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TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A)


qui est crue : c’est la foi de l’Église, condensée sous forme d’enseignement réglé, imposé par l’autorité hiérarchique. Aussi s’appelle-t-elle indiféremment iifo-riç, àXï|8eia, ê18aaxaXt<x, XôfOi tîjç ihVtewç, nnaafir i Y.r„ ûytaîvouffa 618a<TxocXta, i xoiv7j t « <ttiç ; de là, encore les composés suivants : èv-kIgtei Çrjv, etvo », ctt^xeev, expressions qui impliquent toutes, d’une façon plus ou moins directe, une règle de foi, un centre catholique, une orthodoxie en exercice. On remarque, en outre, qu’une part plus considérable est faite, dans la vie chrétienne, aux bonnes œuvres. Au mot « justice » se substitue, presque partout, celui de « piété » qui englobe l’exercice de toutes les vertus. L’idéal du chrétien est la 8so<7£ëeia Si’ïpytav àya8wv, synonymisantavecl’eûiréëeia. Ce genre de préoccupation, succédant aux thèses de la justification par la foi, ne peut appartenir qu’à une époque où l’Église était déjà une société complète, tout absorbée par son gouvernement intérieur, sa discipline, sa vie morale, ce qui n’est pas le fait de la première génération chrétienne, mais plutôt celle de la seconde et de la troisième. D’autre part, les espérances relatives à la Parousie, si vives dans l’âme de Paul, font place à une résignation tranquille qui confine presque à l’indifférence. Comparer, par exemple, I Tim., vi, 14, avec Act., i, 7 ; II Petr., ii, 12. L’auteur semble ajourner indéfiniment ce qui a été le mobile central de toute sa vie apostolique. On dirait qu’il ne partage plus l’espoir immense qui a été si vif durant la première génération chrétienne. Ses préoccupations vont maintenant vers l’organisation d’une société qui doit vivre. Il n’est pas seul à renoncer à l’avènement prochain du royaume de Dieu. Autour de lui, il y a des esprits qui relèguent dans le domaine de la métaphore l’annonce de la Parousie et des phénomènes connexes qu’on y attachait. II Tim.. ii, 18. Autre symptôme. La théodicée chrétienne commence, dans ces écrits, à faire des emprunts à la philosophie grecque. Elle exalte, en Dieu, son unité, I Tim., i, 17 ; ii, 5 ; vi, 15, son invisibilité, i, 17 ; vi, 16, sa vie, iii, 15 ; iv, 10, sa puissance, i, 17 ; vi, 15, sa véracité, Tite, i, 2 ; II Tim., ii, 13, son immortalité, ITim., i, 17 ; vi, 16, sa félicité, vi, 15. Ce progrès philosophique ne peut évidemment dater des dernières années de Paul. Il est également difficile de concevoir qu’une plume chrétienne ait pu, avant l’an 70, traiter le judaïsme, avec ses prescriptions légales, de fable et d’invention humaine. Tit., i. 10. En tout cas, Paul n’a jamais rien dit de pareil, même au plus fort de la lutte avec les judaïsants.

A ces diverses difficultés on peut répondre, en les reprenant par ordre, que l’emploi prépondérant et presque exclusif du mot foi, au sens objectif, n’est pas absolument inconnu aux autres écrits de saint Paul ; il se trouvé ici, il est vrai, dans la proportion de 9 à 3, mais on comprend cette inégalité quand on songe qu’un des buts principaux des ÉpHres à Timothée et à Tite est de tracer à ces pasteurs modèles les devoirs de leur charge, au premier rang desquels se place, tout naturellement, le soin de veiller à la pureté de l’Évangile. Il n’est donc pas nécessaire, pour justifier le point de vue où se place l’auteur et les expressions dont il se sert, de songer à une autre forme de doctrine qu’à ce type d’enseignement (tôwoç ffn Siôax’lCt Rom., vi, 17), que l’Apôtre, en l’an 58, félicitait les Romains d’avoir pour règle de leur nouvelle croyance. L’insistance avec laquelle ces dernières Épîtres reviennent si souvent sur la « saine doctrine », provient des erreurs nombreuses qui, à ce moment, faisaient invasion dans l’Église, même du vivant des Apôtres. S’il est souvent question des bonnes œuvres, I Tim., ii, 10 ; v, 10 ; vi, 18 ; Tite, i, 16 ; ii, 7, 14 ; iii, 1, 5, 8, 14, c’est qu’on ne saurait jamais assez exiger de ceux qu’on veut mettre à la tête des Églises, qu’ils prouvent, par leur conduite, qu’ils sont dignes de cet honneur, afin que leur exemple exerce une salu taire