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TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT

561. On n’a pas de preuve que ce soient des altérations produites par les disciples de Valenlin ; elles pouvaient avoir cours dans les manuscrits orthodoxes du temps. Sur les citations du quatrième Évangile par le valentinien Héracléon, voir A. E. Brook, The fragments of Herakleon, dans Texts and Sludies, Cambridge, 1891, t. i, n. 4. Sur les citations des Évangiles par le païen Celse d’après Origène, voir E. Preuschen, Antilegomena, p. 38-43.

De tout ce qui précède, il résulte clairement que le texte grec du Nouveau Testament ne s'était pas transmis intégralement pur et qu’il circulait, au cours du IIe siècle déjà, avec des variantes. Quelle est l’origine de ces leçons différentes ? Beaucoup proviennent de la négligence des anciens copistes, qui n’apportaient pas à la transcription du texte le soin qu’auraient mérité les livres du Nouveau Testament. Toutefois, bien qu’il n’y eût pas d'édition officielle, chacun ne traitait pas le texte comme il l’entendait. Les livres du Nouveau Testament avaient été édiles à la façon des autres livres du temps ; ils étaient l'œuvre d’auteurs respectés ; tant qu’ils ne furent pas tenus pour des écrits canoniques, on ne se préoccupait pas des variantes des diverses copies, mais on ne cherchait pas non plus à les corriger ni à les modifier. Leur texte se transmettait donc purement, abstraction faite des fautes de copistes. Quand les hérétiques surgirent, l'Église avait un texte à peu près officiel. Ils purent bien l’altérer pour leur compte ; leurs altérations doctrinales ne pénétrèrent pas dans le texte reçu par l'Église. Tatien seul aurait nui à la pureté du texte des Évangiles par son harmonisation des passages parallèles dans une narration unique. D’autres causes, dont on constate l’action plus tard, telles que des méprises de lecture, la coupe différente des mots très rapprochés dans les manuscrits, des fautes de dictée, comme les itacismes, des gloses marginales introduites dans le texte, ont pu agir déjà au IIe siècle et nuire à la pureté du texte dans différentes copies. Tous les critiques reconnaissent que la plupart des variantes du Nouveau Testament, surtout les plus notables, existaient dès le ne siècle ou le commencement du IIIe. Cela ressort de l'état du texte tel que le présentent les premières versions, plus encore que des citations des écrivains du temps, catholiques ou hérétiques.

2. Les versions du IIe et du IIIe siècle. — Ces versions sont les plus anciennes traductions syriaques et latines.

a) Versions syriaques. — On trouvera plus haut, col. 1921, les indications nécessaires sur les questions soulevées par la comparaison du Diatessaron de Tatien, la version sinaïtique, découverte par M me Lewis, la version dite de Cureton, son premier éditeur, et la Peschito. L’opinion prédominante chez les critiques actuels est que la sinaïtique et la curetonienne, qu’elles aient précédé ou plus probablement suivi le Diatessaron, représentent le texte du IIe siècle, mieux que la Peschito qui, si elle existait alors (ce que plusieurs contestent), a été revue au IVe siècle et ne nous renseigne plus exactement sur l'état du texte au IIe siècle. Ces deux versions anciennes, malgré les différences qu’elles présentent, sont étroitement apparentées et ont un bon nombre d’omissions communes. M. von Soden pense que beaucoup proviennent du Diatessaron. Ces deux versions ont un fond commun, que l’auteur de la curetonienne semble avoir modifié. Sans parler des leçons qui proviennent du génie de la langue syriaque, on constate pour les Évangiles l’existence de lectures spéciales que les critiques apprécient diversement. M. von Soden', op. cit., t. i, .p. 1572-1594, les rapporte partiellement à Tatien et partiellement au texte courant du IIe siècle. Mais les autres critiques les attribuent au texte qu’on est convenu d’appeler occidental, parce que les premiers témoins connus appartenaient à l’Occident, quoiqu’il ait été répandu en Orient, surtout dans l'Église syrienne. Or, beaucoup d’entre eux le regardent comme impur et très altéré. Us font ressortir ses omissions, ses additions, ses modifications, ses combinaisons de passages parallèles. Voir Hort et Westcott, The New Testament in the original Greek, Introduction, Cambridge et Londres, 1882, p. 120-126. Toutefois, il y a eu récemment en sa faveur un essai de réhabilitation, depuis que F. Blass a soutenu l’hypothèse d’une double édition originale des deux écrits de saint Luc, le troisième Évangile et les Actes, le texte occidental pourrait bien, parmi ses leçons propres, avoir conservé seul un petit nombre de leçons originales, notamment dans les Actes des Apôtres.

