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TOBIE


en sont reproduites dans les catacombes. « Les diverses représentations de ce sujet qui sont arrivées jusqu’à nous, dit Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2 B édit., in-4°, 1877, p. 760-761, suivent à peu près la succession des événements de la touchante histoire deTobie… Ces représentations, si souvent répétées dans la primitive Église, alors que rien ne se faisait en ce genre, soit dans les cimetières, soitdansles basiliques, sans l’autorité des pasteurs, prouvent jusqu’à l’évidence que le livre de Tobiefut dès les premiers temps placé dans le canon des Livres Saints. » Cependant, comme il ne se trouvait pas dans la Bible hébraïque en usage chez les Juifs de Palestine, d’anciens écrivains ecclésiastiques, en particulier saint Jérôme, se sont exprimés sur les livres deutérocanoniques et sur Tobie comme s’il existait une différence entre eux et les livres hébreux de l’Ancien Testament ; ils les ont reconnus néanmoins comme sacrés. Voir Canon, t. ii, col. 154-155. Les canons des papes et des conciles ont défini la canonicité du livre de Tobie. Voir canon de saint Gélase, t. ii, col. 153 ; cf. col. 162 ; canon du concile de Trente, ibid., col. 178.

III. Division et résumé du livre de Tobie. — Il forme un tout parfaitement ordonné et disposé avec un art admirable en six sections.

1° Vertus et épreuves de Tobie le père. — 1. Un Israélite fidèle de la tribu de Nephthali est déporté à Ninive avec Anne, sa femme, et Tobie, son fils. Il exerce les œuvres de miséricorde envers ses frères et ensevelit les morts, ce qui attire sur lui la persécution de Sennachérib, roi d’Assyrie, ; il échappe en se cachant à la colère du roi, et celui-ci ayant été tué par ses fils peu de temps après, il recommence ses actes de miséricorde et de piété, i II. 9. — 2. L’épreuve allait commencer pour lui. Quelque temps après, s’étant endormi au pied d’un mur, la fiente d’un nid d’oiseaux lui tomba sur les yeux et l’aveugla. Le nom des oiseaux est différent dans les divers textes, ainsi que les circonstances dans lesquelles se produisit la cécité. Elle amena pour Tobie la privation et les misères, et les reproches de ses amis et de sa femme. Accablé d’amertume, il prie Dieu de le délivrer de la vie, ii, 10-m, 6.

2° Vertus et épreuves de Sara, fille de Raguël. —A ce point du récit, nous sommes transportés à Rages, en Médie, d’après le texte actuel de la Vulgate, mais plus vraisemblablement à Ecbatane, comme le portent les versions grecques. Pendant que Tobie souffrait et priait Dieu à Ninive, la fille d’un de ses parents, Sara, fille de Raguël, souffrait et priait à Ecbatane, en Perse. Sept fois, elle avait été mariée, et ses sept époux avaient été tués au moment même de ses noces par le démon Asmodée, dont le nom vient, d’après les uns, du perse azmûden, « tenter », d’après les autres, de l’hébreu Sâmad, « perdre ». Asmodée paraît être le démon de la concupiscence. Une des esclaves de la jeune Sara lui reproche la mort de ceux qui ont recherché sa main, et la jeune fille, affligée, demande à Dieu de la secourir ou de la délivrer de la vie, iii, 7-23.

3e Voyage du jeune Tobie en Médie. — Dieu exauce la prière que lui adresse le père du jeune voyageur et aussi celle de Sara, la fille de Raguël ; il mettra fin aux épreuves de ces deux justes par le ministère de Raphaël, un de ses anges. Le vieux Tobie, croyant sa mort prochaine, après avoir donné à son fils les plus sages conseils, l’envoie en Médie pour recouvrer dix talents d’argent (85 COO francs) qu’il avait prêtés à Gabélus, un de ses coreligionnaires. L’ange Raphaël, qui a pris une forme humaine, sert de guide au jeune Tobie sous le nom d’Azarias. Le soir de la première journée du voyage, ils s’arrêtèrent sur les bords du Tigre. Tobie ayant voulu laver ses pieds dans le fleuve, un poisson s’élançant, dit le Codex Sinailicus, « voulut dévorer le pied du jeune homme. » On ignore à quelle espèce

appartenait ce poisson. Calmet a supposé que c’était un brochet. On le trouve dans le Tigre et sa chair est excellente. L’ange dit à Tcbie de saisir le poisson par les ouïes, et, quand ils en eurent mangé, il lui recomma nda de garder une partie du cœur et du foie pour chasser le démon, et le fiel pour guérir la taie des yeux, vi, 1-9.

