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VULGATE

Ezech., xl, 7, 9, 12, 14, 15, 19, etc. De même, il a adopté les mots capitium, Job, xxx, 18 ; grossitudo, III Reg., vii, 26 ; capilellum, ibid., 41 ; clusor, IV Reg., xxiv, 14 ; odientes, II Reg., xxii, 11 ; sinceriter, Tob., iii, 5 ; uno pour uni au datif, Exod., xxvii, 14 ; Num., xxix, 14 ; numquid pour nonne, Gen., xviii, 23 ; adorare Domino, Deut., xxvi, 10 ; benedixit eum, Gen., xxviii, 1. Cf. Kaulen, op. cit., p. 181-182.

Du reste, quelques-unes de ces expressions ou de ces constructions populaires étaient conservées de l’ancienne version latine. Saint Jérôme, en effet, nous apprend qu’en traduisant l’hébreu il a adapté son texte à la traduction des Septante, quand elle ne s’éloignait pas trop de l’original. Comment. in Eccle., prol., t. xxiii, col. 1011, Les lecteurs latins étaient habitués aux formules anciennes, et on reprochait vivement à saint Jérôme de s’en écarter. Præfatio in Job, t. xxix, col. 61. C’est pour ne pas heurter de front cet attachement à l’ancienne version que le nouveau traducteur conserva des hébraïsmes, qui avaient passé des Septante en elle. Ainsi sermo est mis pour res, II Reg., xii, 21 ; verbum est de même employé souvent pour res ; cum consummasset comedere, Amos, vii, 2 ; et adjecit Dominus rursum vocare Samuelem, I Reg., iii, 6 ; addidit furor Domini irasci contra Israël, II Reg., xxiv, 1 ; juravit dicens : Si videbunt, Num., xxxii, 10 ; plorans ploravit, Lam., i, 2 ; in odorem suavitatis, Ezech., xx, 41, etc. Le traducteur latin imitait ainsi, parfois peut-être inconsciemment, l’ancienne traduction latine, et il employait les expressions du latin populaire. Il dépend aussi de la version grecque dans des passages difficiles, qu’il ne comprenait pas très bien et qu’il traduisait littéralement, si même il ne transcrivait pas les termes grecs eux-mêmes. Kaulen a recueilli un certain nombre d’exemples de cette nature. Geschichte der Vulgata, p. 138-139. C’est par fidélité à l’ancienne version, faite sur les Septante, que saint Jérôme adopte le sens messianique que le texte original ne comporte pas. Ainsi Is., xi, 10 ; xvi, 1 ; Hab., iii, 18 ; Jer., xi, 19 ; xxxi ; 22. L’idée messianique est accentuée ou développée en certains autres passages : Is., xii, 3 ; xlv, 8 ; li, 5, Jer., xxiii, 6 ; Dan., ix, 24-26..

Bref, malgré ses mérites de fidélité et d’élégance, la version de saint Jérôme, qui est la meilleure de toutes les versions anciennes de la Bible, n’est pas absolument parfaite. Un mot hébreu incompris a été simplement transcrit. II Reg., xvi, 18. On a relevé quelques contresens, rares il est vrai, par exemple, Gen., xiv, 5 ; xxvii, 39 ; Exod., ii, 21 ; Deut., xxix, 10. Kaulen, op. cit., p. 175-176, lui reproche encore la traduction étymologique des noms propres, Gen., ii, 8 ; Num., xxxiv, 7 ; I Reg., vii, 12, parfois différente, Gen., xii, 8 ; Deut., xi, 30 ; Jud., x, 1. Voir encore Is., v, 2 ; ix, 13 ; xiii, 22. Du reste, le mérite de la traduction varie selon les livres, parce que l’auteur y a mis plus ou moins de soin. Les livres historiques sont les mieux traduits : le sens en est exactement rendu et le style en -est coulant. La traduction de Job est aussi très bonne. Dans les petits prophètes, la couleur hébraïque est souvent gardée ainsi que dans les grands prophètes. Les livres de Salomon sont soignés et bien rendus, malgré le peu de temps que saint Jérôme mit à les traduire. Le texte hébreu des Psaumes est fidèlement traduit, mais les beautés poétiques du style ont souvent disparu. Les livres de Judith et de Tobie se ressentent delà hâte mise à leur traduction ; aussi ressemblent-ils beaucoup au texte de l’Itala. F. Kaulen, op. cit., p. 179-180. Voir t. ii, col. 1308-1309. Ce qui fait la supériorité de la version de saint Jérôme sur les autres traductions anciennes de la Bible, c’est qu’elle est une œuvre scientifique, le travail d’un lettré, tandis que les précédentes avaient plutôt les caractères d’oeuvres d’utilité pratique. Son auteur avait appris de son mieux une langue étrangère ; il s’était entouré de tous les secours qui étaient à sa disposition ; il combina heureusement les traditions juives et chrétiennes et, pour le style, il tint compte des exigences du bon goût.

