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TITE [ÉPÎTRE A)

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Paul écrit à Tite, celui-ci est dans l'île de Crète, i, 5. L’Apôtre, qui vient de visiter ce pays, y a laissé son disciple pour achever l’organisation des Églises et pour aller de ville en ville établir des presbytres et des épiscopes, i, 5. Certains détails laissent entendre que le christianisme était relativement assez ancien dans l’ile, i, 10. Les erreurs dont on signale la présence dans les Églises de cette contrée ne peuvent se concevoir, en effet, qu’après un temps plus ou moins long, depuis la première prédication évangélique. On a donc essayé de rattacher l’implantation de la foi chrétienne dans cette contrée soit à la présence de quelques Juifs ou prosélytes crétois convertis par les prodiges de la Pentecôte, Act., ii, 11, soit à une période de la vie de Paul relatée par les Actes. Mais ces deux hypothèses rencontrent les mêmes difficultés, disonsimpossibilités. Selon les Actes, en effet, Paul ne touche la Crète qu’une fois, et cela lors de son naufrage ; il n’y fait qu’un très court séjour, et durant ce séjour, il est captif. Ce n’est sûrement pas à ce moment-là que Paul a pu fonder des Églises dans l'île. De même, si le christianisme existe là depuis près de trente ans, comment se fait-il que les frères ne viennent pas, comme ceux d’Italie, Act., xxviii, 15, au-devant de l’Apôtre, qu’ils ne lui prêtent pas secours ? L’auteur des Actes, si cela fût arrivé, n’aurait pas manqué de le dire. S’il se tait, c’est que la foi nouvelle était, à cette époque, ignorée ou peu connue des Crétois. L'évangélisation de l'île est donc probablement postérieure au premier passage de Paul. Ce qu’il est permis de conjecturer, c’est que, peu de temps après, c’est-à-dire pendant sa captivité à Rome, l’Apôtre eu peut-être l’idée d’envoyer là quelqu’un de ses disciples, Tite, par exemple, avec l’intention de le rejoindre aussitôt après sa libération. Effectivement Paul y aurait fait un court séjour avant de gagner Éphèse, confiant à Tite le soin de poursuivre l'œuvre commencée. Il semble que ce dernier ait été, lui aussi, aux prises avec des difficultés assez analogues à celles où se trouvait alors Timothée. Les mêmes fausses doctrines se glissaient de toutes parts dans les Églises d’Orient, les mêmes abus s’y produisaient, les mêmes dangers s’y faisaient jour. Paul venait à peine d’envoyer sa première lettre à Timothée qu’il apprit, on ne sait comment, la situation précaire des Églises de Crète. Il se mit aussitôt à rédiger quelques avis pour Tite. Il n’eut guère pour cela qu'à répéter ce qu’il venait d'écrire à Éphèse. Apollos, qui était auprès de lui, reçut, avec un ancien scribe nommé Zénas, la mission de porter ce message à son destinataire. On comptait beaucoup sur l'éloquence du docteur alexandrin pour réduire au silence l’opposition juive ou judaïsante. Act., xviii, 27, 28. En outre, Paul promettait à Tite de lui envoyer bientôt Artémas et Tychique qui, sans doute, devaient l’aider dans ses travaux et le remplacer momentanément. Il prie, en effet, son disciple de venir, dès qu’il aura reçu ces deux frères, le rejoindre à Nicopolis, où il compte passer l’hiver, iii, 12. Enfin, il recommande, en terminant, de faire la conduite à Zénas et à Apollos qui ne devaient guère que passer, et d’avoir grand soin d’eux, iii, 13.

2° Emprunts littéraires. — On a relevé, dans cette Épitre, un certain nombre d’expressions, parfois même des phrases entières, prises de divers côtés. Il y a d’abord un vers d'Épiménide, i, 13, peu flatteur pour les Crétois ; puis une sorte de proverbe reçu dans les milieux chrétiens du temps, iii, 8. Bien que l’auteur ne cite jamais expressément l'Écriture, il est pourtant visible qu’il s’en inspire en maints endroits, i, 14 = Isaïe, xxix, 13 ; ii, 5 = Is., lii, 5 ; ii, 14 = Ps. cxxx, 8 ; Deut., xiv, 2 ; Ézéch-., xxxvii, 23 ; iii, 6= Joël, iii, 1. On s’aperçoit, en outre, par nombre de réminiscences et d’allusions, qu’il connaît les discours du Seigneur, mais il n’y a pas trace, dans ce qu’il en rapporte, de

