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VULGATE

Voir ses Capitulaires, dans Pertz, Monumenta Germaniæ. Leges, t. i, p. 44, 65. Deux hommes, Théodulfe, évêque d’Orléans, et Alcuin, abbé de Saint-Martin de Tours, ont cherché à réaliser les volontés de Charlemagne, mais ils ont suivi des règles différentes et abouti à des résultats divergents.

1. Bibles de Théodulfe. — Léopold Delisle a révélé au public savant l’existence et l’importance de l’œuvre de l’évêque d’Orléans. Les Bibles de Théodulfe, dans la Bibliothèque de l’École des chartes, 1879, t. XL, p. 73-137. Il en a signalé six témoins. Deux, qui sont les chefs-d’œuvre de la calligraphie au début du IXe siècle, ont été exécutés presque en même temps et peut-être par le même copiste et ils se ressemblent presque autant que deux épreuves tirées de la même planche typographique. Ce sont la Bible de Mesmes (B. N., 9380) et la Bible conservée au trésor de la cathédrale du Puy. Elles reproduisent le travail de Théodulfe lui-même. Elles ressemblent extérieurement aux Bibles espagnoles : la décoration, l’ordre des livres sacrés, une partie des sommaires paraissent empruntés à des manuscrits espagnols. Le texte de la première main est une Bible mêlée, copiée vraisemblablement sur des originaux différents, espagnols ou languedociens, pour les Rois, les Épîtres de saint Paul, les Actes et les Épîtres catholiques, irlandais ou anglo-saxons pour les Évangiles ; celui des autres livres n’est pas toujours très bon. Entre les lignes et dans les marges se lisent des corrections et des variantes d’une autre main, qui représentent le travail de Théodulfe. Toutefois elles sont moins nombreuses sur la Bible du Puy que sur la Bible de Mesmes, dont la précédente est une copie. L’évêque d’Orléans a exponctué les interpolations et a cherché à se rapprocher d’un texte plus pur. Son travail est inégal selon les livres, et ses sources ont été différentes, à savoir, pour l’Ancien Testament, un texte presque semblable à celui du Vallicellanus, et pour la Bible entière, des textes espagnols ou plutôt méridionaux, - qui lui ont fourni beaucoup de variantes. Sa Bible est un retour à la vieille érudition espagnole, et ce résultat n’est pas surprenant, puisque Théodulfe était visigoth d’origine.

L’œuvre de l’évêque d’Orléans était tout individuelle ; elle ne pouvait donc pas être comprise et elle ne survécut pas à son auteur. On en remarque cependant l’influence sur deux manuscrits de Fleury-sur-Loire, qui reproduisent le texte des prophètes : l’un est du IXe siècle (bibliothèque d’Orléans, n. 14), l’autre en est une copie, plus jeune d’un siècle (même bibliothèque, n°11 et 13). Deux autres Bibles sont des copies plus exactes, quoique indirectes, de l’œuvre de Théodulfe : le ms. 9 de Saint-Germain-des-Prés (B. N., 11937), et la Bible de Saint-Hubert (British Museum, addition, 24142), tous deux du ixe-xe siècle. Un fragment assez étendu, conservé à la bibliothèque royale de Copenhague (nouveau fonds royal, 1), a été signalé par Léopold Delisle, Bibliothèque de l’École des chartes, t. xlvi, p. 321. Il est de la même époque que les deux Bibles précédentes, mais il présente quelques particularités. Les copies que dom Martianay a vues au XVIIe siècle dans le trésor des cathédrales de Carcassonne et de Narbonne, Pat. lat., t. xxviii, col. 136-137, n’ont pas été retrouvées. L’œuvre de Théodulfe a donc eu peu d’influence sur la transmission du texte de la "Vulgate, sauf peut-être pour quelques-uns de ses sommaires et notamment la recension des Épîtres de saint Paul, faite par Peregrinus, ou au moins son édition catholique des canons de Priscillien. Celle-ci, introduite en France par l’évêque d’Orléans, s’est perpétuée dans les manuscrits de France et d’Angleterre, jusqu’après le milieu du xiie siècle. Voir col. 2172-2173.

