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quoiqu’il ait écrit in igne Chaldæorum, II Esd., ix, 7. Cf. J. Lagrange, Saint Jérôme et la tradition juive dans la Genèse, dans la Revue biblique, 1908, p. 563566. La plus célèbre dépendance de cette tradition est, en dehors de la Genèse, la traduction de Josué, xiv, 10.

Il a exposé maintes fois les principes qu’il a appliqués dans sa traduction de l’Ancien Testament. Epist. cvi, ad Suniam et Fretellam, t. xxii, col. 837-867. Ce sont ceux, d’ailleurs, qu’il avait indiqués pour la traduction des livres profanes, dans son opuscule De optimo génere interpretandi, Epist. LVII, ad Pammachium, t. xxii, col. 568-579. Il évita avec soin de faire une traduction littérale et servile, rendant le texte mot à mot ; il s’attacha plutôt à rendre exactement le sens de l’original. Cependant pour traduire l’Écriture, où l’ordre des mots n’est pas parfois sans un dessein mystérieux, il tint davantage compte de la littéralité. Præfatio in Job, t. xxviii, 1081 ; Præfatio in Judith, t. xxix, col. 39. Il cherchait donc avant tout à comprendre le texte et il a pu se rendre le témoignage de n’avoir rien changé à la vérité hébraïque. Prologus galeatus, t. xxviii, col. 557-558. Nous avons constaté plus haut sa fidélité au texte massorétique. Ayant compris le texte, il s’efforçait de l’exprimer en latin correct et aussi élégant que possible. Epist. cvi, n. 54, t. xxii, col. 856. Il tenait compte des propriétés de la langue latine et il a adopté des locutions reçues, par exemple, ces termes de la mythologie ou des croyances populaires, acervus Mercurii Prov., xxvi, 8 ; aruspices, IV Reg., xxi, 6 ; sirenes, Is., xiii, 22 ; lamia, onocentauri, Is., xxxiv, 14 ; fauni, Jer., L, 39 ; mulieres plangentes Adonidem, Ezech., viii, 14, etc., pour rendre des termes analogues de l’hébreu, qui n’auraient pas été compris des lecteurs latins, s’ils avaient été traduits littéralement, et qu’il était impossible même de rendre autrement que par des termes équivalents plus ou moins rapprochés. C’est encore pour se conformer au génie de la langue latine que le saint docteur a remplacé les phrases désarticulées de l’hébreu par des périodes. Ainsi Gen., xxviii, 11 ; xxxi, 39 ; XL, 4. Un ablatif absolu traduit une phrase directe. Gen., xiii, 10 ; xix, 16. Voir d’autres modifications de cette nature, Gen., xxxi, 32, 47 ; xxxii, 13 ; xxxix, 19 ; xl, 5 ; xli, 14, etc.

Par amour de la clarté, le traducteur latin ajoute parfois quelques mots d’explication, ou, par contre, pour éviter les répétitions, il abrège et résume, quand le texte hébreu est pléonastique. Un exemple d’abréviation se trouve, Eccle., vi, 2 ; des additions se rencontrent, Gen., xx, 16 ; xxxi, 31, 32, qui sont de la main du traducteur. Il y a des passages assez librement traduits, par exemple, Gen., xxxix, 10-19 ; XL, 21-23 ; Lev., VI, 2-5 ; Num., xv, 11-16. Comme l’a remarqué le P. de Hummelauer, Commentarius in libros Judicum et Ruth, Paris, 1888, p. 20-22, les explications ajoutées pour éclaircir le texte sont assez fréquentes dans le livre des Juges. Voir quelques spécimens, ii, 19 ; viii, 1, 11 ; ix, 25, 36 ; xi, 39 ; xv, 9, 16, 19 ; xvii, 9 ; leur nombre augmente à partir du c. XIX. Le saint docteur traduisait alors currente calamo. Ses libertés de traduction se rencontrent dans le Pentateuque et les Juges, livres qu’il a traduits les derniers. Quelques menus changements, qui ne modifient pas le sens, semblent dus encore à l’amour de l’élégance et de la clarté, par exemple, I Sam., xxviii, 6 ; II Reg., iv, 19, 23. Quand le texte hébreu présente un récit peu cohérent, saint Jérôme, par une tournure plus claire, par un mot d’explication, rend la suite des idées plus logique. Exemples : Gen., ii 19 ; xv, 3 ; xix, 29 ; xxxv, 9 ; xxxvii, 21, 22, 28 ; Exod., xix, 25 ; xviii, xxii, 22 ; Deut., i, 37, 38 ; Jud., xx, 9, 10 ; xxi, 9. Cf. F. Kaulen, Geschichte der Vulgata, Mayence, 1868, p. 176-179 ; A. Condamin, Les caractères de la traduction de la Bible de saint Jérôme, dans les Recherches de science religieuse, 1912, t. iii, p. 105-138.

