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TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT

qu’en ont faites les écrivains du temps et par les premières versions exécutées alors.

1. Les citations du Nouveau Testament par les écrivains du temps. — Celles des Pères apostoliques, n’étant pas verbales et n’étant guère que des allusions au texte, nous renseignent peu sur l’état du texte. Ainsi on ne sait pas toujours à quel Évangile ils se réfèrent, et ils mêlent peut-être de mémoire des passages parallèles. Leurs citations du Nouveau Testament ont été réunies et publiées par le comité de la Société d’Oxford pour la théologie historique. The New Testament in the Apostolic Fathers, Oxford, 1905. Voir aussi les Indices scripturaires des éditions de leurs œuvres, par exemple, ceux de Funk. Notons seulement que ces Pères reproduisent déjà certaines leçons intéressantes qu’on retrouve dans les écrivains ou les manuscrits postérieurs. Ainsi saint Clément de Rome, I Cor., xiii, 2, édit. Funk, t. i, p. 116, cite une parole de Notre-Seigneur, qui n’est pas dans les éditions actuelles des Évangiles et qui est reproduite par Clément d’Alexandrie, Strom., ii, 19, t. viii, col. 1015, et partiellement par saint Polycarpe, Ad Phil., ii, 2, édit. Funk, 1. 1, p. 298. Cf. E. Jacquier, Le Nouveau Testament dans l’Église chrétienne, Paris, 1911, 1. 1, p. 41-43. Une citation de ce dernier Père présente une leçon intéressante, qui se retrouvera dans certains manuscrits postérieurs. Le texte, Act., ii, 25, est ainsi reproduit : λύσας τὰς ὠδῖνας τοῦ ᾅδου. Ad Phil., i, 2, p. 296. Pour l’ensemble des leçons propres aux Pères apostoliques, voir Herm. von Soden, Die Schriften des Neuen Testaments, Berlin, 1906, t. i, p. 1629-1631 (pour les Évangiles). Saint Justin, citant de mémoire, mêle parfois les leçons parallèles, ainsi Joa, , iii, 3-5, avec Matth., xviii, 3, et il emprunte peut-être des éléments à la tradition orale ou à des sources extracanoniques. Cf. W. Bousset, Die Evangelien-Citate Justins, 1891 ; E. Preuschen, Antilegomena, Giessen, 1901, p.. 21-38 ; E. Lippelt, Quæ fuerint Justini Martyris ἀπομνημοπνεύματα quaque ratione cum forma Evangeliorum syro-latina cohæserint, Halle, 1901 ; H. von Soden, op. cit., p. 1621-1624 ; E. Jacquier, op. cit., t. i, p. 100-111. Son disciple Tatien, par son Diatessaron ou harmonie des quatre récits évangéliques, composé en grec ou en syriaque, a combiné beaucoup de passages parallèles et a ainsi formé des leçons nouvelles, qui ont pénétré dans les manuscrits du temps et par leur intermédiaire dans les œuvres des écrivains ecclésiastiques postérieurs et dans les plus anciennes versions du Nouveau Testament. Si ces faits sont constants, son œuvre aurait exercé une fâcheuse influence, très réelle, quoique peut-être exagérée par von Soden, sur le texte des Évangiles, notamment sur le texte dit occidental. H. von Soden, op. cit., p. 1536-1544, 1609-1610, 1632-1646 ; E. Nestlé, Einführung in das Griechische Neue Testament, 3e édit., Gœttingue, 1909, p. 232-240. Athénagore et Théophile d’Antioche citent rarement les Évangiles, et leurs citations présentent des particularités sans importance. H. von Soden, op. cit., p. 1620-1621. Le témoignage de saint Irénée est peu important, parce que nous n’avons qu’une partie de ses œuvres en grec. Il fournit cependant quelques leçons particulières. H. von Soden, p. 1615-1620, 1838-1840, 1893-1894, 1989-1990, 2095. Une des plus intéressantes est celle qu’il emprunte à de vieux exemplaires sur le chiffre de la Bête. Apoc. xiii, 18. Cont, hær., v, 30, n. 1, t. vii, col. 1203 ; E. Jacquier, op. cit., t. i, p. 182. Clément d’Alexandrie présente quelques leçons particulières, qui se sont transmises dans les manuscrits, mais qui sont secondaires. M. Barnard, The biblical text of Clement of Alexandria in the four Gospels and the Acts of the Apostles, dans Texts and Studies, Cambridge, 1899, t. v, fasc. 5 ; H. von Soden, op. cit., p. 1594-1604, 1837, 1893, 1990-1995. Saint Hippolyte connaît les Évangiles dans un texte qui ressemble de très près à celui de Clément d’Alexandrie ; mais pour l’Apocalypse, citée dans son commentaire de Daniel, il a beaucoup de leçons propres, H. von Soden, op. cit., p. 1604-1609, 2095-2096.

