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VULGATE

trouvons le ms. 10 de Saint-Gall, écrit au Xe siècle par l’irlandais Fælan, le ms. 51 des Évangiles, qui paraît être du viiie siècle, et le n° 60 de la-bibliothèque conventuelle, du viiie-ixe siècle, qui ne contient que le quatrième Évangile. Des manuscrits de Reichenau, on conserve à Karlsruhe, à la bibliothèque du grand-duc, l’Augiensis 211, qui semble être de la fin du IXe siècle et dont le texte a des leçons irlandaises caractéristiques. La Suisse possède beaucoup de manuscrits irlandais : à la bibliothèque de l’université de Berne, le n° 671 est un joli petit manuscrit des Évangiles, écrit entre le ixe et le xie siècle ; à Genève, un manuscrit des Évangiles, n° 6, écrit entre le viiie et le ixe siècle. De la Rhétie provient le Livre des confraternités de l’abbaye de Pfäffers, du commencement du ixe siècle, conservé aujourd’hui aux archives conventuelles de Saint-Gall ; il contient des extraits des Évangiles, dont le texte est absolument irlandais. Enfin, un manuscrit de Bobbio (1. 61 superior de la bibliothèque ambrosienne de Milan), d’une écriture semi-onciale irlandaise du viiie siècle, présente des leçons et des corrections irlandaises. Tous les textes irlandais avaient été exécutés sur le continent par des moines irlandais.

L’étude des manuscrits irlandais de la Bible nous a déjà fourni trois indices de rapports entre le texte irlandais et le sud de l’Italie. Avec l’Amiatinus est venue à Jarrow la copie d’un prologue de Cassiodore ; Lindisfarne a reçu un livre d’Évangiles venant de Naples ; un manuscrit anglo-saxon, écrit probablement à York, reproduit un texte corrigé sur l’original d’Eugippius. Ces renseignements ont amené dom Chapman à rattacher le texte northumbrien des Évangiles de la Vulgate au sud de l’Italie par Cassiodore et Eugippius. Selon lui, l’Amiatinus est en relation étroite avec Cassiodore, non seulement par le prologue du feuillet pourpré, mais encore par son texte, qui est cassiodorien. L’archétype de ce manuscrit avait en marge des leçons liturgiques de l’Église de Naples. Le manuscrit d’Echternach nous ramène à Cassiodore et à Eugippius. La note qu’il reproduit vient d’un ancêtre northumbrien. Or, on peut supposer qu’elle est de la main même de Cassiodore. La correction du texte vient donc de Lucullanum, où furent écrites aussi les notes liturgiques du Lindisfarnensis. Or, d’Eugippius à saint Jérôme il n’y a pas loin, et son manuscrit a pu être un manuscrit de saint Jérôme lui-même, provenant de la bibliothèque de la gens Anicia. En 382, cette famille comptait une femme, nommée Proba, qui était l’amie de saint Jérôme, et un siècle plus tard, une autre Proba, qui était l’amie d’Eugippius. Notes on the early history of the Vulgate Gospels, p. 1-44. Les rapports de la correction du texte par Cassiodore sur le manuscrit d’Eugippius ayant été discutés par J. M. Heer, Evangelium gatianum, p. xliii-xlviii, dom Chapman a répondu en maintenant son interprétation. Cassiodorus and the Echternach Gospels, dans la Revue bénédictine, 1911, p. 283-295. L’hypothèse du docte bénédictin anglais est très ingénieuse.

Quant au texte irlandais, représenté surtout par le Book of Armagh, il proviendrait de Lérins, et il aurait été apporté en Irlande par saint Patrice. Les citations bibliques de Vincent de Lérins, de Fauste de Riez et de saint Eucher de Lyon représenteraient un texte de la Vulgate, apparenté au texte irlandais, . Notes, etc., p. 177-180. Les ressemblances ne sont pas très frappantes, et l’origine lérinienne du texte irlandais est loin d’être prouvée.

