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TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A)


1807. Il en concluait que la première Épitre à Timothée avait été composée par un plagiaire à l’aide des deux autres Épitres pastorales. À son opinion se rallièrent plus tard Usteri, Lûcke, Bleek, Neander, tandis que Planck (1808), Beckhaus (1810) et Wegscheider (1810) entreprirent la défense de l'Épitre incriminée. Ces apologistes faisaient observer que les raisons alléguées contre la première Épitre à Timothée pouvaient, au même titre, être apportées contre les deux autres. Eichhorn (1812) souscrivit à ce raisonnement, mais pour le retourner contre les trois lettres ensemble ; toutefois il Jes rattachait encore à l’Apôtre par un lien, en l’attribuant à un de ses disciples qui aurait consigné là les directions de son maître. Pendant une vingtaine d’années, les mêmes conclusions sont défendues par de Wette, Schrader, Mayerhoff, combattues par Hug, Bertholdt et Feilmoser. Mais Baur, en 1835, ne se contenta pas de nier l’authenticité des Pastorales, il chercha, dans son Die sog. Pastoralbriefe des Apostels Paulus, les motifs de cette composition apocryphe et crut les découvrir dans l’intention qu’aurait eue l’auteur de combattre, sous le nom et l’autorité de Paul, les erreurs gnostiques, surtout celles de Marcion et de Valentin. Ces lettres ne seraient alors que de la moitié du second siècle. À peu de choses près, telle est l’opinion de Schwegler, Bruno Bauer, Hilgenfeld, Mangold, Meyer, Schenkel, Hausrath, Weizsàcker, Davidson, Harnack, Scholten, Beyschlag, Sabatier, Von Soden. Quelques critiques (Lôftler, Usteri, Lûcke, Bleek, Neander, Ritsehl et Krauss) acceptent la IIe à Timothée et l'Épitre à Tite mais repoussent obstinément la première à Timothée. Du côté des défenseurs des Pastorales se rencontrent, outre les commentateurs catholiques, bon nombre d’exégètes protestants, surtout parmi ceux qui ont écrit des commentaires ex professe). On peut leur adjoindre Otto, Kôlling, B. Weiss, dans son Introduction et dans Meyer, 5e édit., 1886 ; Bertrand, Essai critique sur V authenticité des Épitres pastorales, 1888 ; Bourquin, Étude critique sur l’authenticité des Ep. past., 1890. D’autres n’osent se prononcer : Rolle, De authentia epist. pastoralium, 1841 ; Scharling, Dieneuesten Untersuchungen ùberdie sog. Pastoralbriefe, 1846. De nos jours, on est revenu, dans le camp critique, à l’hypothèse admise dès 1836 par Credner et l’on reconnaît, dans les Pastorales, au moins dans le IIe à Timothée et l'épître à Tite, un noyau paulinien amplifié, vers la fin du I er siècle, par quelque disciple de Paul à l’aide des autres écrits de l’Apôtre. Chacun varie dans la part à faire aux éléments authentiques. Ainsi Hausrath (1865) trouve les restes d’une lettre de Paul dans II Tim., i, 1, 2, 15-18 ; IV, 918 ; Krenkel (Paulus, 1869), Tit., iii, 12, 13 + II Tim., iv, 19-21, 9-18 ; i, 16, 18 ; Grau pense que Tite et Timothée ont eux-mêmes développé, à l’aide de leurs souvenirs personnels, des billets qu’ils avaient reçus de l’Apôtre. Ménégoz (1872) reconnaît le caractère paulinien des trois lettres, mais, en même temps, il découvre les traces d’interpolations certaines, postérieures à la mort de l’Apôtre. Renan (1869), Beyschlag (1874) et Sabatier (1881) admettaient l’existence de billets authentiques adressés à Tite et à Timothée, puis amplifiés plus tard pour appuyer le mouvement des Églises vers la hiérarchie et la discipline ecclésiastique.

D’après Hesse (1889), la I re à Timothée comprend ellemême des passages de source paulinienne, par exemple, le premier et le sixième chapitre ; la seconde est composée de deux lettres, l’une apocryphe, l’autre à parties authentiques, i, 16-18 ; IV, 9-22. La lettre à Tite serait également de Paul, au moins quant au passage relatif aux hérétiques, emprunté d’ailleurs à la I re à Timothée. On aurait opéré ces fusions et ces amplifications d'épîtres pour donner aux évéques une sorte de manuel de discipline ecclésiastique. Ces écrits précéderaient

de peu d’années les lettres de saint Ignace. Telles sont, en général, les positions de la critique, à l'égard de ce dernier groupe d'épîtres pauliniennes. Voici maintenant les principaux arguments qu’elle a fait valoir, et les réponses qu’on leur a opposées.

