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TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A)


puis chez Wegscheider (1810), Eichhorn(1812), nom qui caractérise avec assez d’à-propos (surtout pour la I re à Timothée et l’Épitre à Tite) leur objet commun : tracer à Timothée et à Tite les devoirs de leur charge. À elles seules, ces trois Épitres forment un code parfait à l’usage des pasteurs et des dignitaires de l’Eglise, un véritable traité sur l’art de gouverner les communautés chrétiennes. Le Canon de Muratori, voir Canon, t. ii, col. 170, en avait déjà perçu l’utilité pratique quand il les mentionnait avec cette remarque : in honore tamen Ecclesiie catholicse in ordinatione ecclesiasticse disciplinscsanctificatse sunt (lignes 61-62). Lesprincipes du droit public de l’Église se trouvent en germe dans ces écrits et spécialement dans cette première Épitre à Timothée. On y voit le pouvoir souverain émaner, non de l’assemblée des fidèles, mais de l’autorité apostolique transmise par le rite de l’ordination. Épiscopes, prêtres, diacres tiennent leurs fonctions non de la communauté, mais d’une transmission remontant plus ou moins directement aux Apôtres ou à leurs délégués. L’épiscopat apparaît déjà comme le futur héritier des pouvoirs apostoliques, le sommet et le pivot de la hiérarchie. I Tim., m ; Tit., i. À côté de cette esquisse de la constitution de l’Église trouvent place des règles de discipline, on dirait presque de législation canonique. On y trace les devoirs de l’évêque. Il doit être le modèle de ses subordonnés, irrépréhensible aux yeux des fidèles et de ceux du dehors. I Tim., iv, 12 ; Tit., ii, 6-8. Une liste d’irrégularités règle les choix des délégués de l’Apôtre. Tit., I. 7. L’apparition des hérésies et des doctrines d’erreur invite l’auteur à tracer la ligne moyenne de l’orthodoxie et le soin que l’on doit apporter à se préserver des nouveautés dangereuses. ITim., i, 33-10 ; vi, 320. Les fonctions des membres de la hiérarchie sont délimitées et réglementée s : cellesde l’évêque, du diacre, des veuves attachées au service de l’Église. On entre, avec ces détails, dans la vie intime des communautés chrétiennes, telles qu’elles étaient vers la fin de l’âge apostolique. Le livre qui se rapproche le plus, dans son contenu, de ces trois précieuses lettres et qui s’en est le plus largement inspiré, sont les Constitutions apostoliques. On peut aussi en saisir l’influence dans le Ilepi ispw<rûv/)c de saint Jean Chrysostome, le De officiis ministrorum de saint Ambroise et le De pastorali cura de saint Grégoire.

2° Authenticité. — Depuis que la critique rationaliste rejette en bloc les Épitres dites pastorales, on s’est habitué, dans l’autre camp, à les défendre toutes ensemble. Leur sort est, en effet, si étroitement lié qu’on ne saurait les disjoindre. On suivra donc ce plan, réservant néanmoins, à chacune d’elles, les raisons spéciales qu’il y a lieu de faire valoir. Un premier fait à noter c’est qu’au point de vue des témoignages anciens ce groupe de lettres se trouve aussi favorisé que les autres Épitres pauliniennes. À peine deux ou trois voix discordantes dans l’antiquité : encore ces quelques exceptions s’expliquent-elles sans difficulté. L’absence de ces lettres dans l’Apostolicon de Marcion peut venir de ce qu’il a ignoré leur existence, ces écrits n’étant pas adressés à des Églises, peut-être aussi, comme le pense saint Jérôme, en raison de la façon élogieuse dont ces Ëpttres parlent de l’Ancien Testament, de la Loi, des œuvres. Pour le même motif, Basilide et Tatien ne voulaient pas y reconnaître la main de saint Paul. « Je veux parler, écrit saint Jérôme dans sa Préface du Commentaire de l’Épitre de Tite, t. xxvi, col. 555, de Marcion et de Basilide, qui ont retranché des autres Épitres ce qui était contraire à leur dogme, et qui ont même cru pouvoir rejeter quelques Épitres tout entières, à savoir les deux à Timothée, celle aux Hébreux et celle à Tite. Toutefois, Tatien, le patriarche des Éncratites, qui, lui aussi, a rejeté quelques Épitres de Paul, a cru devoir affirmer tout particulièrement la composition de celle

