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VULGATE

Le ms. du British Museum (addition. 5463), du commencement du ixe siècle, a un texte fort rapproché de celui du groupe parisien, sans lui être identique. Une autre famille de manuscrits des Évangiles (B. N., 9886, 264, 268), du ixe et du xe siècle, dont le texte est apparenté à une bible provenant de Saint-Germain (B. N., 11505), contient des interpolations irlandaises et des particularités anglo-saxonnes. Une main récente a introduit des leçons irlandaises dans un manuscrit de Richelieu (B. N., 46273), qui paraît être du Xe siècle. Les Bibles de Saint-Riquier (B. N., 11504 et 11505), et le Codex regius (B. N., latin 45 et 93), qui ont été copiés et corrigés sur le même modèle, sont apparentés au texte catalan, étroitement uni au texte languedocien, mais ils ont aussi une relation étroite avec celui des manuscrits français (B. N., 303 et 305), du xie siècle. Le pagus de la Moselle se servit d’un texte plus mélangé encore que celui de Paris, ainsi qu’en témoigne la demi-Bible qui porte le n° 7 à la bibliothèque de Metz et qui est du commencement du ixe siècle. À Corbie, entre la fin du viiie siècle et le commencement du ixe, la Vulgate présentait un texte mêlé de leçons anciennes, témoin la Bible de Mordramne du viiie siècle, qui est à la bibliothèque d’Amiens en quatre volumes, n° 5 6, 7, 11 et 12. Plusieurs autres manuscrits plus récents : Psautier (Amiens, n » 18), les quatre livres d’Esdras (Amiens, n° 10), les Actes, les Épîtres catholiques et l’Apocalypse (B. N., 13174), la Bible en deux volumes (B. N., 11533 et 11533), ont un texte mêlé, dont les leçons espagnoles sont adventices. Le ms. 1190 de la bibliothèque impériale de Vienne a été copié au commencement du ixe siècle, à Saint-Vaast d’Arras ; il reproduit la recension française d’origine espagnole.

4. Les Bibles de Saint-Gall et de l’Italie du nord. — a) Saint-Gall. — Outre les textes irlandais, qui ont pénétré à Saint-Gall et dont il a déjà été parlé voir plus haut, outre les manuscrits bilingues, monuments de calligraphie et de luxe, transcrits à Saint-Gall par des mains irlandaises (le Sangallensis, n° 48, le Bœrnerianus, voir t. i, col. 1826, l’Augiensis, col. 1233-1234, et les psautiers bilingues Saint-Gall n°17 ; bibliothèque de Bâle, A. VII, 3, etc.), la célèbre abbaye a connu un texte biblique, ayant un caractère propre et formant une tradition strictement locale. Les documents qui le contiennent sont l’œuvre des savants calligraphies du VIIIe et du IXe siècle, Winitharius et Hartmut, et de leur école. Le ms. 70, contenant les Épîtres de saint Paul, est signé par Winitharius. L’identité d’écriture permet de lui attribuer les manuscrits 2 (Actes et Apocalypse) et 907 (Épîtres catholiques et Apocalypse). Quelques extraits de la Vulgate des divers livres de la Bible se trouvent dans le ms. 11. Le texte est assez mauvais et quelques-unes de ses leçons sont apparentées aux leçons espagnoles ou languedociennes. D’autres manuscrits de la même époque, 1398a- et 282 (fragments du Ier livre des Rois), 43 et 44 (Ézéchiel, petits prophètes et Daniel), 28 (livres sapientiaux), 6 (Chroniques, Esdras et Néhémie, Tobie, Judith et Esther), 14 (Job) et 12 (Machabées), sont à la base du texte traditionnel de Saint-Gall, établi par Hartmut. Ce calligraphe, qui fut abbé de Saint-Gall (872-883), avait copié lui-même ou fait copier neuf manuscrits bibliques pour son monastère et une bible complète en neuf volumes pour son propre usage. De ces 18 volumes, S. Berger en a reconnu une dizaine en 13 codices, conservés jusqu’aujourd’hui : 19 (Psautier hébraïque), 7 (livres sapientiaux et Chroniques), 81 (livres sapientiaux, Job et Tobie), 46 (Ézéchiel, petits prophètes et Daniel), 45 (Ézéchiel, Daniel, petits prophètes) à Saint-Gall, British Museum, addit. 11851 (Nouveau Testament sans les Évangiles), 77, 78, 82, 79, 83, 75 de Saint-Gall, qui semblent avoir fait partie d’une Bible complète.

