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PHATURÈS


I. Étymologie et signification. — Phathurès ou Phétros est un mot égyptien hébraïsé. Il se décompose de

l’avis généra], enpo ta risi, it 7TT JL Y, ou P-to-res, « la terre du sud », et il désigne la Haute Egypte, la Thébaïde des Grecs, le Sàïd des Arabes, par opposition

à pa ta mehit, X. * * * > ou P-to-mehet, « la terre du nord », la Basse Egypte, le Delta. Pour ces noms et leurs variantes, voir Brugsch, Dictionnaire géographique de l’ancienne Egypte, Supplément, 1880, p. 1399. La plus ancienne histoire de l’Egypte est unanime à nous montrer la division du pays en deux terres et en même temps son union dans les mains d’un seul chef. Déjà les rois des premières dynasties font l’union des deux terres et la figurent par le sam-tooui, c’est-à-dire la ligature du lotus, emblème de la Haute Egypte, et du papyrus, emblème de la Basse Égvpte. Quibell, Hierakonpblis, part. i, 1900, pi. xxxvii-xxxviii et p. 11. Chaque région avait sa couronne propre, couronne blanche pour la Haute Egypte, couronne rouge pour la Basse Egypte. Les deux couronnes réunies formaient le pschent (fig. 43). Le royaume du sud com 43. — Couronnes d’Egypte. 1. Couronne blanche. — 2. Couronne rouge. — 3. Pschent.

mençait plus ou moins loin de Memphis, suivant les époques, et se terminait à Bigeh et à Philse. Dès l’Ancien Empire, il eut ses gouverneurs dont la résidence ne paraît pas avoir été fixe. Ouni, que Mérenra de la

VI » dynastie nomma à la dignité de — V * == ' 4>, 1)atj à mer res, « chef gouverneur du midi », résidait à la cour. Le territoire de la province méridionale descendait alors jusqu'à Memphis. E. de Rongé, Recherches sur les monuments qu’on peut attribuer aux six premières dynasties, p. 135. Hirkhouf qui eut le même honneur après Ouni était gouverneur d'ÉIéphantine. J. de Morgan, Catalogue des monuments et inscriptions de l’Egypte antique, t. i, p. 172. Quand plus tard Thèbes eut obtenu la suprématie et fut devenue NoutRisit, « la ville par excellence du sud », la grande capitale, c’est là que résida le gouverneur du midi. A une époque où les Hébreux vivaient encore tranquilles en Egypte, Rekhmara, nomarque de Thèbes, vizir de Thotmès III, etc., joignait à ses autres charges celle de

gouverneur du midi. Mais alors 2., Besit, la région

du-midi, si elle allait toujours jusqu'à Bigen, ne descendait plus que jusqu'à Siout, puisque c’est dans ces limites que Rekhmara perçoit les taxes de son commandement. Newberry, The life of Rekhmara, 1900, pi. v-vi et p. 26. Après les Ramessides et la disparition des rois prêtres, les Bubastites de la XXII 8 dynastie firent de la Thébaïde déchue un apanage royal et la maintinrent de la sorte sous leur dépendance, avec des alternatives toutefois. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 6e édit., 1904, p. 476. Elle ne tarda pas de tomber aux mains des Éthiopiens et, sous ces derniers, vers la fin du vme siècle, puis sous les Saïtes, vne et vr= siècles, elle devint une principauté théocratique régie par des femmes de sang royal. Toutes ces péripéties contribuè