4° Mariage du jeune Tobie avec Sara. — Les deux voyageurs arrivèrent sans autre incident à Ecbatane et ils allèrent loger chez Raguël, le père de Sara. Sur le conseil de l’ange, Tobie demande la main de la jeune fille, après avoir appris de son guide le moyen de chasser le démon qui avait fait périr les précédents maris de sa cousine ; il l’obtient, chasse Asmodée en brûlant une partie du cœur et du foie du poisson et en passant en prières les trois premières nuits de leur mariage. L’ange Raphaël relégua Asmodée dans le désert de la HauteEgypte, de sorte qu’il ne pût agir en dehors de ce lieu. Alligavit, hoc est ejus potestatem… cohibuit atque frsenavit, dit saint Augustin, De civ. Dei, XX, vii, 2, t. xii, col. 668, expliquant un passage analogue de l’Apocalypse, xx, 2. Le nouvel époux demeura quatorze jours auprès de Raguël, son beau-père. Pendant ce temps, Raphaël alla à Rages chercher l’argent prêté à Gabélus et amena ce dernier à Ecbatane pour prendre part aux fêtes du mariage, VI, 10-IX.

5° Retour de Tobie à Ninive. — L’ange enseigna au jeune Tobie, pendant le retour, le moyen de guérir son père de sa cécité, à l’aide du fiel du poisson. Sara était partie avec lui, après avoir reçu de Raguël de sages conseils sur les devoirs d’une mère de famille. En chemin, son jeune époux prit les devants, pour calmer les inquiétudes des siens, et, à son arrivée, il guérit le vieillard aveugle par les moyens que l’ange lui avait indiqués, x-xi.

6° Conclusion : manifestation de Raphaël ; dernières années de Tobie. — Raphaël fit alors connaître aux deux Tobie sa nature angélique et leur révéla les desseins de Dieu dans les épreuves qu’ils avaient eues à subir, xii. Le vieux Tobie rend alors gloire à Dieu de ses bienfaits et prédit la gloire future de Jérusalem, xiii. Aux approches de la mort, il donne ses derniers avis à sa famille et lui recommande de quitter Ninive, qui sera détruite. Tobie le fils retourne auprès de Raguël et meurt à l’âge de 99 ans, xiv. — L’intervention de Raphaël, envoyé de Dieu, est un des traits principaux du livre de Tobie, qui nous révèle ainsi quel est l’office des anges gardiens et nous met sous les yeux l’action de la Providence dans les incidents de la vie ordinaire.

IV. Caractère historique du livre de Tobie. — L’historicité du livre de Tobie a été longtemps admise sans contestation. Tous les protestants le regardent aujourd’hui comme un roman pieux, ainsi que quelques catholiques, mais la réalité de l’histoire de Tobie est attestée par les détails minutieux du récit, la généalogie du principal personnage, les renseignements précis sur la géographie, l’histoire, la*chronologie, etc., qui nous montrent que l’auteur a voulu parler en historien. Les principales difficultés qu’on fait contre le caractère historique du livre de Tobie sont les suivantes :

1° Les faits merveilleux qui y sont racontés. — Les miracles contenus dans un récit ne sont pas une preuve qu’il est historique, mais ils ne sont pas non plus une preuve qu’il soit fictif, parce que Dieu peut, quand il lui plaît, intervenir surnaturellement dans les affaires de ce monde, comme le montrent tant d’autres miracles rapportés dan3 la Sainte Écriture.

2° Inexactitudes qu’on prétend exister dans le récit.

— 1. Rages, la ville de Médie où l’auteur fait résider Gabélus, au VIIIe siècle avant notre ère, ne fut bâtie, dit-on, que plusieurs siècles plus tard, par Séleucus Nicator, d’après le témoignage de Strabon, XI, xiii, 6.