Mais Hartmut était plutôt un éditeur qu’un copiste : il corrigeait de sa main les livres qu’il n’avait pas copiés. Son texte biblique était le texte, précédemment copié à Saint-Gall, mais retouché, un texte mêlé par conséquent, d’origine méridionale, qui, dans la grande Bible, n° 75 s’est croisé avec le texte de Tours. La transcription des textes bibliques a persévéré à Saint-Gall. Notker Balbulus fait transcrire III Esd., iii et iv, dans le ms. 14, et ajouter Baruch à la fin du ms. 39. Salomon III a établi, en 909, une édition du Psalterium quadruplex (bibliothèque royale’de Bamberg, A. 1. 14).

b) Reichenau et Einsiedeln. — Ces deux abbayes furent tributaires de Saint-Gall pour le texte de la Bible. La Glose ordinaire, attribuée à Walafrid Strabon, abbé de Reichenau en 842, est faite sur le texte biblique de Saint-Gall, et elle a fourni des leçons au texte parisien du xiiie siècle. Le ms. 1 d’Einsiedeln a été copié, au commencement du xe siècle, sur un manuscrit de Saint-Gall et aussitôt après corrigé sur un autre. Un autre ms., 5-7, de la même époque, présente les mêmes caractères. Un des modèles est le n° 17 de Saint-Gall, contenant les Évangiles.

c) Bobbio et Milan. — Les leçons espagnoles qu’on remarque dans les bibles de Saint-Gall viennent probablement de la province ecclésiastique de Milan, qui avait été elle-même en relation, pour son texte biblique, avec le midi de la France et la côte orientale de l’Espagne. En effet, de Bobbio provient le ms. E. 26 inferior de la bibliothèque ambrosienne de Milan ; il est du ix-xe siècle et contient la moitié d’une bible, commençant aux Chroniques et finissant aux Épîtres de saint Paul. Son texte, qui est étrangement mêlé et qui est local, ressemble en divers livres aux manuscrits espagnols ou catalans. Les archives de la collégiale de Monza, n° 1 ²9, conservent les débris d’un manuscrit, d’une écriture lombarde du Xe siècle. Il semble être la copie d’un manuscrit assez ancien et son texte des Épîtres de saint Paul ressemble à celui du codex de Bobbio. Le texte milanais s’est conservé dans un bon nombre de manuscrits italiens du xe siècle, qui représentent une véritable édition et dont le texte était en usage au xve siècle dans l’Église de Milan, comme l’a démontré le P. Vercellone. On la trouve dans la Bible d’Avellana et dans les manuscrits apparentés, groupés par le savant barnabite. Voir Variæ lectiones Vulgatæ latinæ Bibliorum, Rome, 1860, t. i, p. lxxxvii, xci. C’est le texte qu’employait saint Pierre Damien († 1072) et qu’il avait fait copier pour ses moines d’Avellana, ainsi qu’il le rapporte dans son Opusculum, XIV De ordine eremitarum et facultatibus eremi, fontis Avellani, Pat. lat., t. cxlv, col. 334. Cf. Analecta juris pontificii, 28e livraison, p. 1016. S. Berger a joint à cette liste cinq manuscrits italiens et deux manuscrits, copiés au xiiie siècle en Espagne, qui reproduisent ce texte italien.

Les manuscrits de l’époque carolingienne. — L’unité, qui manquait dans les anciens manuscrits de la Vulgate copiés jusqu’au milieu du ixe siècle et plus tard encore dans les lieux reculés, apparaît dans une nouvelle série de codices, qui forment des groupes compacts et se rattachent aux noms de personnages connus dans l’histoire. Elle fut provoquée par Charlemagne, qui voulut pour son royaume un texte de la Bible, correct au point de vue de la langue, conforme aux règles de la grammaire et de la ponctuation et aussi pur de toute altération. Si le puissant monarque n’y a pas mis lui-même la main, comme on pouvait le conclure de son capitulaire, qui sert d’introduction à l’Homiliaire de Paul Diacre, t. xcv, col. 1159-1160, et de l’affirmation de son biographe, Thégan, t. cvi, col. 409, c’est au moins par son ordre et avec ses encouragements que les clercs de sa cour et de son royaume s’efforcèrent d’établir un bon texte biblique.