Nestlé, Die Hirschauer Vulgata-Revision, dans Theologische Studien aus Württemberg, 1889, p. 305-310.

Nous connaissons mieux l’essai de correction de la Vulgate exécuté par saint Etienne Harding, le troisième abbé de Cîteaux (1109-1134). Mabillon avait révélé son existence, en publiant une note de l’auteur sous le titre : Censura de aliquot locis Bibliorum, dans Opéra S. Bernardi, t. iii, p. xi, rééditée par Migne, Pat. lat., t. CLXVi, col. 1373-1376, et auparavant par Martianay, Prolegomena ad divinam Bibliothecam S. Hieronymi, Pat. lat., t. xxviii, col. 67-69. Or, la « Bible de saint Etienne » a été conservée et à l’époque de la Révolution française a passé de la bibliothèque de Cîteaux à la bibliothèque municipale de Dijon, n° 9 bis. Elle comprend 4 volumes, écrits par deux mains différentes, et contient l’Ancien et le Nouveau Testament. Elle a été terminée en 1109, ainsi que l’indique une note, t. ii, fol. 150v, qui est peut-être de la main de l’abbé. Cette note, publiée par Mabillon, nous renseigne aussi sur l’occasion, le but et la méthode de la correction. L’abbé se proposait de fournir au monastère, récemment fondé, un exemplaire type du texte sacré pour les usages liturgiques et autres de la communauté. Dans ce dessein, on rassembla des bibles et on s’adressa même à diverses églises afin d’adopter le texte le plus sûr. Or, l’une des bibles ainsi recueillies différait notablement de toutes les autres : elle avait un texte plus complet et contenait de nombreux passages qui lui étaient exclusivement propres. Quelle était la valeur de ces additions ? Faisaient-elles partie du texte sacré? L’abbé de Cîteaux la fit copier et fit servir la copie pour les lectures publiques. Cependant les gloses qu’elle renfermait troublèrent les religieux : l’œuvre de saint Jérôme leur parut altérée. Pour en juger, l’abbé alla trouver des juifs, versés dans la connaissance des Écritures, et il les interrogea en latin sur les passages du texte plus complet, qui ne se lisaient pas dans les autres Bibles latines. Ceux-ci, consultant leurs livres hébreux et chaldaïques, n’y trouvèrent pas les additions qui étaient en cause. Suivant donc « la vérité hébraïque et chaldaïque » et beaucoup d’exemplaires latins, l’abbé de Cîteaux gratta sur son exemplaire tous les passages superflus, qui étaient spécialement très nombreux dans les livres des Rois. Les grattages indiquent suffisamment les leçons raturées. Etienne Harding interdit de les réintroduire dans le texte ou dans les marges et d’ajouter des notes à l’exemplaire corrigé ainsi au prix d’un si grand travail. Le Nouveau Testament, dont il n’est pas question dans cette note, a été revisé aussi bien que l’Ancien. Des notes marginales sur les Évangiles, il résulte que les corrections ont été faites d’après le texte grec et de très anciens manuscrits latins. Toutefois, le travail critique de saint Etienne n’a pas consisté exclusivement à supprimer les additions, qui n’avaient pas de texte correspondant dans l’original ; il a aussi fait quelques additions ou, pour mieux dire, des modifications au texte gratté, dont l’existence est manifestée par une seconde écriture plus serrée. Les suppressions sont plus fréquentes dans l’Ancien Testament, et les additions dans le Nouveau. Quelques notes marginales, en petit nombre et pour certains livres seulement, indiquent les motifs des corrections opérées. D’un examen partiel du manuscrit de Dijon, l’abbé Paulin Martin a conclu que les omissions, notamment dans les livres des Rois, portaient sur des passages des anciennes