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TITE (ÉPITRE A)


Brmen l’origine paulinienne. Car non seulement il n’y a. rien, ni comme doctrine, ni comme circonstances personnelles, ni comme ton épistolaire, qui sorte, dans cet écrit, du tour d’esprit propre à l’Apôtre ou qui répugne soit aux données de l’histoire, soit aux conjectures qu’elle peut autoriser, mais encore on saisit, ici et là, des particularités difficiles à expliquer, si l’on admet que ces lignes sont d’une plume étrangère. En tout cas, il faudrait conclure à une imitation extrêmement habile. Sans doute, on pouvait, avec les autres Épltres, mettre en circulation des idées semblables à celles de Paul, mais ce qui n'était guère possible, c'était de les adapter, sans aucun heurt, à une situation créée de toutes pièces, en dehors de la vie historique qu’on met en scène, tout en gardant dans l’ensemble le ton et la couleur individuelle des écrits du grand Apôtre : sa manière de citer les auteurs grecs, I Cor., xv, 33, d’appliquer à sa thèse les textes de l’Ancien Testament, de tirer d’un dogme des conclusions morales. Avec cela, les grands principes de l’universalisme, la vie éternelle promise à tous, la grâce du salut apportée au genre humain, II, 11, la mort rédemptrice du Christ, l’effusion de l’Esprit parle baptême, la vie nouvelle dans l’amour, le non-sens des distinctions entre mets purs et impurs. Mais si le fond des idées est bien de Paul, on ne peut, du moins avec la même assurance, en dire autant du style. Le vocabulaire de l'Épître à Tite n’a presque rien de commun avec celui des grandes Épîtres. Les hapax legomena s’y rencontrent dans une proportion par trop forte. On en compte jusqu'à 26 dans l’espace de 46 versets. Ce qui inquiète encore d’avantage, c’est, à chaque instant, de trouver quelqu’une de ces formules stéréotypées, exclusivement propres aux Pastorales, par exemple, Èiriyvouiç à-reix< ; , |uz( f uvaixo ; àvrip, xaXà epya, ô vûv aïâjv, 6 nÉyaç Bsbç, XouTpàv TtaXivyevEai’aç, itia-ub ; o XiSyoç, etc. Car tout cela semble nous mettre en face d’un auteur qui a son style à lui, ses expressions toutes faites, imposées peut-être par une sorte de langage technique plus ou moins officiel, résultat d’une lutte déjà longue contre l’erreur. Ce qui aggrave la difficulté, c’est que ces phrases conventionnelles ne sont pas la propriété exclusive de l'Épître à Tite, mais sont communes à toutes les Pastorales. On a ainsi un groupe de trois écrits qui ont une langue particulière, différente de celle des autres Epîtres pauliniennes, assez originalepour faire penser à un écrivain distinct de Paul, mais écrites à une époque différente.

5° Intégrité du texte. — Les manuscrits ne laissent . soupçonner aucune altération. On pourrait toutefois supposer l’insertion de deux versets, i, 7, 9, et une transposition maladroite, iii, 18, à la place du f 14. Mais, à la rigueur, il n’y a aucune raison pressante de retoucher ces passages. La question ne se pose que pour les critiques qui nient l’authenticité de presque toute l'Épître, sauf quelques lambeaux de phrases empruntés à des lettres que Paul aurait écrites à Tite, lorsque celui-ci préparait la troisième visite de l’Apôtre à Corinthe. II Cor., xii, 16. On s’est livré, de ce côté, à des morcellements par trop arbitraires. En dehors des versets III, 12-13 et 12-15, qu’on accepte d’abord comme étant de Paul lui-même, chaque auteur démêle à son gré ce qui est authentique d’avec ce qui ne l’est pas. Cf. Me Giffert, Apostolic âge, p. 406 ; Harnack, Chronologie, p. 480 ; Clemen, Die Einheitlich keit der Paul.Briefe, p. 157-163 ; Mqffatt, Histor. N. T., p. 700.

