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TEXTE DE L’ANCIEN TESTAMENT

constitution du texte massorétique. — 1° Comparaison de la version des Septante avec le texte massorétique. — Cette comparaison permet de constater que le texte hébreu sur lequel la traduction grecque a été faite différait du texte massorétique. Les divergences portent sur différents points. — 1. Disposition du texte en plusieurs livres. — Les transpositions sont nombreuses dans le livre de Jérémie, voir t. iii, col. 1277, moins fréquentes dans les Proverbes, voir t. v, col. 793, et dans l’Ecclésiastique. Voir t. ii, col. 1548. Elles s’expliquent par la divergence des manuscrits et proviennent vraisemblablement, au moins pour les Proverbes et Jérémie, du déplacement de plusieurs feuillets dans un manuscrit. — 2. Diversité de leçons dans les manuscrits. — Elle n’est pas la même dans tous les livres et elle est plus grande dans les uns que dans les autres. Elle est notablement considérable dans les livres de Samuel et des Rois. Voir t. v, col. 1143, 1160-1161. On y a pu voir à juste titre deux recensions différentes de ces livres, dont le texte est tantôt plus court et tantôt plus développé. Les additions les plus saillantes sont celles de I Reg., m (19 lignes au début) ; iii, 46 (20 lignes) ; xii, 24 (68 lignes). Ce pouvaient être des targums, destinés à compléter un récit simplement esquissé ou à expliquer un passage obscur. D’autres moins considérables donnent un récit mieux suivi que le texte hébreu actuel et semblent mieux représenter le texte original. Ainsi I Sam., xiv, 41. Le texte grec est plus court dans les récits qui concernent les premiers rapports de Saül et de David. I Sam., xviii, 6-xix, 1. Il omet les versets 9-11, 17-19, 28 &-30. Certains manuscrits omettent au ch. xvii du même livre les }. 12-31, 41, 50, 55-58, et les six premiers versets du ch. xviii, et plusieurs autres les ont marqués d’un astérisque. D’autres omissions existent dans les livres des Rois, I Reg., iii, 35-46 ; iv, 20, 21, 25, 26 ; vi, 11-13, 18, 22, 32, 33 ; viii, 12, 13 ; ix, 15-25 ; xi, 39 ; xii, 17 ; xiii, 27 ; xiv, 1-20 ; xv, 6, 32 ; xxii, 47-50 : Il y a aussi de nombreuses omissions dans le livre de Jérémie. Voir t. iii, col. 1277. Le livre des Proverbes a encore dans la version grecque des omissions, des additions, des transpositions et des modifications. Voir t. v, col. 793 ; J. Knabenbauer, Commentarius in Proverbia, Paris, 1910, p. 14-19. Chaque livre grec, même le Pentateuque, a plus ou moins de variantes, mais toutes ne sont pas bonnes. Le manuscrit hébreu dont se servait le traducteur grec avait des fautes de copiste ou présentait des anomalies, dont quelques-unes semblent provenir de l’irrégularité dans la transcription des voyelles dites aujourd’hui lettres quiescentes. — 3. Fautes de traduction. — Quelques-unes proviennent d’une fausse lecture, soit par la confusion de lettres phéniciennes, ou de l'écriture carrée, soit par la manière de couper les mots d’un manuscrit à écriture continue. Voir t. ii, col. 1579-1580 ; t. v, col. 1645-1646 ; P. Martin, op.cit., 1. 1, p. 45-71. Il faut donc, au point de vue de la valeur critique et de la reconstitution du texte original, examiner à part chacun des livres de la version grecque des. Septante, voir, par exemple, pour Isaïe, t. iii, col. 977-978, et chacun des passages où se présente une variante. Quoique le texte hébreu qui se trouve à la base de cette traduction soit fréquemment différent du texte massorétique, les divergences, pour notables qu’elles soient parfois, n’atteignent jamais la substance des faits et des doctrines. Cf. Ginsburg, The new massoretico-critical text of the hebrew Bible, 1894, p. 158162, 291-296 ; A. Baumgärtner, L'état du texte du livre des Proverbes, Leipzig, 1890, p. 272-282. Voir les travaux cités, col. 1648-1650.

