Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/110

Cette page n’a pas encore été corrigée
211
212
PHARISIENS


lement contraire à la théocratie judaïque et aux privilèges d’Israël, épiaient toutes les occasions de révolte et comptaient parmi les zélotes les plus ardents. On vit ces deux tendances rivales se manifester lors de l’avènement d’Hérode et au moment du grand soulèvement national de l’an 66 de notre ère.

V. Les pharisiens et l'Évangile. — 1° Prélude aux hostilités entre Jésus et les pharisiens. — A) Saint Jean-Baptiste. — Jaloux de conserver leur influence, les pharisiens étaient les ennemis-nés de quiconque gagnait l’estime ou les sympathies du peuple. Leur attitude à l'égard du Baptiste fut une sourde défiance et peut-être une hostilité déclarée. Pendant que toutes les classes de la société accouraient en masse au Jourdain pour y recevoir le baptême du Précurseur, les pharisiens et les sadducéens s’y rendaient aussi, mais pour l'épier et le prendre en faute. C’est du moins l’impression laissée par le récit de saint Matthieu rapportant les paroles sévères que leur adresse Notre-Seigneur, iii, 7 : « Race de vipères, qui vous a enseigné à fuir la colère imminente ? Faites donc de dignes fruits de pénitence. » Dans saint Luc, iii, 7, ces paroles sont adressées à la foule en général ; mais le premier Évangile nous montre qu’elles visaient principalement les pharisiens et les sadducéens. Nous ne voyons pas cependant qu’ils aient trempé dans le complot contre la vie du Baptiste : les rancunes d’Hérode Antipas et la haine d’Hérodiade prévinrent leur vengeance.

B) Origine du conflit entre Jésus et des pharisiens. -r Le solennel témoignage que Jean rendit à Jésus dut rendre celui-ci suspect aux pharisiens ; mais il n'était pas besoin de cela pour exciter leur antipathie. Ils ne pouvaient manquer de s’apercevoir que la popularité du nouveau thaumaturge amoindrissait leur influence et que sa doctrine était le contrepied de leur enseignement. Le discours sur la montagne contient déjà la condamnation de leur formalisme, v, 20 : « Je vous le dis, si votre justice n’est pas plus abondante que celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. » L’autorité avec laquelle Jésus enseignait faisait l’admiration des foules qui ne pouvaient s’empêcher de la mettre en contraste avec la manière sournoise et embarrassée des scribes et des pharisiens. Matth., vii, 18-29 ; cf. Marc, i, 22. Ceux-ci avaient dû remarquer dans tout le Sermon sur la montagne, en particulier dans le parallèle entre l’ancienne et la nouvelle loi, Matth., v, 17-48, un antagonisme latent dirigé contre eux, et la déclaration de Jésus qu’il n'était pas venu abolir la loi mais l’accomplir ou la compléter, n'était pas faite pour les rassurer. Le conflit, désormais inévitable, éclata à l’occasion de la guérison du paralytique. Avant de lui rendre la santé du corps, Jésus lui avait dit : « Mon fils, tes péchés te sont remis. » Et les pharisiens présents de s'écrier aussitôt : « Celui-là blasphème : qui peut remettre les péchés si ce n’est Dieu seul ? » À la vérité, saint Matthieu, vin, 3, et saint Marc, ii, 6, ne mentionnent en cet endroit que les scribes, mais saint Luc nomme expressément les scribes et les pharisiens, v, 21, ou ce qui est pour lui la même chose les pharisiens et les docteurs de la loi (vo[Ao818â<Tx « Xo0t et il ajoute qu’ils étaient venus de la Galilée, de la Judée et de Jérusalem, v, 17, sans aucun doute dans des vues malveillantes.