6° Importance. — Cette Épitre est un document très précieux sur l’organisation de la hiérarchie ecclésiastique, sur la persistance du danger juif dans les communautés fondées par saint Paul, sur les obstacles opposés, par les influences païennes, à la foi du Christ, à sa pleine expansion au sein des l'Églises, sur la discipline merveilleuse qui façonne tous les membres de la nouvelle société pour en faire un corps social modèle,

capable d’attirer à Jésus, par sa belle tenue, sa dignité morale, ses vertus de loyauté, de douceur, d’abnégation, la vieille société grecque et romaine, qui s’abîmait de plus’en plus dans le désordre, l’anarchie, l'égoïsme, la corruption.

II. Analyse du contenu. — A) prologue, i, 1-4. — L’adresse présente quelque ressemblance avec celle de l'Épître aux Romains et la première Épitre de saint Jean. L’Apôlre y résume, en quelques mots, l’origine, le but, l’objet de l’apostolat ainsi que la force qui, au milieu des difficultés de toutes sortes, en est l’appui et le soutien. Paul n'écrit pas à Tite une lettre d’ami mais une lettre de service. De là, le ton et l’objet de ce préambule.

B) corps de l'Épître. i, 5-ih, 11. — Déduction faite de quelques légères différences imposées par des raisons locales, le fond de la lettre à Tite reproduit, dans ses deux parties essentielles, la première Épitre à Timothée. De part et d’autre, ce sont les mêmes avis, les mêmes règles de gouvernement, les mêmes écûeils à éviter, en sorte que l’un des deux écrits ne semble être, en réalité, que la copie réduite de l’autre. Cela s’explique par l’analogie de situation où se trouvaient, tous deux, les destinataires de ces diverses flett » es. Il n’est pas difficile de voir qu'à peu de ebose près, Tite avait mission de fonder en Crète ce que Timothée devait restaurer à Éphèse. Les règles de gouvernement qui font l’objet de cette Épitre donnent lieu à une division en deux parties :

a) i" partie. — Les devoirs des pasteurs. I, 5-16. — Dans l'Église, comme dans toute société bien réglée, les chefs suprêmes ont, pour gérer dignement leur charge, un double devoir : 1° bien choisir leurs subordonnés ; 2° leur donner une sage direction. Tels sont les deux points sur lequels portent les premières recommandations de Paul à son disciple. Il lui détermine les conditions d'éligibilité des presbyteri ou episcopi, i, 6-10. Ce sont les mêmes que dans l'Épître à Timothée. Le côté moral des candidats est ce qu’on doit le mieux examiner. Quant aux devoirs des élus, 9-16, ils sont résumés dans ces prescriptions : 1° prêcher aux fidèles la doctrine sacrée ; 2° réfuter ceux qui la combattent et la contredisent. Ce dernier devoir est motivé, en Crète, par l’apparition de faux docteurs très dangereux, greffant sur la nature vicieuse des Cretois les défauts de la race juive.

b) S' partie. — Les devoirs du troupeau, ii, i-m, 11. — C’est une esquisse de morale sociale à l’adresse de la société chrétienne. On voit poindre, à travers cet ensemble de préceptes, l’idée d’une sorte de code ecclésiastique. Chacun des membres de l'Église, fût-ce le plus humble, a un devoir civique à remplir. Les préoccupations de l’Apôtre ne vont pas seulement, dans cette Épitre, au salut individuel des néophytes, elles embrassent maintenant l'Église tout entière, pour lui assurer, au dedans, la prospérité, le bon ordre, l’harmonieuse coopération de tous à l'œuvre commune et, au dehors, la paix avec les pouvoirs publics, la bonne entente avec les païens, le bon renom de la doctrine nouvelle.

1. À l’intérieur, ii, 1-15. — Les vieillards doivent être sobres, graves, modérés, gardant, dans toute leur intégrité, la foi, la charité, l’attente ferme et patiente de la Parousie. Aux femmes âgées on enjoint de se donner en exemple aux personnes de leur sexe qui sont jeunes ; éviter, en outre, la médisance, l’ivrognerie. Une seule chose est recommandée aux jeunes gens. La vertu de leur âge doit être la tempérance. Éviter avec soin toutes sortes d’excès. Tite qui, comparé à Paul, est encore, un jeune homme, devra par ses actes leur servir de modèle pratique. On compte particulièrement sur les esclaves pour faire briller, par leur conduite, la divinité de la doctrine chrétienne. Par leur condition, ils sont plus à même que personne de