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TYR


bâtie dans l’île. Les anciens historiens ou géographes grecs et romains parlent d’elle sous les noms de Ila-XatTvooç, 7] xâ).ai TOpo ; , Vêtus Tyrus. Cf. Ménandre, dans Josèphe, .Anf. jud. r IX, xiv, 2 ; Diodore de Sicile, xvii, 40 ; Strabon, XVI, ii, 24 ; Pline, H. N., v, 17 ; Quinte-Curce, IV, ii, 18 ; Justin, XI, x, II, etc. Pline affirme que les deux villes réunies auraient eu un périmètre de 19 milles romains (28 kil. 1/2) et une largeur de 22 stades (4 kil.). Comme son nom même l’indique, la ville continentale aurait été la plus ancienne. L’emplacement de Palætyr et l’époque de sa construction ont été de nos jours l’objet d’assez vives discussions. Guthe, dans Realencylopàdie fur }frolest. Théologie, 3e édit., t. xviii, p. 285. Voir la Tyr actuelle, fig. 534.

II. Le commerce et la richesse de Tyr, ses vices, menaces de châtiments. — D’après la Bible, comme au dire des écrivains classiques qui se sont occupés de Tyr, cette ville était particulièrement renommée pour son vaste commerce et pour les immenses richesses qu’il lui procurait. Ses marins n’étaient pas moins célèbres par leur hardiesse que par leur habileté, et c’est grâce à eux surtout qu’elle était devenue, selon le mot d’Isaïe, xxiii, 3, « le marché des nations. » Ézéchiel, xxvii, 12-27, commentant pour ainsi dire cette parole, dresse une longue et éloquente nomenclature des peuples avec lesquels Tyr était en relations commerciales, et des marchandises qu’elle importait, exportait et échangeait. Elle était vraiment, comme il l’écrit, xxvii, 3, « le marchand de peuples d’îles nombreuses, » c’est-à-dire qu’elle trafiquait avec un grand nombre de contrées. Au moyen de ses vaisseaux de petites dimensions, qui, chargés de produits de toute nature, longeaient les rives de la Méditerranée sans en excepter une seule, remontaient le Nil, n’avaient pas craint de franchir le détroit de Gibraltar et d’explorer non seulement les îles Canaries et les côtes occidentales de l’Afrique, mais même le littoral anglais, elle avait fondé sur tous ces points des factoreries, des centres commerciaux, des colonies. Elle entretenait aussi un grand commerce par la voie de terre avec les régions du nord et de l’orient. Elle était ainsi le trait d’union des peuples et favorisait singulièrement l’industrie, la civilisation, les relations de contrée à contrée. En cela, elle envisageait avant tout son propre profit. Si elle ne manifesta aucune envie de conquérir le monde les aTnes à la main, elle chercha constamment à s’enrichir le plus possible aux dépens des autres. Ses produits spéciaux étaient le verre et la pourpre qui portait son nom. Voir Phénicie, t. v, col. 233.’Si les prophètes hébreux signalent son opulence et sa grande puissance, Is., xxiii, 8 ; Ezech., xxvii, 25, 33 ; xxviii, 5 ; Zach., ix, 3, etc., ils n’oublient pas de lui reprocher son orgueil, son luxe coupable, son avidité, sa ruse, et de prédire les châtiments terribles que ces vices devaient lui attirer de la part du Seigneur. Is., xxiii, 8-14 ; Jer., xxv, 22 ; xxvii, 3 ; xlvii, 4 ; Ezech., xxvi, 221 ; xxvii, 26-36 ; xxviii, 1-19. Cf. Matth., xi, 21-22 ; Luc, x, 13-14.

III. Histoire. — L’histoire de Tyr, en tant qu’elle se confond d’une manière générale avec celle des Phéniciens, a été racontée plus haut. Voir Phénicie, col. 242247. Nous n’avons à en exposer ici que les traits particuliers les plus saillants.

1° Ses débuts sont très obscurs. Tyr remonte certainement à une haute antiquité, Is., xxiii, 7 ; Strabon, XVI, II, 22 ; mais ses origines, telles que les racontent les anciens historiens, sont remplies de détails légendaires. C’est ainsi qu’Hérodote, ii, 44, s’appuyant sur le témoignage des prêtres du dieu tyrien Melkarth, fait remonter sa fondation à l’année 2750 avant Jésus-Christ. Il est frappant, sous ce rapport, ’de constater que Tyr n’est mentionnée nulle part dans le Pentateuque, tandis que Sidon, qui fut tour à tour sa rivale, sa