2° Lutte ouverte entre Jésus et les pharisiens. — A) Les griefs des pharisiens. — Les trois griefs principaux sont rapportés par les Synoptiques dans le même ordre et rattachés aux mêmes circonstances extérieures ; mais comme saint Matthieu intercale, entre les deux derniers, divers événements, il n’est pas sûr que les Évangélistes entendent marquer une succession chronologique. — a) Premier grief : rémission des péchés. La guérison du paralytique amena le premier conflit entre Jésus et les pharisiens. Quand Jésus dit à l’infirme :

n Confiance, mon fils, tes péchés te sont remis, » ils s'écrièrent : « Celui-là blasphème ! » et le miracle fait incontinent par le Sauveur ne leur dessilla point les yeux. Matth., ix, 1-8 ; Marc, ii, 1-12 ; Luc, v, 11-26. Saint Matthieu et saint Marc attribuent cette réflexion aux scribes ; -saint Luc, aux scribes et aux pharisiens : la variante est sans importance. — 6) Deuxième grief : fréquentation des pécheurs. Peu de temps après, Jésus et ses disciples assistaient au festin donné par saint Matthieu récemment converti. Les pharisiens se scandalisèrent de les voir en compagnie de païens et de publicains ; mais Jésus leur ferma la bouche par ces paroles : « Ce ne sont pas les hommes. bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades… Je suis venuappeler les pécheurs (à la pénitence) et non pas les justes. » Matth., ix, 9-13 ; Marc, ii, 13-17 ; Luc, v, 27-32. Ici saint Matthieu ne nomme pas les pharisiens ; les deux autres Synoptiques nomment les pharisiens et les scribes. Dans la même occasion, on fit un grief à Jésus de ne pas jeûner, lui et ses disciples. Saint Matthieu, il est vrai, ix, 14, attribue ce reproche aux disciples de Jean-Baptiste ; mais la manière dont le grief est formulé montre que ces disciples de Jean-Baptiste étaient de connivence avec les pharisiens ou qu’ils étaient pharisiens eux-mêmes. En effet, Marc, ii, 18, et Luc, v, 33, mentionnent expressément les pharisiens. — c) Troisième grief : violation du sabbat. Il est très vraisemblable que les pharisiens, si pointilleux sur l’observation exacte du sabbat, incriminèrent souvent la conduite de Jésus. Les Synoptiques rapportent à ce sujet deux faits caractéristiques, qu’ils racontent dans le même ordre et à peu près dans les mêmes termes. Un jour de sabbat, les disciples traversant un champ de blé presque mûr arrachaient quelques épis pour apaiser leur faim et les mangeaient après les avoir broyés dans leurs doigts. Aussitôt les pharisiens de crier à la violation du repos sabbatique. Ils ne se scandalisent pas de voir les disciples cueillir quelques épis dans un champ étranger — car l’usage et la Loi elle-même le permettaient — mais de les voir préparer leur nourriture un jour de sabbat, contrairement à leur absurde interprétation de la Loi. Jésus leur répond qu’ils ne comprennent rien à l’esprit de la législation : Miseric’ordiam volo et non sacriflcium ; que la Loi n’est pas faite pour les cas de nécessité, comme le prouve l’exemple de David consommant les pains de proposition ; que d’ailleurs le Fils de l’Homme est maître du sabbat et peut en dispenser qui il veut. Matth., xii, l-8 ; Marc, ii, 23-28 ; Luc, , vi, .l-6. — L’autre fait met encore plus en relief l’aveugle prévention des pharisiens. Jésus allait guérir un paralytique : il lui suffisait pour cela d’une parole et d’un acte de volonté. Or, les pharisiens s’indignaient d’avance de cette prétendue violation du sabbat. Le Sauveur les confond en leur rappelant qu’ils n’hésitent pas eux-mêmes à relever une brebis tombée dans un fossé. Combien plus est-il permis de soulager un malheureux. Matth., xii, 9-14 ; Marc, iii, 1-6 ; Luc, vi, 6-11.

B) Les embûches des pharisiens. — Plusieurs fois les pharisiens, soit seuls soit unisaux sadducéens, essayèrent de prendre Jésus en défaut et de le faire tomber dans un piège. Après le miracle de la multiplication des sept pains, ils lui demandent « un signe dû ciel ». Marc et Matthieu notent expressément que c'était pour le « tenter ». Marc, viii, 11 (îtsipdtïovTeî aîiriv) ; Matth., xvi, 1. Jésus, qui accomplissait sous leurs yeux prodige sur prodige, refusa de satisfaire leur curiosité malveillante et mit aussitôt en garde ses disciples contre « le levain des pharisiens et d’Hérode », comme parle Marc, vin, 15, ou contre « le levain des pharisiens et des sadducéens », comme s’exprime Matthieu, xvi, 6, ce qui montre que les ennemis du Sauveur s'étaient déjà coalisés. Ils espéraient, si Jésus ne faisait pas droit à