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TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT

de quelques-unes des grandes interpolations des Évangiles, telles que le récit de la femme adultère, la descente de l’ange à la piscine probatique, la sueur de sang, a été démontrée, t. iii, col. 1173-1182 ; t. iv, col. 386-391. Ce texte se caractérise, en outre, par des omissions, dont les unes sont propres aux versions syriaques et les autres aux versions latines, et par l’harmonisation des passages parallèles sous l’influence de Tatien, ou à son imitation.

Cependant, au sentiment de Hort et Westcott, en même temps que le texte occidental, qui était altéré, existait en diverses régions, notamment à Alexandrie, un texte plus pur, que ces critiques ont nommé « neutre », parce qu’il ne représente aucune tendance, et qu’ils retrouvaient principalement, quoique mêlé à d’autres leçons, dans les manuscrits du IVe siècle, le Vaticanus et le Sinaiticus. The New Testament in the original Greek, Introduction, p. 126-130, 169-172. De cette sorte, le texte grec du Nouveau Testament, répandu au IIe et au IIIe siècle, n’était pas partout un texte altéré ; il s’était conservé, dans certains milieux, dans une pureté, relative sans doute, mais assez rapprochée de l’original.

M. von Soden donne aux mêmes faits constatés une autre interprétation, qui aboutit à une conclusion analogue, mais plus conservatrice, sur l’état de conservation du texte grec du Nouveau Testament en usage dans l’Église aux IIe et IIIe siècles. Tous les documents de cette époque nous livrent un texte que ce critique désigne par le siglel-H-K, parce qu’il a précédé les trois recensions, I, ii, K, faites, selon lui, à la fin du me ou au commencement du IVe siècle, sur ce texte antérieur, et parce qu’il leur a servi de fond commun, en sorte qu’on le retrouve partiellement dans les leçons communes à ces trois recensions, ou aux deux meilleures, I et H. Toutefois ce texte n’existe pas également pur dans tous les documents de l’époque. Beaucoup d’entre eux présentent, à des degrés divers, des leçons différentes, qui consistent, pour la plupart, dans les Évangiles surtout, en variantes provenant du mélange des passages parallèles. Elles apparaissent soudain dans saint Irénée et dans Clément d’Alexandrie ; elles se remarquent dans les anciennes versions latines et syriennes : rares dans la version africaine, plus nombreuses dans la traduction dite européenne, et par suite, dans l’italienne, qui n’en est qu’une retouche, et en quantité bien plus grande dans la vieille version syriaque, représentée par les textes sinaïtique et curetonien. Or, selon M. von Soden, le Diatessaron de Tatien, primitivement fait en grec en Occident, puis traduit en syriaque, est l’unique source des leçons des Évangiles, divergentes de texte I-H-K. L’influence de Tatien se fait remarquer aussi, au sujet des Évangiles, dans Origène et dans les Pères égyptiens du IIIe siècle. Ses leçons propres, qui sont secondaires et ajoutées au texte original, pénétreront ainsi en plus ou moins grand nombre dans les recensions du IVe siècle, surtout directement dans K ou la Kοινή, ou du moins dans certains manuscrits de ces recensions. Op. cit., t. i, p. 1359-1648. Ainsi donc ce critique n’admet pas l’existence du texte dit occidental et il explique les leçons qu’on lui attribue par l’influence néfaste de Tatien qui avait, dans son Diatessaron, combiné les particularités des quatre récits évangéliques pour en former une narration unique de la vie de Notre-Seigneur. Tatien, et lui seul, serait responsable des altérations qui ont pénétré au IIe et au IIIe siècle dans le texte original des Évangiles et ont persévéré plus tard dans la recension E et dans des manuscrits de I et de H.