3. Les Bibles françaises. — Elles ne représentent pas une recension particulière, faite sur le territoire franc, mais des textes étrangers, naturalisés français. Ce sont des textes de pénétration et des rejetons des Bibles espagnoles ou irlandaises. Les premières sont venues de la Septimanie et par la vallée du Rhône ont monté jusqu’à la Loire ; les secondes ont passé la Manche et se sont arrêtées aux bords de la Loire ; puis les deux courants se sont réunis et confondus au cœur du pays.

a) Des Pyrénées à la Loire. — Les Bibles espagnoles ont pénétré en France de la côte orientale de l’Espagne par la vallée du Rhône. Aussi en trouvons-nous d’abord à Lyon et à Vienne en Dauphiné. Le manuscrit de Lyon, n° 356, du ixe siècle, représente un texte espagnol analogue à celui du Complutensis. Un autre, qui provient de Vienne et qui se trouve à la bibliothèque de l’université de Berne, A, 9, est du xie siècle, mais il reproduit un texte ancien, dérivé en plusieurs parties des Bibles espagnoles. Le manuscrit 15 de Saint-Germain (Bibliothèque nationale de Paris, 1153), du ixe siècle, a de première main un très bon texte espagnol, corrigé de seconde main sur un mauvais texte du même pays. Ce texte a donc passé d’Espagne par la Catalogne et le Languedoc et il a été transcrit peut-être dans les environs de Lyon. Aux textes visigoths se rattache le texte languedocien, qui remonte à cette époque, quoique nous n’en ayons plus de témoins anciens, et qui a été usité en Languedoc, durant tout le moyen âge. Ses leçons caractéristiques ont passé dans les versions provençales, voir col. 774-776 (et par elles, en partie, dans les versions vaudoises, voir col. 2381), et dans la Bible allemande de Tepl. Catalan d’origine, il se distingue des textes espagnols par ses nombreuses interpolations, venues des anciennes versions latines, et par des doublets ; il est le résultat d’une compilation. Ses principaux témoins sont, comme textes méridionaux : le Codex Aniciensis des bénédictins (Bibliothèque nationale de Paris, 4 et 4 2), écrit entre le ixe et le xe siècle ; la Bible de Mazarin (B. N., 7), du xie ; le Codex Colbertinus (B. N., 254), de la seconde moitié du xiie ; la grande Bible de la bibliothèque harléienne (4772, 4773), du commencement du xiiie ; le ms. 321 de la Bibliothèque nationale, de la même date. Les témoins proprement languedociens sont tous du xiiie siècle et ne contiennent presque tous que le Nouveau Testament, à savoir, les ms. 342, 343 et 341 de la Bibliothèque nationale, les deux Bibles du même dépôt, 11932 et 16262, le Codex Demidovianus ; enfin, du XVe siècle, le Nouveau Testament, conservé au château de Wernigerode, en Bohême, et provenant de Saint-André d’Avignon. Le texte espagnol de la Bible a passé ensuite dans le Limousin et la Touraine et on le retrouve dans les manuscrits de Saint-Martial de Limoges : Bibles (B. N., 5 et 5^1, du ixe siècle ; 8 et 8², du xie, copie de la précédente), le Codex Lemovicensis des Épîtres catholiques (B. N., 2328), du viii-ixe siècle, et le ms. (B. N., 315), contenant les mêmes Épîtres, les Actes et l’Apocalypse, du xiie-xiiie ; dans ceux de Tours : B. N., 112 et 113, Au xe, et dans ceux de Fleury-sur-Loire : le ms. 16 de la bibliothèque d’Orléans, formé des débris de cinq manuscrits, peut-être le ms. 9 de la reine Christine de Suède contenant les Épîtres de saint Paul, du viie-viiie siècle, et le ms. 18 de la bibliothèque de Tours, du xie siècle, reproduisant le livre de Job.

b) Les Bibles du nord de la France. — Leur texte est un mélange de leçons espagnoles et de leçons irlandaises. Le manuscrit de la cathédrale de Chartres (B. N., 10439), du viiie siècle, ’qui, pour les six premiers chapitres de l’Évangile de saint Jean, reproduit une version ancienne, européenne ou italienne, représente, à partir du c. viie, une Vulgate assez bonne. Le ms. 3 du grand séminaire d’Autun est le manuscrit type du viiie siècle : son texte est la Vulgate, mêlée de beaucoup de leçons irlandaises ou espagnoles. La même fusion existe dans une famille de textes, échelonnés entre le viie et le ixe siècle et auxquels l’Église de Paris paraît avoir servi de centre : ms. de Notre-Dame (B. N., 17226), ms. de Colbert, venant de Saint-Denis (B. N., 256), ms. de Saint-Victor (B. N., 14407)-