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PHARISIENS


nouveau, celui d’avoir ajouté à la qualité de pontife le titre de roi que Jean Hyrcan n’avait pas osé prendre. A la mort d’Alexandre Jannée, les pharisiens rentrèrent en faveur. Ici encore il fout, dans le récit de Josèphe, faire la j>art de la légende. Sur le conseil du monarque expirant, sa femme Alexandra se serait livrée aux mains des pharisiens, leur permettant de réparer à leur gré les injustices de son mari, sans épargner sa mémoire ni même son cadavre. Touchés de ces avances, les pharisiens auraient accordé au roi défunt de magnifiques funérailles et pris sous leur protection ses deux enfants Aristobule et Hyrcan qui lui succédaient, celui-ci comme roi, celui-là comme pontife. Ant. jud., XIII, xv, 5 ; xvi, 2 ; Bell, jud., i, v, 1-2. Mais les pharisiens, abusant de leur pouvoir, tirèrent une terrible vengeance de tous ceux dont Alexandre Jannée s'était servi pour les persécuter. Les massacres et les exils arbitraires leur aliénèrent bientôt lescœurs et furent pour beaucoup dans la révolution qui fit passer le sceptre des mains d’Hyrcan II à celles d’Aristobule et qui amenèrent, avec l’intervention de Pompée, la perte de l’autonomie juive. Dans les temps troublés qui suivirent on n’entend plus parler des pharisiens. Ils rentrent en scène à l’avènement d’Hérode auquel six mille d’entre eux refusent le serment de fidélité. Frappés d’une forte amende et plusieurs même punis de mort, ils restent en défaveur durant tout ce règne ; mais leur crédit auprès du peuple n’en devenait que plus grand. Ant. jud., XVII, ii, 4. À partir d’ici les pharisiens, grâce au Nouveau Testament et au Talmnd, apparaissent en pleine lumière historique ; mais toute' la période précédente est fort obscure, parce que les pharisiens, qui par leurs scribes et leurs légistes se trouvaient maîtres de la littérature, ont enseveli dans un silence systématique la dynastie des Asmonéens. Judas Machabée lui-même est à peine nommé dans le Talmud et l’on ne fait exception que pour le chef de la famille Matathias. Voir Gaster, The Scroll of the Hasmonseans (Megillath Bene Hashmunai), dans Transactions of the ninth internat. Congress of Orienlalists, t. ii, Londres, 1893, p. 3-32.

IV. Doctrines des pharisiens. — 1° Les pharisiens et les traditions. — Les pharisiens, dit Josèphe, se faisaient remarquer par leur exacte interprétation de la Loi, Bell, jud., II, viii, 14 : oî (ircà àypiëei’a ? Boxoîvxeç é$7|Ysï<T6a ! zk vô ; j.t|xa. Cf. Yita, 38 ; Ant. jud., XVII, II, 4. Nous le savions déjà par saint Paul qui s’exprime presque dans les mêmes termes. Act., xxii, 3 ; Xxvi, 5 ; Php., iii, 5. Mais ce qui les distinguait des sadducéens, c'était l’admission de la tradition orale qui interprétait et au besoin complétait la Loi, tandis que les sadducéens, en principe du moins, refusaient de rien reconnaître en dehors de la Loi écrite. Josèphe, Ant. jud., XIII, X, 6 : Notifia tsvoi TrapéBoaav tw frrîu.fj> ot « tapiuafoi èx naTÉptov SiaBovJjç, âitep oùx âvaY^YP*' nTOt ' lt toîç MwuTÉwç v(S|i.oi(. Les Évangélistes mettent aussi en relief ce caractère des pharisiens. Matth, , XV, 2 ; Marc, vir, 3. Le Talmud va jusqu'à dire qu’on est moins coupable en allant contre la Thora qu’en rejetant les prescriptions des scribes. Sanhédrin, XI, 3 ; cf. Abolh, m, 11 ; v, 8. Repousser ces traditions c'était rompre ouvertement avec les pharisiens. Ant. jud., XIII, Xvi. 2. Geiger, Sadducàer und Pharisàer, dans Jud. Zeilschrift, t. ii, 1863, est donc bien mal inspiré lorsqu’il prétend que le pharisaïsme était l’image anticipée du protestantisme. — Les traditions se divisaient en traditions juridiques (Halacha) et en traditions historiques (llagada). Voir Midrasch, t. iv, col. 1078-1079. Sur les unes et sur les autres on peut consulter Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes, 3e édit., t. iii, 1898, p. 330350. Pour constater à quelles minuties puériles descendait la casuistique des pharisiens, il n’y a qu'à parcourir l’ouvrage de J. de.Pauly et Neviasky, Rituel du judaïsme,

Orléans, 1898-1901, surtout fasc. vi : Des aliments préparés par un païen. De la vaisselle d’un païen.

