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PHARISIENS


rôme, AdvLuciferian : , 23, t. ssiii, col. 178 (Pharisæi a Judseis divisi, propter quasdam observatiohes superfluas, nomen quoque a dissidio susceperunt) ; Jn Matth., xxii, 23, t. xxvi, col. 163 (unde et divisi vocabantur a populo). Le Talmud donne de l'étymologie du nom des pharisiens la même explication. On peut voir les passages dans le Lexique de Buxtorf et la définition des pharisiens dans l’Aruch. — Le sens du mot « pharisien » étant « séparatiste », il n’est guère probable que les pharisiens eux-mêmes se soient donné ce nom ; ils finirent par l’accepter ; mais tout porte à croire qu’il leur fut attribué d’abord par leurs adversaires. En effet, selon toute apparence, les pharisiens apparaissent pour la première fois dans l’histoire sous le nom de a>TDn, hàsîdîm, « les hommes pieux », lors du soulèvement des Machabées, Le nom de pharisiens est encore relativement rare dans la Mischna et presque toujours (sauf deux fois), il est mis dans la bouche des sectes hostiles. Enfin nous savons que les pharisiens s’appelaient entre eux nnan, hâbêrîm, « associés ou compagnons ». — Un fait très digne de remarque et trop peu remarqué, c’est la synonymie apparente, dans le Nouveau Testament, entre scribes et pharisiens. Non seulement les scribes et les pharisiens sont très souvent nommés ensemble comme une classe à part, mais ce qu’un Évangile attribue à un pharisien est par un autre Évangile attribué à un scribe ou réciproquement. C’est que, à l'époque néotestamentaire, les scribes appartenaient en général au parti pharisien ; aucun scribe sadducéen n’a laissé un nom dans l’histoire et cela n’est pas pour surprendre, car les sadducéens rejetant toute tradition, le métier de scribe était chez eux presque réduit à rien. Tous les pharisiens n'étaient pas scribes, puisqu’on distinguait, même parmi les pharisiens, l’ignorant (îs’uin) et le savant (nsn), mais à peu près tous les scribes étaient

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pharisiens. Cependant les Evangélistes ont conscience que les mots « scribes » et « pharisiens » ne sont pas pleinement synonymes, puisque, assez souvent, ils mentionnent les pharisiens à côté des scribes, Matth., xii, 38 ; xv, 1 ; xxiii, 2, 13, 14, 15, 23, 25, 27, 29 ; Marc, vii, 1, 5 ; Luc, v, 21, 30 ; vi, 7 ; xi, 53 ; xv, 2 ; cf. Act., v, 34. Ils signaient même quelquefois les scribes appartenant auparti pharisien, Marc, ii, 6 (oi ypocfifiateîç t<5v <3>aptffat’wv) ; cf. Luc, v, 30. Saint Jean ne parle pas des scribes, sauf une fois dans l'épisode de la femme adultère, viii, 3. Saint Luc emploie le mot-fpoc[j.[j.3(Teij ; concurremment avec voquxô ; et vofio818â<7xaXo ; . Voir ScRIbes et Sadducéens.

III. Historique. — 1° Origine des pharisiens. — L’esprit de séparation, si caractéristique des pharisiens, commence à se manifester chez les Juifs revenus de l’exil de Babylone avec Zorobabel et Esdras. Dès cette époque, la terminologie usitée dans la suite entre en vigueur, quoique dans un sens différent. Obéissant aux exhortations d’Esdras et de Néhémie, les Israélites dévots se séparent des habitants du pays ('am hâ'ârés), c’est-à-dire des païens ou des Juifs infidèles qui étaient restés en Judée après la déportation. I Esd., VI, 21 ; IX, 1 ; x, H ; II Esd., ix, 2 ; x, 29. Mais les pharisiens proprement dits, qui se séparent de la masse du peuple trop peu zélée pour l’observation rigoureuse de la loi, ne remontent pas si haut. Leur première apparition a lieu lors de la grande persécution entreprise par les rois de Syrie en vue d’helléniser la Palestine. En montant sur le trône (175 avant J.-C), Antiochus Épiphane avait juré d’exterminer la religion juive, et il fut puissamment secondé dans ce dessein par la lâcheté et l’ambition d’un certain nombre de personnages influents appartenant au sacerdoce, entre autres les grands-prêtres Jésus, surnommé Jason, etMénélas.EnlTO, le monarque "sacrilège avait pénétré dans le lieu saint et enlevé le trésor du Temple. Peu de temps après il interdisait la