sources écrites ou d’emprunts directs aux Évangiles canoniques, i, 15= Marc, vii, 9 ; Luc, xi, 41 ; iii, 5 = Joa., iii, 5 ; iii, 10= Matth., xviii, 15-17. Aurait-il subi l’influence delà Ia Pétri ? Plusieurs critiques l’ont cru, tant les points de contact entre les deux Épîtres sont frappants, i, 5-9=1 Pet., v, 1-4 ; iii, 1 = 1 Pet., ii, 13 ; iii, 4-7=1 Pet., i, 3-5. Plus nombreuses, on peut même dire plus littérales sont les ressemblances avec les autres écrits pauliniens : I, 1-4= Rom., i, 1 ; XVI, 25-27 ; 1, 15= Rom., xiv, 20 ; ii, 14= Gal., i, 4 ; iii, 1 = Rom., xiii, 1 ; iii, 3= Eph., ii, 3 ; I Cor., vi, 9-11 ; iii, 5= Eph., ii, 8, v, 26, surtout avec la première à Timothée. Ici, la similitude touche presque à l’identité. Dans plusieurs passages, les deux lettres ont l’air de se copier. L’entrée en matière est tout à fait pareille, Tit., i, 5= I Tim., i, 3, le but général, le plan dans son ensemble, la teneur des avis, la forme du langage ellemême ne diffèrent point : Tit., i, 4= I Tim., i, 1, 2 ; i, 5-9= iii, 1, 7 ; i, 11 = iii, 9 ; ii, 1, 6= v, 1-2 ; ii, 7= iv, 12 ; ii, 9-10= vi, 1 ; ii, 14= ii, 6 ; ii, 15= iv, 12 ; m, 5=1, 9 ; iii, 9= iv, 7. Cette analogie rappelle celle qui existe entre l'Épître aux Colossiens et l'Épître aux Éphésiens.

3° Temps et lieu de la composition. — De ce qui précède^ il découle que l'Épître à Tite et la première à Timothée ont été écrites à peu près vers le même temps, à peu de distance l’une de l’autre. Toute hypothèse qui mettrait entre elles un intervalle de plus d’un ou deux mois devrait être repoussée. On serait même tenté de les dater du même jour. S’il faut, pourtant, en reporter la rédaction à des périodes différentes, la priorité de temps semble être en faveur delà lettre à Timothée. Le projet d’aller hiverner à Nicopolis paraît, en effet, modifier les premières intentions de Paul, qui se proposait d’abord de retourner sous peu à Éphèse, I Tim., ni, 14 ; iv, 13. Maintenant, s’il parle d’aller en Épire, c’est qu’il a changé d’itinéraire. On objectera peut-être qu’il s’agit de Nicopolis, en Thrace, sur le Nestus, près des frontières de Macédoine ; mais la présence de Tite en Dalmatie, à peu de temps de là, II Tim., iv. 10, rend fort improbable cette supposition. C’est bien dans la Nicopolis d'Épire, l’ancienne Actium, bâtie par Auguste en souvenir de sa victoire, que Paul a dessein de passer l’hiver, en compagnie de Tite. On sait que par une singulière coïncidence, Josèphe, Act., XVI, v, 3, Hérode le Grand avait largement contribué à la construction de cette ville. La seule raison qu’on pourrait alléguer contre l’antériorité de l'Épître à Timothée, c’est que l’organisation ecclésiastique y paraît plus complète et plus avancée que dans l'Épître à Tite. Mais l’obstacle disparaît si l’on veut songer, un instant, à la différence d'âge des Églises dans lesquelles travaillait chacun des deux disciples. La communauté d’Jtphèse existait depuis près de dix ans quand la Crète recevait à peine les premiers germes de l'Évangile. S’il fallait en croire la suscription des manuscrits grecs, Paul aurait écrit de Nicopolis en Macédoine. Mais il n’y a là qu’une glose de copiste fondée, sans doute, sur l’interprétation de iii, 12. On croit généralement que la lettre a été composée dans quelque Église de Macédoine, Philippes, Bérée ou Thessalonique, peu de temps avant le voyage de Paul en Épire. L’Apôtre presse le départ de son disciple, ffTto-jSxcrov êÀŒïv, parce que l’hiver approche et que la navigation va devenir difficile. On peut supposer qu’il lui fit indiquer, de vive voix, par Apollos, le port où il l’attendait avant de prendre ensemble le chemin de l’Occident. En tenant compte de toutes ces circonstances, l'Épître devrait être datée du mois de septembre ou, au plus tard, de fin octobre, l’an 65.

4° Authenticité. — Sans vouloir revenir sur un problème déjà traité (voir Épître [Première] a Timothée), il n’est pas cependant sans intérêt de grouper quelquesuns des traits particuliers de cette Épître qui en con-