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VAUDOISES (VERSIONS) DE LA BIBLE

VAUDOISES (VERSIONS) DE LA BIBLE.

Ouand on parle aujourd’hui de versions « vaudoises » de l’Écriture, on n’enlend plus des traductions en langue vulgaire, faites, avant 1170, soit par le Lyonnais Valdo, fondateur de la secte vaudoise, soit par ses premiers adhérents. On entend par là des versions bibliques, rédigées dans le dialecte parlé au xiv « siècle par les habitants des Vallées vaudoises des Alpes. Si les premiers vaudois du xii « siècle avaient à leur disposition une traduction de la Bible (ce qui n’est pas démontré), elle n’avait pas été faite dans ce dialecte, et nous ignorons en quel idiome roman elle aurait été composée. Les manuscrits qui nous restent d’une version biblique en dialecte des Vallées vaudoises sont plus récents et reproduisent un texte différent de celui qu’on attribue à Pierre Valdo de Lyon. Voir Ed. Reuss, Fragments littéraires et critiques relatifs à l’histoire de la Bible française, dans la Revue de théologie de Strasbourg, juin 1851, t. ii, p. 321-364. Les vaudois, du reste, ont eu à leur usage une version provençale du xiii" siècle, qui a exercé de l’influence sur les traductions en idiome vaudois. Voir t, v, cot. 775-776. Celles-ci comprennent le Xouveau Testament en entier et des parties ou fragments de l’Ancien Testament.

I. Nouveau Testament.

Les manuscrits.

1. Le plus ancien de tous a été signalé par le P. Lelong, Bibliothèque sacrée, 1. 1, p. 369, comme appartenant à Henri-Joseph de Thomassin, seigneur de Mazauges, d’après Rémerville de Saint-Quentin, Pièces fugitives, 1704, t. ii, p. 270. Après 1743, il fut acheté par l’évêque de Garpentras, Inguimbert, qui le donna à sa ville épiscopale. Il se trouve aujourd’hui encore à la bibliothèque Inguimbert de Carpentras. Il est du xrv s siècle et d’une écriture arrondie du midi de la France. Il contient, à la suite du Nouveau Testament, les livres sapientiaux de l’Ancien. Chaque livre est précédé d’un prologue ou argument. Rien ne prouve l’origine vaudoise de ce manuscrit qui pourtant a dû être entre les main » de vaudois, comme semble l’indiquer une note italienne du xv » siècle dressant la liste des livres dcutérocanoniques de l’Ancien Testament. S. Berger a publié quelques extraits du texte, dans Romania, 1889, t xvtii, p. 379-382.

2. Vient ensuite, par ordre de date, le manuscrit de Dublin, Trinity Collège, A. 4, 13, daté de 1522. Il provient de l’archevêque Ussher, qui l’avait acheté vers 1634, avec une collection d’écrits vaudois, ayant appartenu au ministre dauphinois J.-P. Perrin. Ces manuscrits avaient été recueillis dans la vallée du Pragela et envoyés par le synode des Vallées à Perrin pour son Histoire des vaudois, Genève, 1618. Cf. op. cit., t. i, p. 57 ; J. Léger, Histoire générale des Églises évangéliques de » Voilées de Piémont ou vaudoises, Leyde, 1€69, t. i, p. 24. W. S. Gilly l’a signalé le premier, en adonné un fac-similé et en a publié l’Évangile de saint Jean, mais d’une façon très fautive. The romaunt Version oftJie Gospel according to St. John, Londres, 1848. M. Herzog, en a pris une copie qu’il a déposée à la bibliothèque royale de Berlin. Cf. Herzog, Die romanisclien Waldenser, p. 55, 99 ; Grûzmacher, Jakrbûcher fur roman, und angl. Litteratur, 1862, t. iv, p. 372 ; Todd, The Boohs of tlte Vaudois, Londres et Cambridge, 1865, p. 1 ; P. Meyer, iîecuei ! d’anciens textes, 1874, p. 32 ; Al. Muston, L’Israël des Alpes, ty èdit., 1879, t. iv, p. 95 ; H.Haupt, DiedeutscheBibelûbersetzung der mitteralterlichen Waldenser, Wurzbourg, 1886, p. 20 ; K Comba, Histoire des vaudois d’Italie, 1887, 1. 1, p. 225 ; C. Salvioni, Bulletin de la Société d’histoire vaudoise, 1889, n. 5, p. 35. Comme le précédent, ce manuscrit contient le Nouveau Testament et les livres sapientiaux ; il n’en est pas cependant la reproduction, puisqu’il s’étend jusqu’au c. xxm de l’Ecclésiastique, alors que le manuscrit de Carpentras s’arrête à xvi, 4.