Il faudrait en dire autant des additions, nombreuses et importantes, faites au texte des Actes des Apôtres. Elles ne se trouvaient pas dans le texte I-H-K. Plusieurs ont été produites par la combinaison des passages parallèles. D’autres sont de pures additions, soit qu’elles ne modifient pas le contenu du livre, soit qu’elles en changent la teneur. Il n’y a pas de preuves convaincantes qu’elles existaient toutes au IIIe siècle, et elles ne sont pas toutes également attestées. Elles proviennent cependant de la même source, qui aurait toutefois été exploitée avec plus ou moins de zèle. C’est une source grecque antérieure à saint Irénée, à Tertullien et à saint Cyprien ; elle a été répandue en Orient, surtout en Syrie, aussi bien qu’en Occident. Il y a des leçons qui ne sont que des corrections de style et qui aboutissent à rendre le texte plus souple et plus coulant. Elles n’appartiennent pas à l’original et à une première édition, comme l’avait prétendu Blass. On ne s’explique pas les omissions. Les additions témoignent que le texte de I-H-K a été retouché, surtout au point de vue du style ; elles sont donc des éléments secondaires, étrangers au texte primitif. Or, Eusèbe, H. E., iv, 29, t. xx, col. 401, rapporte que Tatien avait corrigé quelques phrases de l’apôtre pour les rendre plus élégantes ; mais la version syriaque de l’Histoire ecclésiastique dit « des Apôtres ». E. Nestlé, Die Kirchengeschichte des Eusebius aus dem Syrischen übersetzt, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1901, t. xxi, fasc. 2, p. 163. D’autre part, on ne voit aucune trace de ce genre de travail dans les Épîtres de saint Paul. M. von Soden émet, à titre d’hypothèse, que Tatien aurait fait pour les Actes des apôtres une correction de style. Quel qu’en soit l’auteur, cette correction est l’œuvre d’un rhéteur, et c’est d’elle que proviendrait le texte que Hort et Westcott ont nommé « occidental ». Op. cit., t. i, p. 1772-1840, surtout p. 1822-1836.

Pour les autres livres du Nouveau Testament, à savoir les Épîtres catholiques, les Épîtres de saint Paul et l’Apocalypse, le texte I-H-K du IIe et du IIIe siècle, qui se retrouve dans le fond commun des recensions du IVe siècle, n’a pas été altéré par des additions de même nature que celles qui avaient pénétré dans les Évangiles et les Actes, lbid., p. 1887-1898, 1962-2007, 2075-2084.

En tout état de cause, le texte original du Nouveau Testament se serait donc transmis dans une grande pureté, en un certain nombre de documents, quoiqu’il ait été contaminé en d’autres, par des altérations assez notables, spécialement pour les Évangiles et les Actes. Ce second état constaté a amené des essais de correction et a donné occasion à l’établissement de diverses recensions du Nouveau Testament grec.

Corrections ou recensions faites au IIIe et au IVe siècle.

— 1. Part qu’Origène aurait eue à ce travail. — Le rôle d’Origène dans la transmission du texte du Nouveau Testament a été diversement expliqué et apprécié. En 1808, Hug soutenait qu’il y avait eu, avant saint Lucien et Hésychius, une première recension du texte grec des Évangiles, au moins, faite à Césarée par Eusèbe et Pamphile sur les travaux d’Origène. Einleitung in die Schriften des Neuen Testaments, 4e édit., Stuttgart et Tubingue, 1847, t. i, p. 191-204. Griesbach refusa d’accepter cette opinion et déclara que la forme du texte, que cette recension était censée représenter, ne datait que du Ve ou du VIe siècle. Eichhorn rejeta aussi la recension d’Origène en 1827, et plus tard, Tischendorf dit qu’elle n’avait existé que dans l’imagination de Hug. Pour Hort et Westcott, le texte d’Origène était un texte mélangé de leçons neutres et de leçons qui entreront plus tard dans le texte alexandrin. L’abbé Paulin Martin, qui n’admettait pas non plus qu’Origène ait fait une recension du texte grec des Évangiles, Introduction à la critique textuelle du Nouveau Testament, Partie pratique (lithog.), Paris, 1883-1884, t. i, p. 231-236, prétendait que ce célèbre écrivain avait traité très librement le texte sacré, qu’il l’avait altéré notablement et que ces altérations avaient passé dans