La conservation substantielle du texte hébreu, à l'époque à laquelle se fit la version des Septante, nous est attestée, au moins pour le Pentateuque, par le Livre des jubilés, ou la Petite Genèse. Ce livre est, au sentiment commun des critiques récents, du temps des Machabées et avant Hérode, et suppose un texte qui n’a que deux leçons communes avec le Pentateuque samaritain, qui s’accorde parfois avec le texte massorétique contre la version des Septante, mais qui suit le plus souvent cette traduction dans les passages où elle s'écarte du texte hébreu postérieur. Il a cependant aussi quelques leçons propres. Certaines de ces particularités proviennent du but de l’auteur qui était l’exaltation et la glorification du peuple élu de Dieu. Sur la valeur critique de ce livre, voir A. Dillmann, Beiträge aus dem Büche der Jubiläen zur Krilik des Pentateuch-Textes, dans Sitzungsberichte der Berl. Akademie der Wissenschaften, 1883 ; H. Charles, Ethiopic version of the hebrew booh of the Jubilees, Oxford, 1895, p. xx-xxv ; E. Littmann, Das Buch der Jubiläen, dans Kaulzsch, Die Apokryphen und Pseudepigraphen des A. T., Tubingue, 1900, t. ii, p. 38.

Travail critique des scribes avant les massorètes. — Il rentrait dans le rôle des scribes de veiller à la transcription du texte sacré. Voir col. 1537. Il semble qu’ils aient apporté à ce travail un soin plus minutieux que les premiers copistes. Ils se préoccupaient de transcrire ce texte ou de le faire transcrire exactement par respect pour les livres canoniques de leur nation et de leur religion. Josèphe, Cont. Apion., i, 8, et Philon, dans Eusèbe, Præpar. ev., viii, 6, t. xxi, col. 600-601, déclarent que, dans leur nation et de leur temps, personne n’oserait ajouter ou retrancher aux Livres Saints, surtout à la Loi de Moïse, ou y changer quoi que ce soit. Certains Pérès de l'Église, il est vrai, ont reproché aux Juifs d’avoir altéré le texte de l’Ancien Testament dans les passages prophétiques et messianiques, que les chrétiens faisaient valoir en faveur de la divinité de Jésus-Christ et du christianisme. Mais leur reproche n’est pas fondé. D’ailleurs, quand saint Justin, par exemple, accuse les Juifs d’avoir falsifié l'Écriture, il vise la traduction d’Aquila, ayant substitué νεᾶνις à παρθένος dans Isaïe, vii, 14. Dial. cum Tryph., 71, 84, t. vi, col. 644, 673. La critique porte donc sur l’interprétation et non pas sur la teneur du texte hébreu. Les autres exemples, proposés par saint Justin, ne sont pas justifiés, ni Jer., xi, 19, qui ne manque pas dans le texte hébreu, ni la leçon du Ps. xcvi, 10 : ἀπὸ τοῦ ξύλου, qui est absente aussi des anciennes versions, et le passage qu’il ajoute à I Esd., vi, 21, est une addition d’une main chrétienne, lbid., 72, 73, col. 644-645. Saint Justin se servait d’un exemplaire des Septante, qui contenait des interpolations. Voir aussi plus haut, col. 1637-1630. Du reste, Tryphon repousse le reproche de saint Justin et il tient pour incroyable que ses coreligionnaires aient altéré l'Écriture. Saint Irénée, Cont. hær., iii, 21, t. vii, col. 946, reprend aussi les fausses interprétations d’Aquila par comparaison avec la version des Septante, mais il n’accuse pas les Juifs d’avoir corrompu le texte, sinon par leurs fausses traditions, iv, 15, col. 1004. Il suppose, au contraire, qu’ils n’ont pas falsifié l'Écriture, c’est-à-dire la version grecque, parce qu’ils n’ont pas prévu qu’elle servirait de preuve aux chrétiens, ajoutant que s’ils avaient prévu ce service, ils auraient brûlé cette traduction. Si Tertullien, De cultu fem., i, 3, t. i, col. 1308, dit que les Juifs avaient retranché des Écritures plusieurs choses concernant le Messie, il parle de livres entiers qui auraient été supprimés, tels que le livre d’Hénoch dont il soutenait la canonicité. Son argument ne vaut pas mieux que son sentiment. Dans sa lettre à Jules Africain, 19, t. xi, col. 69, 72, Origène reproche avec raison aux Juifs d’avoir écarté du canon biblique les livres deutérocanoniques, mais lorsqu’il donne l’assurance qu’ils ont supprimé à dessein et par malice plusieurs Écritures, il n’en apporte pas de preuve et il se range à l’opinion des docteurs précédents. Il n’est pas constant dans son sentiment, puisque si parfois il répète