À côté des écrivains ecclésiastiques de langue grecque, on peut interroger encore les écrivains d’autres langues, qui témoignent indirectement de l’état du texte grec, quand ils y recourent personnellement, comme c’est le cas pour Tertullien. Il prend moins de liberté avec ce texte que les Pères grecs et il le suit de plus près dans ses nombreuses citations des Évangiles. Il n’a pas subi l’influence de Tatien et il a un petit nombre de leçons propres, qui pourraient bien être originales. H. Rönsch, Das Neue Testament Tertullian’s, Leipzig, 1871 ; H. von Soden, p. 1610-1615, 1837-1838, 1893, 2023-2028, 2094.

On peut consulter aussi, mais avec beaucoup plus de précautions, sur l’état du texte grec du Nouveau Testament, les hérétiques du temps. Les Pères, leurs contemporains, leur ont reproché d’avoir altéré le texte sacré, non pas seulement par de fausses interprétations, S. Irénée, Cont. hær., i, præf., t. vii, col. 437 ; Clément d’Alexandrie, Strom., vii, 16, t. ix, col. 531-538, mais encore par des altérations volontaires, mutilations, additions et modifications. S. Denys de Corinthe, dans Eusèbe, H. E., iv, 23, t. xx, col. 389. Caius de Rome adresse ce reproche à Asclépiade, à Théodote, à Hermophile et à Apollonide, et le résultat de leur audacieuse entreprise se conslate aisément par la variété que présentent leurs exemplaires du Nouveau Testament. Eusèbe, H. E., v, 28, t. xx, col. 517. Les écrits de ces gnostiques ont disparu sans laisser de traces et sans avoir d’influence sur le texte du Nouveau Testament qui était fixé dans l’Église avant l’apparition des hérésies. Nous sommes mieux renseignés sur le texte de Marcion, qui ne contenait que le troisième Évangile et dix Épitres de saint Paul. Voir Th. Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, Erlangen et Leipzig, 1891, t. ii, p. 409-529. Ses omissions sont volontaires, comme les additions qu’il opérait en conformité avec ses doctrines particulières et son antijudaïsme. Il a cependant gardé sans altération des traces du texte usité de son temps. Les leçons qu’il a créées par abréviation du texte, par rapprochement des passages parallèles, par correction du style, par intérêt didactique ont été parfois adoptées par Tertullien et Origène, dans leurs écrits polémiques contre lui, quand elles n’importaient pas à la doctrine ; elles n’ont pas eu d’influence sur la transmission du texte original. H. von Soden, op. cit., p. 1624-1629, 2028-2035 ; E. Nestlé, Einführung, p. 226-232. Cependant Corssen, dans Zeitschrift der neutestamentliche Wissenschaft, 1909, p. 1-45, 101 sq., et von Soden, op. cit., p. 2034-2035, s’appuyant sur un article de dom de Bruyne, dans la Revue bénédictine, octobre 1908, p. 423-430, avaient prétendu que Marcion ne connaissait pas les chapitres xv et xvi de l’Épître aux Romains, qu’il avait fabriqué lui-même, ou ses disciples, la doxologie, Rom., xvi, 24-26, qu’il l’avait placée à la suite de Rom., xiv, 23, et qu’elle avait passé du Nouveau Testament marcionite dans les manuscrits grecs et latins de l’Église orthodoxe. Tout en reconnaissant l’origine marcionite de la doxologie, dom de Bruyne soutient que Marcion connaissait les chapitres xv et xvi, puisqu’il a emprunté au verset 24 de ce dernier le souhait final qu’il a généralisé par une raison doctrinale. Revue bénédictine, avril 1911, p. 133-143. Des leçons particulières du Nouveau Testament, attestées par des écrivains gnostiques du ne siècle, se retrouvent dans quelques manuscrits postérieurs. Ainsi la leçon de Matth., xv, 4 6, citée par Ptolémée, Epist. ad Floram, dans saint Épiphane, Hœr., xxxiii, 4, t. xli, col.