suzeraine et sa vassale, est signalée dans la Table ethnographique de la Genèse, x, 15. D’autre part, Josèphe ; An t. jud., VIII, iii, 1, abaisse beaucoup trop l’origine de Tyr, lorsqu’il affirme qu’elle ne fut bâtie que 240 ans avant la construction du Temple de Salomon, vers l’année 1250. Le passage biblique où elle fait sa première apparition, Jos., XIX, 29, nous apprend qu’elle était déjà une « ville forte » lorsque les Hébreux prirent possession de la Terre Promise (environ 1450 av. J.-C). Homère ne cite nulle part son nom. Cf. Strabon, XVI, n, 22. Sur ses monnaies, Sidon se dit la « mère » de Tyr comme de toutes les autres cités phéniciennes, et, d’un autre côté, Isaïe, xxiii, 12, nomme cette dernière ville la « fille de Sidon » ; mais ces termes sont généraux, et ils ne signifient pas d’une manière absolue que Tyr ait été fondée par Sidon. Elle existait depuis longtemps déjà, lorsqu’elle fut « remplie par les marchands de Sidon, » Is., xxiii, 2, qui vinrent s’y réfugier lorsque les Philistins eurent pris et saccagé leur cité (1252 avant J.-C). C’est surtout à partir de cette date que Tyr exerça sur la Phénicie entière une hégémonie qui dura jusqu’en 877.

2° Période d hégémonie. — Les relations de Tyr avec les Hébreux appartiennent spécialement à cette époque florissante. (D’après les Septante et la Vulgate, Eccli., xlvi, 21, Samuel aurait écrasé les Tyriens, mais l’original hébreu porte : « il soumit les chefs des ennemis. » Sôr = « adversaire, ennemi ».) Un peu plus tard, un des plus grands rois de Tyr, Hiram I er (voir Hiram, t. iii, col. 717-718), qui régna de 969-936, noua des relations très étroites d’amitié et de commerce, soit avec David, II Reg., v, 11, soit avec Salomon. III Reg., ix, 11-14, 26-28 ; II Par., ii, 11-16 ; viii, 2, 17-18. D’après de précieux fragments des historiens grecs Dios et Ménandre, conservés par Josèphe, Contra A-pion., i, 17-18 (cf. Ant. jud., VIII, v, 3), Hiram agrandit et embellit notablement la Tyr insulaire, à laquelle il réunit le petit îlot qui portait le temple du Zeus phénicien. Il reconstruisit aussi les sanctuaires de Melkarth et d’Astarté (Hérodote, ii, 44), et établit à l’est de la ville une grande place qui reçut plus tard le nom i’Eurychnron. Un des successeurs d’Hiram I", l’Ethbaal de la Bible (t. iii, col. 2005), qui donna sa fille Jézabel en mariage à Achab, roi d’Israël, régnait tout à la fois sur Tyr et sur Sidon. Si l’esprit de spéculation des Tyriens rendit quelques services aux Hébreux, il pesa parfois lourdement sur le peuple théocratique : de là, les graves dénonciations et les menaces des écrivains sacrés. Cf. Ps. lxxxii, 6-8 ; Joël, m, 4-8 ; Amos, i, 9-10 ; Is., xxiii, 1-14 ; Jer., xxv, 22, et xlvii, 4 ; et surtout Ezech., xxvi-xxviii. Sur la description du commerce de Tyr par Ezéchiel, voir G. Rawlinson, Pliœnicia, 1889, p. 150-164 ; id., History of Phœnicia, 1889, p. 271-308. Même à l’époque de sa grandeur et de son opulence, Tyr eut souvent à souffrir de luttes intestines.

3° Tyr et l’Assyrie. — C’est dès le ixe siècle avant J.-C., sous le règne d’Ethbaal, que les Assyriens commencèrent à pénétrer dans l’histoire de Tyr. Vers 865, cette ville est mentionnée sur le monolithe de Nimroud, parmi les contrées qui payaient le tribut à Assurbanipal. Au vm* siècle, nous la retrouvons dans les listes analogues de Salmanasar II, de Ramman-nirar III, de Théglathphalasar III. Vers l’année 724, Salmanasar IV ayant envahi la Syrie et la Phénicie, Tyr osa seule lui résister. Il en fit le blocus pendant plusieurs années, sans pouvoir s’en emparer. Sargon, son successeur, ne fut pas plus heureux. Une transaction mit fin à cet état de choses : le roi tyrien Élouli s’engagea à payer un tribut annuel, et les Assyriens levèrent le siège. Lorsque Scnnachérib eut succédé à Sargon, Élouli crut le moment favorable pour supprimer sa redevance ; mais l’armée assyrienne accourut et réussit