I. La situation historique. — On objecte l’impossibilité absolue de faire entrer nos trois lettres dans la contexture historique de la vie de saint Paul, telle qu’elle résulte des données prises dans les Actes et complétées par les Épitres certaines. Ni la première ni la seconde Épitre à Timothée ni l'Épître à Tite ne peuvent trouver place dans les Actes. Ainsi, en ce qui regarde la I™ à Timothée, aucune des deux hypothèses imaginées à cet effet ne paraît donner satisfaction. Celle qui, par exemple, essaie de dater cette lettre du voyage que Paul fit en Macédoine après son séjour de trois ans à Éphèse, Act., XX, 1, ne s’adapte pas aux circonstances de cette partie de la vie de saint Paul. Mais bien des raisons rendent cette supposition inadmissible. En effet, d’après les Actes eux-mêmes, xix, 22, Timothée avait devancé son maître en Macédoine, où Paul le rejoignit peu après et d’où il écrivit la seconde lettre aux Corinthiens. II Cor., i, 1. De plus, quand Paul quitta Éphèse, après son long séjour de trois ans, il avait l’intention de gagner Jérusalem sans repasser parl’Asie. Act., xiv, 21 ; xx, 1, 3, 16 ; ICor., xvi, 4 ; II Cor., 1, 16. Or, dans cette Épitre, il annonce l’intention de revenir à Éphèse. Imagine-t-on, d’autre part, l’opportunité des recommandations de l’Apôtre s’il ne s’agit, pour Timothée, que de prolonger son séjour de quelques semaines ou même de quelques mois ? Dira-t-on, pour écarter ces objections, qu’il est ici question, I Tim., i, 3, d’un voyage non raconté dans les Actes, voyage que Paul aurait fait durant ses trois ans de séjour à Éphèse ? En soi, il est vrai, cette supposition ne serait pas inadmissible, car les Actes passent sous silence nombre de faits importants dans la biographie de l’Apôtre. Elle aurait même l’avantage, si l’on prolonge l’itinéraire de Paul jusqu’en Crète, de rattacher à cette période de la vie de Paul l'Épitre à Tite. Seulement, le fatal verset I Tim., 1, 3, estlà pour s’opposer à toute idée d’un séjour prolongé à Éphèse, permettant, tout au plus, une courte visite. Au surplus, il ne faut pas multiplier, au delà de toute mesure, les allées et venues de l’Apôtre pendant son séjour dans la métropole d’Asie. Quand on a intercalé, durant cette période, un voyage à Corinthe, pour se mettre d’accord avec la teneur des deux Épitres adressées aux fidèles de cette Église, c’est assez. L’activité de Paul se déploya plutôt du côté de l’Orient et l’on conçoit mal une interruption de ses travaux apostoliques en Asie, pour un autre motif que celui de parer à la situation critique survenue tout à coup à Corinthe. Qu’on ajoute. à ces raisons les différences de style et d’idées qui séparent cette I re Épitre à Timothée, comme les autres pastorales, du cycle des grandes Épitres, le genre d’hérésies dont elle parle, l’organisation de la hiérarchie à Éphèse, toutes choses qui ne conviennent guère au temps de la troisième mission. Avec la deuxième Épitre à Timothée les difficultés sont encore plus grandes. La lettre serait écrite durant la première captivité de Paul à Rome. Or, les traits épars, dans cette Épitre, ne s’accordent pas avec les données fournies par les Actes et les autres épîtres de la captivité. D’après la seconde Épitre à Timothée, en effet, l’Apôtre est en prison, à Rome sans doute (i, 8, 12, 16, 17 ; ii, 9-10), Timothée, à Éphèse. On donne, comme récent, un voyage de saint Paul à travers l’Archipel : à Milet, il a laissé Trophime malade, iv, 20 ; à Troade, il a laissé son manteau et des notes chez Carpus, iv, 13 ; Éraste est resté à Corinthe, iv, 20 : l’Apôtre y a donc fait escale. Puis on donne des indications sur la marche du procès. Tous ces détails ne sauraient concorder avec ce que les Actes disent du voya ge