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TEXTE DE L’ANCIEN TESTAMENT

son accusation, In Jer., hom. xvi, 10, t. xiii, col. 449, 452, d’autres fois il en montre l’injustice. Saint Jérôme, de son côté, supposait que les Juifs avaient retranché quelques mots du Deutéronome. In Epist. ad Gal., 1. II, t. xxvi, col. 357. Il pensait que saint Matthieu avait cité inexactement Michée pour reprendre les scribes et les prêtres de leur négligence à citer l’Écriture. In Mich., 1. ii, t. xxv, col. 1197. Ailleurs, il défend les Juifs du crime d’altération des Écritures sur l’autorité même d’Origène, qui a dit que Notre-Seigneur et les Apôtres, qui ne celaient pas les torts des scribes et des pharisiens, ne le leur ont pas reproché. Si on prétend que les falsifications des Juifs sont postérieures à Jésus et aux Apôtres, il ne pourra retenir un éclat de rire, puisque le Sauveur et les évangélistes ont cité les passages que les Juifs devaient fausser plus tard. In Is., 1. III, t. xxiv, col. 99. Il est le défenseur de la veritas hebraica, au point d’être parfois injuste à l’égard de la version des Septante. Saint Chrysostome, In Matth., hom. v, 2, t. lvii, col. 57, à propos d’Isaïe, vii, 14, reproche seulement aux traducteurs juifs postérieurs aux Septante, d’avoir à dessein traduit obscurément les prophéties messianiques. Le pseudo-Athanase, Synopsis Sacr. Script., 78, t. xxviii, col. 438, parle de la perte de livres entiers, supprimés par les Juifs. Saint Augustin repousse catégoriquement l’accusation portée contre les Juifs d’avoir altéré leurs Écritures et il appuie son jugement sur le grand nombre de manuscrits répandus partout, qu’ils auraient dû altérer. De civ. Dei, XV, xiii, 1, t. xli, col. 452. Il reconnaît dans les Juifs, adversaires du christianisme, des gardiens des Écritures où les chrétiens vont puiser les arguments messianiques, Ibid., XVIII, xlvi, col. 608-609. Cf. pseudo-Justin, Cohortatio ad Græcos, 13, t. VI, col. 268. Les reproches des Pères qui ne savaient pas l’hébreu visent généralement les traductions grecques d’Aquila, de Symmaque et de Théodotion, que les Juifs préféraient à la version des Septante et opposaient aux chrétiens dans la polémique. Plus littérales que la première, ces versions n’en diffèrent pas seulement quant à l’interprétation ; elles avaient été faites aussi sur un texte hébreu qui se rapprochait plus du texte des Septante que du texte massorétique, autant, du moins, qu’on peut en juger par les fragments qui nous sont parvenus. Cette constatation est une preuve nouvelle que les Juifs n’avaient pas altéré à dessein et par malice leurs Écritures pour faire pièce aux chrétiens. Cf. R. Simon, Histoire critique du Vieux Testament, 1. I, ch. xvii-xix, p. 97-111.

Dès le IIe siècle de notre ère, le texte hébreu était fixé déjà et d’une façon uniforme au point que tous les témoins, à partir de cette époque, représentent une seule et unique recension, celle que les massorètes stéréotyperont plus tard, sauf quelques légères différences seulement. La version syriaque, faite directement sur l’hébreu, voir col. 1916, les traductions déjà citées d’Aquila, de Symmaque et de Théodotion, les Hexaples d’Origène et la version de saint Jérôme témoignent qu’aux IIe, IIIe et IVe siècles le texte hébreu était à peu près identique au texte massorétique. Il n’y a que des divergences accidentelles, de celles qu’on rencontre toujours dans les manuscrits d’une même famille. Les commentaires de saint Jérôme, qui était si bien au courant des choses rabbiniques, montrent que les rabbins notaient déjà les moindres détails de l’orthographe traditionnelle, tels que la présence ou l’omission des matres lectionis. Voir, par exemple, Quæst. in Genesim, 16, t. xxiii, col. 973. Les plus anciens targums du Pentateuque et des livres prophétiques, qui sont un peu postérieurs, sont généralement d’accord avec la recension massorétique, sauf le targum d’Onkelos qui est d’accord de temps en temps avec la version des Septante. Voir Targums, t. v, col. 1995.