2. Bibles d’Alcuin et de l’école de Tours. — Alcuin exerça son activité sur la Bible latine à différentes époques de sa carrière, soit comme maître de l’école du palais royal, soit comme abbé de Saint-Martin de Tours.

a) L’école chrysographique et palatine. — Les premiers travaux d’Alcuin sur la Vulgate consistent dans la transcription des manuscrits en lettres d’or qui forment un groupe important et remontent pour la plupart au règne de Charlemagne, sinon même à la première partie de ce règne. Ce sont : les Évangiles Hamilton 251, acquis en 1890 par M. Irwin d’Oswego (État de New-York), l’évangéliaire de Godescalc (B. N., nouv. acquisitions françaises, 1993), le Psautier d’Adrien Ier (bibliothèque impériale de Vienne, n° 652), le Codex Adæ ou Codex Aureus de Trêves, le manuscrit de Saint-Riquier (bibliothèque d’Abbeville, n° 1), le ms. n° 599 de la bibliothèque de l’Arsenal, le ms. Harléien 2788, les Évangiles de Saint-Médard (B, N., 8850), le ms. Palatin 50 et les ms. 8849, 11955 et 9383 de la Bibliothèque nationale. Leur texte est un texte carolingien ancien, antérieur à la version de la Vulgate, donc un texte mélangé, qui contient des leçons espagnoles, mais surtout des leçons irlandaises et anglo-saxonnes. M. Corssen a fait une étude spéciale du texte du Codex Adæ. Die Trierer Ada-Handschrift, in-fol., Leipzig, 1889, p. 29-61. Le texte de la première main ressemble surtout à celui des plus anciennes bibles de Tours, dont il sera question plus loin, et celui de la seconde main reproduit le texte courant du IXe siècle dans les manuscrits franco-saxons. Ces beaux manuscrits viennent de l’école palatine, qu’Alcuin dirigea dès 782.

6) La recension faite par Alcuin à Saint-Martin de Tours. — Pour répondre aux désirs de Charlemagne, Alcuin, devenu abbé de Saint-Martin de Tours, fit, entre 799 et 801, une revision de la Vulgate, à l’aide de manuscrits northumbriens qu’il avait fait venir d’York. Voir t. i, col. 341-342. Il en fit remettre, à Aix-la-Chapelle, un exemplaire à Charlemagne par son disciple Frédégise pour la fête de Noël 800. Il en avait fait exécuter d’autres copies pour des particuliers, comme le prouvent des dédicaces en vers, composées par lui et parfois transcrites en d’autres manuscrits. Malheureusement, ces manuscrits autographes ne sont pas venus jusqu’à nous, et nous ne connaissons le texte de la recension d’Alcuin que par des copies postérieures, faites à Tours. Les critiques modernes sont d’accord pour reconnaître que le Vallicellanus est, de toutes ces copies, celle qui reproduit le plus fidèlement la recension d’Alcuin, quoique son texte ait déjà été retouché. Ils en concluent que le texte alcuinien de la Vulgate était un assez bon texte, de caractère anglo-saxon relativement pur. Alcuin en avait exclu les leçons des anciennes versions latines et avait presque rendu à la traduction de saint Jérôme sa saveur première. Ses disciples ne surent pas lui conserver cette pureté reconquise, et ils altérèrent successivement l’œuvre de leur maître, en y faisant rentrer les leçons étrangères qu’il en avait exclues.

c) Les Évangéliaires d’Adalbald. — Sous le gouvernement de Frédégise (807-834), le moine Adalbald inventa ou, au moins, amena à sa perfection, la semi-onciale carolingienne qui constitue la caractéristique paléographique de l’école de Tours, au jugement de Léopold Delisle, Mémoire sur l’école calligraphique de Tours au IXe siècle, dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1885, t. xxxii, 1re partie. Il nous reste plusieurs manuscrits signés de son nom. L’Évangéliaire (B. N. 17727) représente sa plus ancienne manière d’écrire. Son texte se rapproche de celui des plus anciennes grandes Bibles de Tours, dont il sera bientôt question. Onze autres évangéliaires sont des monuments du style le plus parfait de l’école d’Adalbald ou reproduisent partiellement le même