3. Les manuscrits de Grenoble, bibliothèque municipale, U. 860, et de Cambridge, bibliothèque de l’université, DD. 15. 34, sont du commencement du xv « siècle et reproduisent le même texte, jusqu’aux fautes de copie et aux erreurs. Le premier comprend tout le Nouveau Testament avec une partie des livres sapientiaux de l’Ancien, mais le second n’est qu’un abrégé du Nouveau Testament. Le manuscrit de Grenoble vient de l’évêque Caulet (f1771). Entête de chaque livre, on lit une préface ou argument, dont la traduction est différente de celle du manuscrit de Carpentras et dont le texte latin se rencontre, dès le milieu du xme siècle, dans presque tous les manuscrits de la Vulgate. À la fin, une autre main, dont l’écriture n’est pas antérieure au milieu du xv siècle, atranscritun lectionnaireque l’abbé Misset, parle moyen des fêtes propres, a reconnu pour un lectionnaire de Prague. Or, cette circonstance démontre l’origine vaudoise du manuscrit, car on sait qu’au xve siècle les vaudois ont été en rapports étroits avec les Bohémiens. Champollion-Figeac a publié la parabole de l’enfant prodigue. Nouvelles recherches sur les patois, Paris, 1809, p. 113. Voir encore Gilly,

: op. cit., p. xliv, qui donne un fac-similé ; P. Meyer, 

op. cit., p. 32 ; Muston, op. cit., p. 95 ; Comba, op. cit., p. 224. Le fragment de Cambridge a été retrouvé par Bradshaw au milieu d’une collection de manuscrits vaudois rapportés en Angleterre en 1658 par sir Samuel Morland, commissaire de Cromwel ! auprès du duc de Savoie. Morland les avait reçus de l’historien J. Léger, modérateur des Eglises des Vallées. H. Bradshaw, On the recovery of the long lost Waldensian mss. (rapport lu le 10 mars 1862), Antiquarian communications de la Cambridge antiquarian Society, 1864, t. ii, p. 203, reproduit par, 1. H. Todd, op. cit., p. 214. Cf. Ed. Montet, Histoire littéraire des vaudois, 1885, p. 3 ; Comba, op. cit., p. 224. Son texte se rattache étroitement à celui des manuscrits de Carpentras et de Dublin. Il présente cependant cette particularité qu’à partir du c. xvi, 9, des Actes, commence une nouvelle version qui n’est qu’une paraphrase. Elle est faite littéralement sur le texte italien de la version du dominicain frère Dominique Cavalca, mort en 1342. S. Berger, La Bible italienne au moyen âge, dans Romania, 1894, t. xxiii, p. 37-39.

4. Une dernière copie du Nouveau Testament vaudois se trouve à Zurich, bibliothèque de la ville, C169. Ce manuscrit, qui présente quelques lacunes, a été donné en 1692 à l’universitéde Zurich par Guillaume Malanot, pasteur d’Agragne dans les Vallées vaudoises. Il avait appartenu d’abord à un habitant de la vallée de Pragela, Ed. Reuss, qui l’a étudié à fond, a démontré que le texte a été copié sur un original retouché d’après le Nouveau Testament d’Lrasme de 1522. Revue de tliéologie, décembre 1852, t. v, p. 341-349 ; février 1853, t. vi, p. 80-86. Il reproduit, en effet, le verset des trois témoins célestes. Le manuscrit date donc de 1530, époque à laquelle les vaudois piémontais se sont rapprochés des protestants et se sont initiés à la critique biblique. L’original semble dériver de l’ancêtre commun des manuscrits de Dublin et de Grenoble. Le texte corrigé, et donc le moins bon, du manuscrit de Zurich a été publié par C. Salvioni, dans VArchivio glottologico italiano de M. Ascoli, 1890, t. xi. Cf. Gilly, op. cit., p. lis ; Muston, op. cit., p. 96 ; Comba, op. cit., p. 226.

Caractères de cette version.

1. Elle n’est pas vaudoise de doctrine. Bien qu’elle ait été à l’usage des vaudois comme l’attestent les citations bibliques des ouvrages vaudois, qui sont évidemment empruntées à un texte absolument identique à celui du manuscrit de Carpentras ; il n’est pas sûr cependant qu’elle soit leur œuvre. M. Reuss croyait y découvrir quelques traces de dualisme et des doctrines cathares, étrangères aux idées vaudoises. Elle lui paraissait éviter le mot de créa-