Sur les caractères de sa traduction, voir W. Novvack, Die Bedeutung des Hieronymus fur die alttestamentliche Texlkritik, Gœttingue, 1875 ; G. Hoberg, De sancti Hieronymi ratione interpretandi, Fribourg-en-Brisgau, 1886.

Sur la langue et la grammaire de la Vulgate, voir J. Weitenauer, Lexicon biblicum, in quo explicantur Vulgatæ vocabula et phrases, 2e édit., Augsbourg, 1780 ; H. Rönsch, Itala und Vulgata, 2e édit., Marbourg, 1875 ; F. Kaulen, Handbuch zur Vulgata, Mayence, 1870 ; J.A. Hagen, Sprachliche Erörterungen zur Vulgata, Fribourg-en-Brisgau, 1863 ; J. B. Heiss, Beitrag zur Grammatik der Vulgata Formenlehre, Munich, 1864 ; V. Loch, Materialien zu einer latein. Grammatik der Vulgata, Bamberg, 1870 ; L. Hake, Sprachliche Bemerkungen zu dem Psalmentexte der Vulgata, Arnsberg, 1872 ; H. Gœlzer, Étude lexicographigue et grammaticale de la latinité de saint Jérôme, Paris, 1884 ; G. A. Salfeld, De Bibliorum Sacrorum Vulgatæ editionis græcitate, Quedlinbourg, 1891 ; A. Hartld, Sprachliche Eigenthümlichkeiten der Vulgata, Ried, 1894 ; W. M. C. Wibroy, The participa in the Vulgate New Testament, Baltimore, 1892 ; L. B. Andergassen, Ueber den Gebrauch des Infinitivs in der Vulgata, Bozen, 1891.

Conclusion. — De l’aveu unanime de tous les critiques modernes, l’œuvre de saint Jérôme est la meilleure des anciennes versions de l’Écriture. Cf. Brunati, Del nome, dell’autore, de’correctori e dell’ autorité della versione Volgata, dans Dissertazioni bibliche, Milan, 1838, p. 69-75 ; Glaire, Sainte Bible selon la Vulgate, 3 S édit., 1889, 1. 1, p. xi-xii. Son mérite propre provient des efforts consciencieux de l’auteur pour réaliser sérieusement son entreprise. Les traductions précédentes étaient ou bien des essais destinés à mettre les livres sacrés des Juifs et des chrétiens à la portée de nombreux fidèles qui ignoraient les langues originales, ou bien des versions de versions. Leurs auteurs ne se proposaient qu’un but d’utilité pratique et n’avaient pas l’intention de faire des œuvres scientifiques. En recourant directement aux textes originaux, soit pour corriger l’Itala du Nouveau Testament, soit pour faire connaître aux chrétiens la veritas hebraica, saint Jérôme visait plus haut que l’utilité pratique ; il voulait donner à l’Église un travail scientifique. Il a réussi, dans une bonne mesure, à atteindre ses fins. Sa version « combine très heureusement les recherches personnelles avec le respect de la tradition juive et chrétienne, tient compte des justes exigences du bon goût et remplit ainsi toutes les conditions nécessaires pour faire un travail excellent. » F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., Paris, 1906, t. i, p. 222.

Ainsi supplanta-t-elle peu à peu les autres versions latines et devint-elle la seule en usage dans l’Église latine, ainsi que nous le montrerons en racontant son histoire. Elle a fini par être approuvée solennellement par le concile de Trente, et elle continue à être employée dans la pratique quotidienne et la liturgie officielle de l’Église latine. Son texte a été étudié par les théologiens, expliqué et commenté par les exégètes, prêché aux fidèles, lu par tous les chrétiens tant en lui-même que dans les nombreuses traductions en langue vulgaire qui en dérivent. Il a donc servi pendant des siècles et il servira longtemps encore à l’édification de la foi, de la théologie et de la piété chrétienne dans la plus grande partie du monde chrétien. La Vulgate a donc exercé et elle exercera encore une influence, incomparable à aucune autre, parmi les fidèles de l’Église la-