circoncision, la célébration du sabbat, les sacrifices, en un mot tout le culte judaïque. Le 15 du mois de casleu, un autel de Jupiter Olympien remplaça dans le Temple l’autel de Jéhovah, et le 25 du même mois on y immolait des victimes. Cette profanation fit éclater le soulèvement des Machabées qui trouvèrent bientôt un ferme appui dans un parti qui s'était formé un peu auparavant pour résister à l’hellénisme et pour maintenir intacte la religion mosaïque. Les Assidéens, amen, oi 'AfftSaïoi, « les hommes pieux » — c’est ainsi qu’on les nommait et qu’ils s'étaient peut-être nommés euxmêmes — sont les ancêtres des pharisiens ou pour mieux dire ils ne se distinguent pas, au nom près, des pharisiens. Depuis Wellhausen, Die Pharisâer und die Sadducâer, Greifswald, 1874, p. 78-86, l’identité est' généralement admise. Cf. I Mach. î, 65-66 ; ii, 42 ; vii, 12-13 ; II Mach. xiv, 6. Cohen, Les Pharisiens, t. i, p. 106, émet l’hypothèse que les assidéens, en disparaissant, donnèrent naissance aux deux sectes des pharisiens et des esséniens : « Une fraction (les assidéens) restant fidèle à la tradition naziréenne, se réfugia, contre les orages de ces temps malheureux, dans un ascétisme obstiné. L’autre fraction (les pharisiens) — et ce fut la plus nombreuse — se séparant de ses frères en doctrine et les laissant dans la retraite, marcha en avant d’un pas résolu, aspirant ouvertement à diriger dans les voies nouvelles le judaïsme réformé. » Si l’origine assignée aux esséniens est très contestable, la descendance des pharisiens du vieux parti assidéen semble établie.

2° Les pharisiens sous les Asmonéens. — C’est sous le roi Jean Hyrcan] (135-105) que les pharisiens apparaissent pour la première fois dans l’histoire sous là dénomination de pharisiens. Voici comment Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 5-6, raconte l’anecdote. Dans un festin, où les principaux d’entre les pharisiens étaient invités, le roi pria les convives de ne pas lui ménager leurs conseils. Pendant que les autres se récriaient, en exaltant à l’envi les vertus du monarque, un des assistants, nommé Éléazar, lui dit que ce qu’il aurait de mieux à faire pour plaire à Dieu serait de se démettre du souverain pontificat. Comme le roi en demandait la raison : « C’est, ajouta l’autre, qu’au rapport des anciens ta mère a été captive. » Un sadducéen, présent à la scène, lui insinua alors que pour sonder les véritables sentiments des pharisiens à son égard il n’avait qu'à leur demander quel supplice méritait l’insolent. Tous opinèrent, non pas pour la mort, mais poor la pfison ou la peine du fouet ; et le roi jugeant par là qu’ils lui étaient hostiles et qu’ils prenaient secrètement parti pour le coupable, se déclara désormais contre eux et se jeta dans les bras des sadducéens. D’après le Talmud de Babylone le fait se serait passé sous Alexandre Jannée (104-76). Sur l’avis d’un sadducéen du nom d'Éléazar, le roi aurait feint de vouloir se démettre du pontificat afin de savoir ce que les pharisiens pensaient de lui. Un pharisien, donnant dans lefpiège, lui aurait dit : « roi, contente-toi de la couronne royale et laisse la couronne des pontifes aux descendants d’Aaron. » À ces mots, Alexandre Jannée aurait fait mettre à mort tous les pharisiens. Des deux anecdotes la dernière est certainement la plus invraisemblable. Voir E. Montet, Le premier conflit entre pharisiens et sadducéens d’après trois documents orientaux, Paris, 1887. Ces récits légendaires peuvent contenir un fond de vérité. Les pharisiens ne pouvaient pas voir de bon œil les Asmonéens usurper et retenir dans leur maison le souverain pontificat. Les visées profanes et les ambitions mondaines de Jean Hyrcan n'étaient point pour leur plaire. Les cruautés de ses deux fils et successeurs immédiats, Aristobule et Alexandre, n'étaient pas non plus de nature à les concilier et ils avaient contre ces deux princes un grief