versions latines, faites sur la traduction des Septante, qui avaient été réintroduits dans l’œuvre de saint Jérôme. Saint Etienne Harding et les premiers recenseurs de la Vulgate latine, Théodulfe et Alcuin (extrait de la Revue des sciences ecclésiastiques), Amiens, 1887. La Bible cæteris plenior, que l’abbé de Cîteaux avait fait copier et qu’il corrigea, était donc une Vulgate altérée, telle qu’elle était répandue au XIe siècle ; les Livres Saints y étaient disposés dans le même ordre que dans les manuscrits espagnols et méridionaux ; les manuscrits latins plus courts, qui ressemblaient au texte hébreu, étaient des Vulgates non interpolées. L’abbé de Cîteaux donna donc à son monastère une Bible plus pure ; mais sa tentative, mal entreprise, n’eut peut-être aucun effet en dehors de l’ordre cistercien, où elle a servi pour l’usage liturgique. Ph. Guignard, Les monuments primitifs de la règle cistercienne, Dijon, 1878. Cf. H. Denifle, dans Archiv für Literatur und Kirchengeschichte des Mittelalters, Fribourg-en-Brisgau, 1888, t. iv, p. 266270 ; S. Berger, Quam notitiam linguæ hebraicæ habuerint christiani medii ævi temporibus in Gallia, Paris, 1893, p. 9-11. À la même époque à Cluny, l’abbé Pontius (1109-1125) corrigeait une bible sur le texte d’un autre manuscrit. Bibliotheca cluniacensis, p. 1645. À la fin du xiie siècle, un diacre de l’église de Saint-Damase à Rome, Nicolas Maniacoria ou Maniacocia, qui ne fut jamais cardinal ni bibliothécaire de l’Église romaine, comme on l’a prétendu longtemps, fit aussi, avec l’aide d’un juif qui le renseignait sur le texte hébreu et les traditions hébraïques, une correction du texte latin de la Vulgate. Il savait d’ailleurs les langues hébraïque, grecque et latine, au témoignage d’Odon de Châteauroux, évêque de Frascati (1244-1273), Pitra, Analecta novissima, Frascati, 1888, t. ii, p. 298, et il est l’auteur d’une version latine du Psautier, faite sur l’hébreu. Son Suffraganeus bibliothecæ, ou introduction à ses remarques critiques, n’a été longtemps connu que par un extrait qu’en avait fait le cardinal Bessarion dans une dissertation inédite et que Lindanus avait publié, De optimo Scripturas interpretandi genere, 1. I, c. v ; 1. III, c. iii, 1558, p. 28, 101-102. L’abbé Paulin Martin, le premier, l’a publié en entier, Introduction générale à la critique de l’Ancien Testament. De l’origine du Pentateuque (lithog.), Paris, 1887, t. i, p. ci-cvm, d’après le manuscrit de Venise (Bibliothèque de Saint-Marc, lat. class.X, n°478, fol. 141, ayant appartenu à Bessarion), du xve siècle, que le cardinal Pitra lui avait signalé et qu’il avait fait venir à Paris par la voie diplomatique. De son côté, le P. Denifle le publiait comme inédit, dans son Archiv für Literatur und Kirchengeschichte des Mittelalters, 1888, t. iv, p. 270-276, ainsi qu’un extrait sur la Genèse, ibid., p. 475-476 ; S. Berger reproduisait l’édition de Denifle, Quam notitiam, etc., p. 12-14 ; Mgr Mercati, qui avait découvert à Parme un manuscrit de la version latine du Psautier, Alcune note di letteratura patristica (extrait des Rendiconti del R. Ist. Lombardo di sc. e lett., IIe série, 1898, t. xxxi), p. 43-51, réunissait tous les renseignements connus jusqu’alors sur Nicolas Maniacoria. Specimen d’un Dizionario bio-bibliografico degli scrittori italiani, série 1re, n° 4. Enfin, le P. Van den Gheyn signalait un second manuscrit du Suffraganeus et d’une partie de la version latine du Psautier hébraïque à la bibliothèque royale de Bruxelles, n° 5 4031-4033, fol. 1-32. Nicolas Maniacoria,