2° Les pharisiens et la théologie. — Les pharisiens et les sadducéens étaient en désaccord sur trois points principaux : l’immortalité de l'âme, la résurrection des justes et le libre arbitre. — A) L’immortalité de l'âme. — Les sadducéens étaient matérialistes : ils n’admettaient ni anges, ni esprits. Act., xxiii, 8. Ils affirmaient que l'âme périt avec le corps. Josèphe, Bell, jud., II, vin, 14 ; Ant. jud., XVIII, i, 4 : SaSôouxaîoiç toç ipuxàç 6 Xriyo ; ouvafœvsïs ! toi ; ow|jiaTtv. Les pharisiens au contraire étaient spiritualistes : ils admettaient la survivance des âmes, celles des méchants comme celles des bons. Josèphe, Ant. jud., XVIII, i, 3 : 'AOàvarov îa-xùv zaXi <|'U)C a 'C otttc ; aÙTOÏç sïvai. — B) La résurrection des justes. — Il est évident que pour les sadducéens il ne pouvait être question de résurrection, puisque l'âme ne survivait pas. Matth., xxii, 23 ; Marc, su, 18, Luc, XX, 27 ; Act., xxiii, 8. Les pharisiens, de leur côté, enseignaient bien que les méchants sont punis dans l’autre monde, mais ils réservaient aux justes seuls le privilège de la résurrection. Josèphe exprime cela en termes qui rappellent la métempsychose des platoniciens (mais non pas celle des pythagoriciens), Bell, jud., II, Vin, 14 : 'J^CT 7 t5°*v nèv ctçOapTov (leTaêatveiv SI sïî ÊTepov aw(i.x ttjv ifaHCiv p.ôvr)V, zhç & xwv çaiXwv iï'Siui Tijxwpi’a xoXàÇsaôai. Mais ce texte est mis en lumière par le rapprochement de Ant. jud., XVIII, i, 3, qui présente le dogme de la résurrection sous un jour orthodoxe, le seul qui cadrât avec les idées juives. — C) Le libre arbitre. — Ici la description de Josèphe est des plus confuses, parce qu’il revêt les concepts sémitiques d’une terminologie hellénique. À l’en croire, les esséniens auraient fait tout dépendre du destin ; les sadducéens, tout rapporté au libre arbitre ; les pharisiens, partie au libre arbitre et partie au destin, Ant. jud-, XIII, V, 9 : Tivà xat où navra ttiç d[iapiiévï)ç spyov eïvai XéYouotv Tivà 6'ètp' Ioutoî-ç iicapxeiv aujiëaiveiv ts xoù (jlti yivca-Sat. Sans même parler de ce schématisme suspect, la notion du destin est tellement contraire aux idées sémitiques qu’il est difficile de deviner ce que Josèphe a voulu dire. Peut-être se rapprocherait-on de la vérité en remplaçant le destin par la grâce et le secours de Dieu ou encore par la providence et la prédestination. Que tel soit bien le sens, le passage suivant le prouve, Bell, jud., II, viii, 14 : sinap|jilvT) xe xal Weôi irpouànToycn TcavTJt, xal tô ^èv 7rpaTre[v rot ôt’xata xa ^tj *arà zh jtXsïïxov éiti zoXç àvpOwiroiç X£îa6at, (HotiBeïv Bè elç É'xaaxov xal t^v stjj.apjvlvi’iv. D’après cela, les esséniens auraient été fatalistes ou mieux prédestinationistes, les sadducéens auraient été rationalistes et précurseurs de Pelage, les pharisiens auraient tenu le juste milieu et sauvegardé le libre arbitre de l’homme tout en reconnaissant la nécessité du concours divin. Mais, encore une fois, il convient de se défier de ce schématisme.

3° Les pharisiens et la politique. — Aux yeux des pharisiens la religion primait tout : aussi ne furent-ils jamais, à proprement parler, un parti politique. Les assidéens, leurs ancêtres, s'étaient ralliés aux Machabées aussi longtemps que l’indépendance de la patrie fut une condition essentielle de la liberté religieuse. Ce résultat obtenu, ils se retirèrent peu à peu de la lutte et ne suivirent jamais les Asmonéens dans leurs visées ambitieuses de domination et d’agrandissement. Il n’est pourtant pas tout à fait exact de dire que les pharisiens, par principe et comme parti religieux, faisaient abstraction de la politique. Il y eut toujours parmi eux deux courants opposés : les uns acceptaient le fait accompli et se soumettaient à la domination étrangère, comme à un châtiment divin, aussi longtemps que la liberté religieuse leur était accordée, n’attendant un sort meilleur que d’un événement providentiel ; les autres, regardant le joug de l'étranger comme essentiel-