rent politiquement à rendre réelle, de nominale qu’elle était auparavant, la démarcation déjà si tranchée par la nature elle-même, entre la Haute et la Basse Egypte. Le nom d’Egypte ou Mesraîm se restreignit à la dernière. II. La terre du sud chez les prophètes. — 1° Isaïe, xi, 11, prophétisant la venue du Messie, annonce qu’il apportera au inonde le règne de la justice, et spécialement qu' « il éteudra de nouveau sa main », comme il avait déjà fait pour la sortie d’Egypte, et qu' « il rappellera le reste de son peuple » dispersé aux quatre points cardinaux. Il le rappellera en particulier du sud, c’està-dire de l’Egypte, de Phétros et de l’Ethiopie. On ne s’explique pas que les Septante lisent ici àm> Baguî.wvt’a ; pour a Phetros, contrairement au texte hébreu suivi par la Vulgate. Quoi qu’il en soit, Phétros est le même mot que Phaturès. Jer., xliv, 1, 15. Isaïe est pleinement d’accord avec l'état de choses existant en Egypte de son temps, lorsqu’il distingue la terre du sud de Mesraîm devenue au sens restreint l’Egypte proprement dite. De plus il suit l’ordre géographique, allant du nord au sud jusqu'à l’ithiopie, jadis soumise à l’Egypte, maintenant indépendante d’elle et parfois la dominant. Asarhadon ne fait pas autrement quand il se déclare « le roi des rois d’Egypte (Musur), de la Haute Egypte (Paturisi) et de l’Ethiopie (Kusi). » Budge, The hislory of Esaraddon, n° 5, p. 16 19. — 2° Jérémie, xliv, 1 : « Parole qui fut transmise par Jérémie à tous les Juifs qui habitaient le pays d’Egypte, à Magdal, à Taphnès et dans Memphis, et dans la terre de Phaturès. » il. 15 : « Et, 'tout le peuple de ceux qui habitaient en Egypte (et) à Phaturès, répondirent à Jérémie… » Jérémie suit aussi l’ordre géographique et met en parallèle Mesraîm et Phaturès, soit qu’il annonce aux Juifs réfugiés et dispersés en Egypte le châtiment de leur idolâtrie par la main de Nabuchodonosor, soit qu’il cite la réponse de ces mêmes Juifs opiniâtres dans leur incrédulité. Tous ceux de Mesraîm et ceux de Phaturès (ꝟ. 15), Dieu les atteindra en Mesraîm où ils occupent trois villes, Magdal à la frontière orientale, Taphnis un peu plus haut dans les terres et enfin Memphis à la pointe de Delta ; il les atteindra pareillement en Haute Egypte (ꝟ. 1) ; d’un mot, dans les deux régions distinctes où s'étend la dispersion. Cf. Ézéchiel, xxx, 13-14, où l’on voit la même opposition entre Mesraîm et Phaturès. — 3° Dans Ézéchiel, xxx, 14, le Seigneur prédit la dispersion de la terre de Phaturès. Au chap. xxix, 12-13, le Seigneur vient de dire : « Je disperserai les Égyptiens parmi les nations, et je les séparerai dans tousles pays… Après quarante ans je rassemblerai les Égyptiens du milieu des peuples parmi lesquels ils avaient été dispersés. » Il ajoute, ꝟ. 14 : « Je ramènerai les captifs d’Egypte ; je les placerai dans la terre de Phaturès, dans la terre de leur naissance, et ils y feront un royaume humilié. » Dans l'état actuel de nos connaissances, la réalisation de cette prophétie reste obscure par plus d’un côté. Ni les documents assyriens et égyptiens, ni Josèphe et les autres écrivains ne font la lumière sur ces quarante années suivies du rétablissement de l’Egypte dans un royaume limité à la terre du sud. Cf. W. M. Mùller, art. Pathros, dans Hastings, Dictionary of the Bible, t. iii, p. 693. Une seule chose est certaine : après les invasions des Assyriens, l’Egypte était frappée à mort, et malgré son renouveau sous Amasis, elle était bien « un royaume humilié ». Les Perses allaient venir. Peut-être est-ce dans la période qui va d' Amasis aux Perses (570-525) qu’il faudra placer la restauration signalée par le prophète ? Il y eut là, semble-t-il, un moment d’accalmie et de paix relative, surtout dans la Haute Egypte délivrée des Éthiopiens. Mais il est un point de la prophétie où nos connaissances nous permettent de vérifier l’exactitude d'Ézéchiel. Il dit expressément que Phaturès est la terre d’origine des Égyptiens, terra nativilatis suse. En cela il est d’accord avec la tradition égyptienne

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