Le souci de saint Jérôme pour l’élégance apparaît surtout dans le soin qu’il mit à varier la traduction des mêmes expressions, souvent répétées dans le texte hébreu. Ainsi, au ch. Ier de la Genèse, les mots : vayômér ʾĔlôhîm, qui reviennent neuf fois, sont rendus de cinq manières différentes : le vav est diversement traduit ou le verbe est exprimé par différents verbes latins. Au même endroit, leminô est traduit juxta (secundum, in) genus (ou speciem). Cf. Gen., vi, 20 ; vii, 14 ; Lev., xi, 14, 15, 16. Non seulement le même terme est traduit par différents mots latins en des passages très éloignés l’un de l’autre, parfois même il est rendu de deux façons dans le même verset. Gen., iii, 2, 3, 6, 18, 19 ; xxiv, 1 ; Exod., vi, 14-19 ; III Reg., i, 1 ; Jos., xiii, 1 ; xxiii, 1, 2 ; I Reg., IX, 4 ; Gen., xlix, 3 ; I Reg., x, 5, 10 ; I Par., xxvii, 25, 27, 38 ; Job, i, 16-18 ; Dan., iii, 20, 21, 23, 25 ; v, 24, 25 ; ii, 4, 6, 7, 9, 16, 24 ; v, 7, 12, 15. Ces variations nuisent parfois au sens : c’est le cas pour genus et species dans le ch. i « de la Genèse. Belial est tantôt un nom propre, Deut., xiii, 12 ; Jud., xix, 22 ; I Reg., i, 16 ; ii, 12 ; x, 27 ; xxv, 17 ; II Reg., xvi, 7 ; xx, l ; xxii, 5 ; III Reg., xxi, 10 ; Nah., i, 13 ; Ps. ci, 3 ; II Par., xiii, 1 ; tantôt il devient un substantif commun ou un adjectif : impius, Deut., xv, 9 ; Prov., xvi, 27 ; iniguus, I Reg., xxv, 25 ; xxx, 22 ; Prov., XIX, 28 ; apostata, Prov., VI, 12 ; Job, xxxiv, 18 ; prævaricator, prævaricatio, II Reg., xxiii, 6 ; Nah., i, 11 ; diabolus, diabolicus, III Reg., xxl, 13 ; Ps. xviii, 5 ; xli, 9. Naharah devient coluber, Exod., IV, 3, draco, vii, 15 ; thanain, coluber, Exod., vii, 9, 10 ; draco ; 12. Il en est ainsi pour les verbes : gûʿ est rendu par consumi, Gen., vi, 17 ; vii, 21 ; xxxv, 29 ; Num., xvii, 12 ; par deficere, Gen., xxv, 8, 17 ; par obire, Gen., xlix, 32 ; par ad internecionem, Num., xvii, 23 ; par perire, i Num., xx, 3 ; Jos., xxii, 20 ; par occumbere, Num., xx, 30 ; ṭûr, employé douze fois, Num., xiii et xiv, est traduit considerare, explorare, inspicere, lustrare, circuire, contemplari. Azâh qui, au ch. xvi des Nombres, désigne ou bien l’assemblée d’Israël ou bien la troupe de Coré, est traduit : synagoga, multitudo, concilium, populus, frequentia populi, globus, congregatio, universus populus. Une prescription faite pour toujours l’est ritu perpetuo, jure perpetua, lege perpetua, religione perpetua, cultu sempiterno, legitimum, sempiternum erit, præceptum sempiternum. Pour éviter des synonymes, des mots sont supprimés ou sous-entendus ou remplacés par des pronoms. Exemples : Laban, frère de sa mère, Gen., xxix, 10, 11 ; et suburbana ejus, Jos., xxv, 13-16 ; I Par., vi, 67, 81. Voir encore Gen., viii, 21 ; xii, 8 ; xix, 29 ; xx, 17 ; xxvi, 3, 34 ; Jos., x, 12 ; III Reg., xii, 27. Quelquefois cependant le terme propre est conservé, malgré ses répétitions. Ainsi le verbe maḥah est rendu delere, Gen., vi, 7 ; vii, 4, 23 ; dans le récit de plaies d’Égypte, Exod., vii-x, ḥàzaq est traduit par indurare, sauf Exod., x, I, et kâbad par ingravare. Dans les passages poétiques, la répétition qui est volontaire dans l’original et qui produit un effet poétique, disparaît dans la traduction. Exemple : Jer., iv, 23-26. Cependant, saint Jérôme, dans Osée, II, 19, 20, a employé trois fois sponsabo pour garder l’image, explique-t-il dans son commentaire. Comment. in Ose., t. xxv, col. 840. D’autres répétitions, qui, dans la même strophe ou des strophes différentes, sont symétriques ou parallèles dans l’original, disparaissent dans la traduction. Voir Prov., ix, 3, 14, 4, 16. Voir A. Condamin, Les caractères de la traduction de la Bible par saint Jérôme, dans les Recherches de science religieuse, 1911, t. ii, p. 425-440. Cependant le souci de l’élégance cède parfois la place à celui de la clarté, et saint Jérôme, malgré ses goûts classiques, emploie des mots et des tournures populaires, qu’il estimait plus aptes à rendre le sens de l’original. Comment. in Ezech., xl, 5, t. xxv, col. 378. Ainsi il dit au masculin cubitus, cubiti,