à Tite par l’Apôtre, n’attachait aucun poids à l’opinion de Marcion et de ceux qui sont d’accord avec lui sur ce point. » Sauf ces contradictions intéressées, les Épitres pastorales ont été unanimement admises et fort souvent citées. Leur affinité d’idées, de tournures, d’expressions avec la lettre de Clément de Rome est indéniable. Comparer, à cet effet, Clem., lv, 3 = II Tim., ii, 1 ; Clem., xliii, 1 ; ii, 3 = II Tim., iii, 8 ; Clem., xxxv, 2 ; lv, 6 ; lxi, 2 = 1 Tim., i, 17 ; Clem., xxxvii, 1 = I Tim., i, 18 ; II Tim., ii, 3 ; Clém., i, 1 ; xlvii, 7 = I Tim., vi, 1. Mêmes termes caractéristiques : npooSextov, àitôSextov ; iriaTt ; àyaôr, , XaTpeûe’.v èv xaOapôc <Tvve18r)ffei I tiaiêna, àvaÇtomipecv, àytoY^itKjTwBsîç, etc. ; même ordre d’idées, Clem., ii, 1 = I Tim., vi, 8 ; Clem., i, 3, xliv, 4— ITim., v, 17 ; Clem., xlii, 4 = I Tim., iii, 10 ; Clem., liv, 3 = 1 Tim., iii, 13 ; Clem., i, 3 — I Tim., ii, 9 ; Tite, ii, 4 ; Clem., xxix, 1 = ITim., ii, 8 ; Clem., ii, 2 ; xxxii, 3 = II Tim., i, 9 ; Tite, iii, 5-7 ; Clem., ii, 7 = Tite, iii, 1 ; Clem., lxi, 1 = Tite, iii, 1 ; I Tim., Il, 2. L’Épître à Barnabe offre, à son tour, plusieurs points de contact : v, 6, xaTapyeïv ibvBàvaTov, détruire lamort, semble venir de II Tim., i, 10 ; IV, 6, âm<7(ûps’jeivte< ; taï ; àfjuxpuat ; , accumulant les péchés, de II Tim., iii, 6 ; çavepto6r|vai èv aâpxi, être manifesté en chair, de ITim., iii, 16 ; surtout, xiv, 6, XuTpaxjâjxevov tj^lcIç èx toO <jx6touç lioinàjou êauTûJ Xaôv âyiov, nous ayant rachetés des ténèbres pour se préparer un peuple saint, de Tite, ii, 14. Point d’allusions dans la Didaché ni dans le Pasteur d’Hermas, mais, en revanche, de frappantes analogies avec les lettres de saint Ignace et de saint Polycarpe (pour le détail, voir Texte und Untersuchungen, XII, iii, p. 107-118, 186194) telles que avaÇo)Trjp£Îv, àva’Vj’/^î £T£po318a<r/.aXsrv, xaTâdTV]fia, le Christ appelé-q èXm’î ï][j.à)v. Lettre de saint Ignace ad Tull., ad Magn., 8 ; ad Polyc, 3 t. v, col. 543 sq.). Dans l’Épitre de Polycarpe, IV, v, viii, IX, xii, les recommandations aux veuves, aux diacres, aux presbytres sont à peu près toutes tirées des Pastorales. Von Soden reconnaît qu’à partir d’Ignace et de Polycarpe, la priorité littéraire, douteuse pour Clément et l’Épitre à Barnabe, appartient certainement aux Pastorales. Saint Justin a textuellement emprunté une phrase de l’Épitre à Tite, iii, 4, quand il dit, Dial., c. xlvii, t. vi, col. 575 : « Car la bonté et la philanthropie de Dieu envers les hommes… » Une influence de I Tim., iii, 16, se remarque aussi dans ce passage de YEpître à Diognète, c. v, t. ii, col. 1173 : Prêché par les Apôtres, il a été cru par les païens. On rencontre de semblables emprunts dans Hégésippe, Eusèbe, H.E., III, xxxii, t. xx, col. 284, dans la II a Clementis, chez Athénagore, Théophile, la Lettre des Eglises de Vienne et de Lyon, t. v, col. 1401 ; Eusèbe, H. E., v, 1, t. xx, col. 407 ; le Testament des douze Patriarches, t. ix, col. 1025. Enfin l’insertion de ces lettres dans les versions syriaque et latine ainsi que leur mention dans le Canon de Muratori prouvent qu’elles faisaient partie, dès le spcond siècle, du canon des Églises de Syrie et d’Occident. D’autre part, saint Irénée, Adv. hser., II, xiv, 7 ; IV, xvi, 3 ; III, xiv, 1, t. vii, col. 755, 914, 1017 ; Tertullien, De presser., c. vi, xxv, t. ii, col. 18, 37 ; Clément d’Alexandrie, Strom., II, xi, t. viii, col. 990, les attribuent formellement à saint Paul. En résumé, ces trois Kpitres offrent, du côté des preuves de tradition, autant de garanties que celles dont on ne songe pas à contester l’authenticité. Pourtant, la majorité des critiques la leur refuse encore à cause d’arguments internes dont on discutera plus loin la valeur. Les premiers doutes remontent à Schleiermacher, qui, à propos d& quelques objections de J. E. B. Schmidt sur l’authenticité de la 1° à Timothée, se mit à faire ressortir le manque de liaison des idées, les tournures de style étrangères à Paul, la

j difficulté de situer cet écrit dans la vie de l’Apôtre.’Ueber den sog. erslen Brief des Paulen an den Tim.,