b) Versions latines. — On trouvera, t iv, col. 111-123, des renseignements sur leur pluralité, leur date et leur classement. Nous n’avons à parler ici que de leurs caractères critiques et du témoignage qu’elles fournissent sur l'état du texte grec qu’elles supposent et qu’elles ont traduit en latin. Or la version africaine, qui remonte aux vingt premières années du IIIe siècle, qui nous est connue par les citations de saint Cyprien, voir Hans von Soden, Das lateinische Neue Testament in Afrika zur Zeit Cyprians, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1909, t. xxxiii, p. 11-105, et d’autres écrivains africains, ibid., p. 242-305, aussi bien que dans les manuscrits k, e et ii, p. 106-242, et qui est éditée, p.364-610(cf. pour l’Apocalypse, J. Hausleiter, Die lateinische Apokalypse der alten afrikanischen Kirche, dans Forschungen zur Geschichte des neutestamentlichen Kanons und der altkirchlichen Literatur de Zahn, Erlangen et Leipzig, 1891, t. iv, p. 80-175), reflète, au sentiment commun des critiques, nonobstant les vues divergentes de dom de Bruyne, dans la Revue bénédictine, juillet 1910, p. 439-442, un texte grec, qui ne présente pas la moindre variation de nuance et n’est pas formé de types distincts. Ce texte est, comme celui des anciennes versions syriaques, le texte occidental, qui est foncièrement le même, sinon plus accentué encore, dans les textes européens et italiens, malgré les caractères propres et distinctifs des deux versions. C’est un gros problème de la critique textuelle du Nouveau Testament d’expliquer l’existence des leçons occidentales à la fois dans l'Église de Syrie et dans celle de l’Afrique. M. Sandaya supposé, sans fondement historique, que la version latine avait été faite à Antioche. M. Hermann von Soden, Die Schriften des Neuen Testaments, t. 1, p. 1547-1551, y reconnaît, pour les Évangiles du moins, l’influence commune de Tatien, qui avait composé son Diatessaron en grec à Rome avant de partir pour l’Orient, où son œuvre a été traduite en syriaque. Il est plus naturel de conclure que les premières versions latines du Nouveau Testament ont été faites sur le même texte grec que les anciennes versions syriaques. Il en résulterait que ce texte, dit occidental, était très répandu dans l'Église à la fin du IIe siècle et au commencement du IIIe. Cf. K. Lake, The text of the New Testament, 4e édit., Londres, 1908, p. 73-84. Les leçons des autres livres du Nouveau Testament présentaient, moins que celles des évangiles, les caractères propres du texte occidental et reproduisaient plus exactement, d’après von Soden, op. cit., 1. 1, p. 1802-1810, 1883-1886, 2008, 2020-2023, 2084-2090, le texte courant au IIe et au 111e siècle.

Nous sommes donc ramenés, en définitive, à un texte commun, qui n'était plus le texte original pur, mais qui avait été partiellement retouché, altéré même, le texte occidental de Hort et de Westcott, qui, pour les Évangiles en particulier, comptait un certain nombre d’additions, diversement distribuées, que Burkitt a recueillies, The old Latin and the Itala, dans Texts and Studies, Cambridge, 1896, t. IV, n. 3, p. 46-53, et qu’il tient pour des interpolations. Mais le jugement de ce critique radical ne s’impose pas, et l’authenticité