Les Talmuds supposent aussi le texte hébreu définitivement fixé et ils ne connaissent pas de variantes au sens précis du mot. Leurs citations bibliques et celles des midraschim ont été recueillies par Strack, Prolegomena critica in V. T. hebraico, Leipzig, 1872, p. 59-111. Ils distinguaient déjà le keri du keṭib et ils signalaient la présence ou l’absence des matres lectionis, du vav consécutif. Traité Sopherim, c. vi, vii. Au traité Nedarim, fol. 37 6-38 a, le Talmud de Babylone rapporte quelques exemples du travail des scribes et leur manière d’écrire certains mots : ארץ שמם מצרים ; des suppressions faites, Gen., xviii, 5 ; xxiv, 55 ; Num., xxxi, 2 ; Ps. lxviii, 26 ; XXXVI, 7 ; des leçons à lire qui ne sont pas écrites, II Sam., viii, 3 ; xvi, 23 ; Jer., xxxi, 38 ; L, 29 ; Ruth., II, 11 ; iii, 5, 17 ; des leçons écrites qu’il ne faut pas lire, II Reg., v, 18 ; Deut., vi, 1 ; Jer., li, 3 ; Ezech., xlviii, 61 ; Ruth., iii, 12. Cf. J. Buxtorf, Tiberias, p. 37-43. Ils avaient aussi marqué plusieurs passages de points extraordinaires, dont la signification exacte n’était déjà plus connue de tous les talmudistes. À propos de רתקת, Num., ix, 10, marqué d’un point en haut, selon la Mischna, quelques-uns pensaient qu’il ne fallait pas tenir compte des lettres ponctuées, quand elles étaient en minorité, mais que, si elles étaient en majorité, elles l’emportent et il faut les lire ; Rabbi ajoutait que, n’y eût-il qu’une lettre ponctuée par en haut, on en tenait compte et qu’on annulait seulement le reste de ce qui était écrit. Talmud de Jérusalem, traité Pesachim, ix, 2, trad. Schwab, Paris, 1882, t. V, p. 137, 138. Ces points soulignaient donc une lettre ou un mot soit pour les supprimer soit pour attirer sur eux l’attention. Cf. M. Schwab, Des points-voyelles dans les langues sémitiques, Paris, 1879, p. 26. Selon saint Jérôme, ce point indiquait que la chose est incroyable. Quæst. in Gen., xix, 35, t. xxiii, col. 966. Voir Massore, t. iv, col. 856. Le Talmud de Jérusalem signale aussi l’écriture différente de quelques mots. Traités Kilaim, iii, 1 ; v, 4 ; Schebiith, i, 6, trad. Schwab, Paris, 1878, t. ii, p. 250-251, 277, 311.

III. Période des massorètes. — Cette période va du VIe au XIe siècle. On a déjà exposé ici la double tâche accomplie par les massorètes : 1° la vocalisation du texte hébreu par l’invention des points-voyelles, voir t. iii, col. 504-508 ; t. v, col. 531-538 ; 2° l’ensemble des notes ou remarques qui constituent la grande et la petite massore et qui forment la « haie » de la Loi ou de l’Écriture, élevée en vue de la préserver de la moindre altération. Voir t. iv, col. 854-860. Il ne reste plus qu’à rappeler quelle a été l’œuvre des massorètes relativement au texte qu’ils ont vocalisé et à apprécier la valeur critique de leur texte biblique.

Le texte massorétique. — Les massorètes n’ont pas, à proprement parler, constitué une recension du texte hébraïque de la Bible. Ils n’ont fait que transcrire, en en fixant la prononciation traditionnelle, le texte qui était établi d’une façon à peu près uniforme depuis le IIe siècle de notre ère. La vocalisation qu’ils ont adoptée, qu’elle soit palestinienne ou babylonienne, voir t. i, col. 1359, ou distincte de ces deux espèces, M. Friedländer, Some fragments of the hebrew Bible with peculiar abbreviations and peculiar signs for vowels and accents, dans les proceedings of the Society of biblical archæology, mars 1896, p. 86-98, n’a fait que marquer au moyen de signes conventionnels assez compliqués la prononciation usuelle, transmise depuis des siècles par la tradition orale. Toutes les versions antérieures la supposent et la confirment. Les massorètes n’ont guère changé les consonnes, et quand le texte écrit leur paraissait fautif, loin de le corriger, ils le transcrivaient fidèlement tel qu’ils le trouvaient écrit, c’est le keṭib, sauf à noter, à la marge des manuscrits, la leçon qu’il fallait lire, le keri. Voir t. iii, col. 1889. Les keri sont des variantes discutées entre les docteurs palestiniens et les docteurs babyloniens. Ils