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nouvelle ville, et pour ne pas exposer les habitants aux impuretés légales que pouvait leur faire contracter la présence de ces tombeaux. Cette circonstance éloigna d’abord les Juifs de la cité naissante. « Elle fut peuplée d’abord, dit Josèphe, Ant, jud., XVIII, ii, 3, au moyen de toutes sortes d’étrangers et aussi d’un grand nombre de Galiléens. Beaucoup d’habitants de la contrée appartenant à Hérode y furent également transplantés de force. Parmi ceux-ci, quelques-uns étaient revêtus de dignités. Mais il admit pareillement avec eux un ramassis de pauvres et même de gens dont la condition libre n’était pas suffisamment établie. Il leur accorda des immunités et les combla de bienfaits. Il leur fit construire des maisons à ses frais et leur donna des terres, à la condition de ne jamais quitter Tibériade, car il savait qu’il répugnait aux Juifs d’habiter cette ville, parce qu’on avait dû enlever beaucoup de tombeaux sur l’emplacement où on la bâtit, ce qui, d’après nos lois, rendait ceux qui devaient l’occuper impurs pendant sept jours. » Cette répugnance ne persévéra pas et, dans la suite, elle devint pour les Juifs une ville privilégiée. Hérode Antipas l’embellit avec soin et y résida lui-même dans un palais, qu’il orna de représentations animées, contrairement à la loi mosaïque, et qui fut livré plus tard aux flammes. Josèphe, Vita, 12. —Au moment de la révolte contre la domination romaine, Tibériade ouvrit ses portes à Vespasien. Les Juifs, après la ruine de Jérusalem, obtinrent l’autorisation d’y résider et reçurent même certains privilèges, ayant seuls le droit d’habiter la ville, à l’exclusion des païens, des Samaritains et des chrétiens. Le grand sanhédrin, après avoir séjourné quelque temps à Jamnia, puis à Sepphoris, s’établit à Tibériade, et il s’y fonda une école talmudique célèbre, qui fut illustrée par plusieurs rabbins de grande réputation. C’est là que fut rédigée la Mischna du Talmud de Jérusalem et élaborée la Massore. Le rabbin qui aida saint Jérôme à traduire les Paralipomènes était de Tibériade. Pair, lat., Vita, ix, 3, t. xxii, col. 30.

2° Notre-Seigueur n’entra jamais à Tibériade ; du moins les Évangiles ne le disent pas. Une grande partie de sa vie publique se passa à l’extrémité septentrionale du lac et il le traversa souvent, mais c’est à peine si la ville est nommée trois fois dans saint Jean, vi, 1, 23 ; xxi, 1, deux fois, non à cause d’elle-même, mais comme donnant son nom au lac, et une fois, xvi, 23, ponr marquer l’endroit d’où sont parties les barques qui arrivent près du lieu où s’est opéré le miracle de la multiplication des pains. Les autres Évangélistes désignent le lac sous le nom de mer de Génésareth ou mer de Galilée. Voir Tibériade (Lac de) 2. On s’est demandé pourquoi le Sauveur avait ainsi évité la ville de Tibériade. C’est sans doute parce qu’elle était considérée comme impure par les Juifs fidèles et aussi parce qu’elle était le séjour ordinaire d’Hérode, le meurtrier de saint Jean-Baptiste. Saint Luc, xxiii, 8, nous apprend que ce roi, malgré son désir, n’avait jamais vu Jésus, avant que Pilate le lui eût envoyé.

2. TIBÉRIADE (LAC OK) (grec : r, MAtmn ttjc T16tptâîoç), lac de Palestine. Saint Jean, xxi, 1 ; cf. vi, 1, est le seul écrivain sacré qui ait désigné ce lac, ou, comme il l’appelle, cette « mer », sous le nom de Tibériade, sans doute parce que, écrivant loin de la . Palestine, ce nom était plus familier que le nom indigène à ceux qui n’habitaient pas la Terre Sainte, à l’époqne où il écrivait. Saint Luc l’appelle « lac », luv rewïjaapift, v, 1, 2 ; cf. vni, 23, tandis que tous les autres auteurs sacrés le désignent par l’appellation sémitique de « mer ». Voir Lac, t. iv, col. 7. Il est aussi le seul qui le nomme « de Génésareth ». L’auteur de I Mach., xi, 67, emploie la dénomination analogue xo û$up rtvvrpâç, aqua Genesar. Saint Matthieu, iv, 18 ; saint Marc, vii, 31 ; cf. Joa., vi, i, l’appellent « mer

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de Galilée ». Dans les Nombres, xxxiv, 11, et Josu é, xiii, 27, c’est « la mer de Cènéreth » ou « de Cénéroth « . Jos., xii, 3. Voir Cènéreth 2, t. ii, col. 420.