influence sur les fidèles dont ils ont la charge. Le mot « piété » résume heureusement la somme des devoirs de celui qui est, par état, « l’homme de Dieu ». I Tim., vi, 11 ; II Tim., iii, 17. Tout en partageant avec ses contemporains l’espoir d’un prochain retour du Christ, saint Paul a parfois entrevu la possibilité de mourir avant la grande apparition finale. Dans sa seconde captivité cette possibilité devenait certitude, presque un fait réalisé. Il était alors très naturel, pour l’Apôtre, de pourvoir à l’avenir des Églises en donnant à ses disciples des règles de conduite pour conserver le fruit de ses travaux. — Les erreurs d’Hyménée et de Philète ne reflètent pas l’opinion commune du milieu où vit l’auteur des Pastorales : d’ailleurs, le dogme de la résurrection avait trouvé de bonne heure, parmi les Grecs, d’ardents contradicteurs. I Cor., xv, 12. — Aucun des attributs donnés à Dieu, par ces trois lettres, ne dépasse le monothéisme de l’Ancien Testament. Il se peut, toutefois, que la forme quasi technique sous laquelle ils se présentent se ressente quelque peu du contact avec les esprits grecs, mais on sait que l’Apôtre a commencé lui-même ce travail d’adaptation qui, en d’autres mains, ira en se perfectionnant. — Le judaïsme contre lequel s’élèvent les Pastorales n’est pas le judaïsme palestinien des premières Épitres, mais ce mélange de vieilles théogonies de cabbale, de pratiques théurgiques dont sortirent plus tard les diverses formes du gnosticisme. Aucune épithète ne pouvait assez énergiquement flétrir cesélucubrations malsaines, si dangereuses, dont le foyer paraît avoir été en Asie Mineure. VI. Style. — La langue des Pastorales est sensiblement différente de celle des Épttres précédentes. D’abord, au point de vue du vocabulaire. D’après les calculs de Holtzmann, on compte, sur les 897 mots de ces trois lettres, une moyenne de 171 âitaÇ ^eyôp-eva, dont 74 dans la I ie à Timothée, 46 dans la seconde, 28 dans l’Épître à Tite. Certains verbes fournissent de multiples dérivés inconnus à la plume de Paul, tels que (TMçppoviU qui donne au>ippovtai.6f, <jo>çpc5va>5, aâxppwv ; StSiuxsiv avec tous ses composés, StSâcrxaXoç, SiSseirxaXi’a, StSayrj, SiSaxTey.o ; , vo|j.o8 : 8dc<rxaXo ; , xâXo81 SâoxocXoç, ârspoSiSaaxor.Xeîv ; oîxeïv et les mots qui en viennent, olxoç, oixia, otxaioç, oïxovop.ta, oixoSeffuoTetv, o’t ovôp.o « et olxoupY<5 ; . On pourrait y joindre les mots formés avec fiâpmp, <pfXoç avec des procédés de dérivation inusités chez Paul. Demême, deslocutionsentièresoudes associations d’images en dehors de ses habitudes littéraires : s-ja-sêtài ; Ç7JV, II Tim., iii, 12 ; Tit., ii, 22 ; Siwxsiv êixaioerjvïiv, I Tim., VI, 12 ; II Tim., Il, 22 ; çuXiaæiv xtjv TCapa6v ; xrjv, I Tim., VI, 20 ; II Tim., i, 12, 14 ; itapaxo-Xouôeîv tîj SiSa<jxaXfat, ITim., IV, 6 ; II Tim., iii, 10 ; tôv xaXôv àyâia àfwvi^eofiat, I Tim., VI, 12 ; II Tim., IV, 7 ; puis la phraséologie spéciale contre les faux docteurs et leurs doctrines, gé8/)Xoi pûSot, I Tim., iv, 7 ; (Sêgï]Xoi xevoçwvi’cu, I Tim., VI, 20 ; II Tim., Il, 16 ; ( « opai Kwr<rei ; , II Tim., 11, 23 ; Tit., iii, 9 ; Çr^iec ; xoc XoTona/cai, ITim., VI, 4 ; Àoyo^a/siv, II Tim., Il, 14 ; (jaTaioXoyia, I Tim., i, 6 ; u.aTaioXoYoç, I Tit., i, 10 ; en opposition avec Xoyoç Oyir, ?, Tit., ii, 8 ; ùfiahoycEi Xôyot, I Tim., vi, 3 ; II Tim., i, 13 ; ûytalveiv t^ iziarsi, Tit., i, 13 ; -fl vifiaîvouOTt 818a<xxaXîa, I Tim., i, 10 ; II Tim., iv, 3 ; Tit., 1, 9 ; ii, 1 ; des expressions comme av8pMi : oi xiteç-Ôotppiévot, II Tim., iii, 8 ; 8tecp6ap|Aévot, I Tim., vi, 5 ; xXav(ip.£voi, II Tim., iii, 13 ; Tit., iii, 3 ; ôtv6p<oiîo ; ©soû, ITim., VI, 11 ; II Tim., iii, 17 ; icoyic toû ôiaêdXou, I Tim., Hl, 7 ; II Tim., II, 26 ; xittôç 6 Xôyo ; , I Tim., i, 15, iii, l, iv, 9 ; II Tim., ii, 11 ; Tit., iii, 8 ; des mots plus ou moins grecs tels que à<ff)a.pafa, èitejiven, alûvE(, eyaiSeia, awypofrjvT) ; ou au contraire, du plus pur héllénisme, ypxûôric, <TU|jiarixr| yj(i.va<r : a, yutivâîTEiv, àvx^uTtupeiv, e’.XavSpojfti’a, mais peu ou point d’hébraïsmes ; à peine une citation de l’Ancien Testament, I Tim., v, 18, 19 On note pareillement l’absence de