1° Description. — Le lac de Tibdriade (voir carte, t. iii, col. 88) forme un ovale long de 21 kilomètres du nord au sud et large de 9 kilomètres et demi. L’extrémité nord est un peu plus arrondie que celle du sud. Son niveau est de 212 mètres au-dessous de la Méditerranée. En hiver et au printemps, les pluies peuvent le faire élever de plus de deux mètres. Le bassin du lac paraît avoir été formé par la rupture nord-sud qui s’est produite dans les couches crétacées formant les montagnes environnantes, au moment où se sont soulevés les filons de basalte de la rive occidentale et les masses volcaniques du Ojolan, vers la fin de l’époque tertiaire. Vu des hauteurs qui le dominent en venant de Nazareth, le lac apparaît scintillant au soleil comme une immense coupe d’argent liquide ; vue de près, l’eau du lac est ordinairement d’un beau bleu. Pendant les orages, qui n’y sont pas très rares et sont fort dangereux, l’eau prend une couleur violet foncé. Le soir elle reflète le bleu du ciel et a l’éclat du saphir. La profondeur du lac est en moyenne de 50 à 70 mètres ; à l’entrée du lac, on voit les indigènes passer à pied d’une rive à l’autre, à la barre qui s’est produite à la rencontre des eaux du fleuve avec celles du lac. Vers le milieu du grand bassin nord, la profondeur est de plus de 250 mètres. On ne trouve dans le fond ni algues ni conferves, mais un grand nombre de diatomées. Les poissons y abondent et servent à l’alimentation des gens de Tibériade, et même de Nazareth, où on les transporte, surtout au moment des pèlerinages. On les prend surtout à l’épervier, à l’embouchure du Jourdain, au nord du lac, et à Ain Tabagha, à l’endroit où le Ain se jette dans le lac, d’après le témoignage des indigènes qui jettent là leurs filets pour faire jouir les pèlerins du spectacle. Le lac est si peuplé qu’on y prend fréquemment des poissons par milliers. Quelques-uns sont très remarquables, comme le Clarias macracanthus qui se traîne comme un serpent, le Chromi » Simonis, ou poisson de saint Pierre. Voir Poisson, fig. 113, 114, col. 486, 497. « c L’eau du lac de Tibériade est désagréable À boire a cause de son odeur marécageuse ; elle est fade, quoiqu’elle laisse cependant dans la gorge un arrière-goût légèrement saumâtre. » L. Lortet, La Syrie, p. 512.

2 « Le lac de Tibériade dan » l’Écriture, — Il occupe peu de place dans l’Ancien Testament, où il n’est guère nommé qu’en passant, pour marquer une limite, Num., xxxiv, 11 ; Jos., xii, 3 ; xiii, 27, et l’endroit où campa une fois Jonathas Machabée. I Mach., xi, 67. Mais l’Évangile lui a donné un reiletde gloire incomparable : c’est le lac de Noire-Seigneur, le lac qu’il a sillonné bien des fois avec ses Apôtres, où il semble qu’on le voit encore, comme un reste de lui-même, qu’il nous a laissé, relique précieuse, après son ascension. C’est là qu’il a travaillé à la formation et a l’instruction de ses disciples, c’est là qu’il a opéré des miracles et calmé d’un mot ses dangereux orages qui soufflent avec violence des gorges occidentales d’Arbèle et soulèvent les flots avec fureur. Matlh., viii, 24 ; xiv, 24 ; Marc, iv, 37 ; vi, 48 ; Luc, viii, 23 ; Jm., vi, 18. Wilson, Recovery of Jérusalem, in-8 4, Londres, 1871, p. 340, décrit ainsi une de ces tempêtes : « Des tempêtes soudaines, comme celles mentionnées dans le Nouveau Testament, ne sont pas rares. J’eus une excellente occasion d’observer l’une d’entre elles, des ruines de Gamala, sur les collines orientales. La matinée était délicieuse ; une brise agréable soufflait de l’est ; pas le moindre nuage dans le ciel ne faisait prévoir ce qui allait arriver. Soudain, vers midi, éclata un coup de tonnerre lointain, et un petit nuage, « pas plus grand « qu’une main d’homme, » se leva sur les hauteurs de Lubiéh à l’occident. En très peu de temps, le nuage

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