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TEXTE DE L’ANCIEN TESTAMENT

IVe livre d’Esdras, xiv, 22, 44, ont pensé qu’Esdras inspiré avait restitué tout l’Ancien Testament, détruit partiellement sous le règne de l’impie Manassé et totalement dans l’incendie de Jérusalem et du Temple par Nabuchodonosor. Tertullien, De cultu feminarum, i. 3, t. i, col. 1308 ; S. Irénée, Cont. hær., iii, 21, n. 2, t. vii, col. 948-949 ; Clément d’Alexandrie, Strom., i, 22, t. viii, col. 893 ; S. Basile, Epist., xlii, 5, t. xxxii, col. 357 ; Théodoret, Explanatio in Cant., præf., t. lxxxi, col. 29 ; Pseudo-Athanase, Synopsis Sacr. Script., 20, t. xxviii, col. 332 ; S. Isidore, Etym., 1. VI, iii, 2, t. lxxxii, col. 235. Mais l’Apocalypse d’Esdras n’a aucune autorité, et, dès son retour, Esdras reconstitua le service divin conformément à la loi écrite par Moïse, I Esd., vi, 18 ; II Esd., viii, 1. D’ailleurs les captifs avaient emporté la loi afin de l’observer, II Mach., ii, 2, et ils en instruisaient leurs enfants. Dan., ix, 11 ; xiii, 3. D’après le texte grec de saint Irénée, conservé par Eusèbe, H.E., , 8, t. XX, col. 453, et d’après le Pseudo-Chrysostome, Synopsis Script. Sac., t. lvi, col. 539, Esdras aurait seulement recueilli, rétabli et mis en ordre ce qui restait des Livres Saints, précédemment incendiés. Mais tous les Livres de l’Ancien Testament hébreu n’étaient pas encore composés du temps d’Esdras. Les critiques qui pensaient que ce scribe avait clos le canon biblique ont pu s’imaginer qu’il avait fait une sorte d’édition des Livres Saints, de concert avec les membres de la Grande Synagogue. Cf. J. Buxtorf, Tiberias, Bâle, 1620, p. 93181. Son rôle dans la formation du canon doit être restreint davantage, et les données rabbiniques sur la Grande Synagogue sont fort sujettes à caution. Voir t. ii, col. 139-141. Esdras a rapporté la Loi du pays de la captivité, I Esd., vii, 14, et il a restauré le culte divin conformément au livre de Moïse. Voir t. v, col. 69. Les rabbins prétendaient qu’au retour de la captivité on avait trouvé au parvis du Temple trois rouleaux du Pentateuque, qui servirent à constituer le texte, en le conformant à deux de ces documents lorsqu’ils étaient d’accord contre le troisième dans les cas de divergence. Talmud de Jérusalem, traité Taanith, IV, 2, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 179-180. Cf. t. v, col. 81. Tout au plus peut-on supposer, sans pouvoir en fournir la preuve directe, qu’Esdras a veillé à la transmission d’un texte correct du Pentateuque et des autres Livres Saints, qui lui étaient antérieurs.

Il est légitime de penser que ces Livres Saints n’avaient déjà plus du temps d’Esdras leur pureté originelle. Soumis aux conditions ordinaires de la transcription des livres, ils avaient dû subir les injures du temps et être victimes de l’incurie des copistes. Des fautes s’étaient inévitablement introduites dans les copies successives, puisque Dieu n’avait pas jugé bon d’intervenir par un miracle pour empêcher toute altération des écrits, dont il était l’auteur. Leur nombre et leur importance dépendaient de la multiplication des copies. Or, nous ignorons si les Livres Saints des Juifs étaient copiés souvent. Restreints à un petit peuple peu lettré et confiés à la garde des prêtres, qui surveillaient au moins les copies de la Loi, ils n’ont vraisemblablement pas subi de graves altérations. Cependant ils n’ont pas pu échapper à toute modification, involontaire ou même volontaire. Dans sa décision du 27 juin 1906, la Commission biblique en admet le principe et le fait même pour le Pentateuque qui était mieux surveillé, voir t. v, col. 63, sans toutefois distinguer les époques et les temps. Il en a été de même des autres livres, aussi bien dans la première période de leur histoire que dans les suivantes. On a pensé avec raison que le changement d’écriture qui s’est produit après le retour de la captivité, voir t. ii, col. 1580-1582, a amené quelques modifications de détail dans la transcription du texte sacré, surtout dans les chiffres. Paulin Martin, De l’origine du Pentateuque (lithog.), Paris, 1886-1887, t. i, p. 85-98.

Du reste, nous ne sommes pas réduits à de simples hypothèses, plus ou moins vraisemblables, sur l’état dans lequel se trouvait le texte hébreu avant la version des Septante. Le Pentateuque samaritain, transmis dans l’ancienne écriture, est au moins antérieur à cette version. Or, il présente un certain nombre de variantes comparativement au texte massorétique. Les plus connues sont celles qui concernent l’âge des patriarches antédiluviens et postdiluviens. Voir t. ii, col. 721-724. Les autres plus nombreuses sont pour la plupart des transpositions, des additions et des modifications, que les critiques actuels attribuent généralement aux Samaritains eux-mêmes. Voir t. v, col. 1422-1423. Quelques-unes peuvent provenir aussi de l’incurie des copistes samaritains. Elles peuvent donc rarement servir à reconstituer le texte primitif du Pentateuque. Elles montrent à tout le moins comment le texte sacré se transcrivait et se transmettait à l’époque qui a précédé la plus ancienne version de l’Écriture. Voir R. Simon, Histoire critique du Vieux Testament, 1. 1, c. x-xiii, Rotterdam, 1685, p. 63-83 ; P. Martin, De l’origine du Pentateuque (lithog.), t. i, p. 71-85.

Un autre moyen de nous rendre, avec certitude, compte de la manière dont le texte hébreu s’est transmis avant la version des Septante consiste à étudier les passages qui sont plusieurs fois reproduits en différents livres de la Bible et que l’on appelle deutérographes. Ils ont été diversement transcrits dans les divers endroits où ils sont reproduits. Quelques-uns sans doute ont été originairement distincts, tels que le Ps. xiv et le Ps. lui, et il y a par suite des variantes qui sont originales et ne dépendent pas de l’histoire du texte. D’autres, tels que le Ps. xviii reproduit II Sam., xxii, les Ps. cv, l-15, et xcvi, qui sont répétés I Par., xvi, 8-36, et les chapitres xxxvi-xxxix d’Isaïe, qui correspondent, sauf le cantique d’Ézéchias, à II Reg., xviii, 17-xx, 20, ont eu un sort différent et n’ont pas été sujets aux mêmes accidents et aux mêmes modifications. Les derniers présentent, en outre, cette curieuse particularité que le ch. xxviii d’Isaïe est plus notablement altéré, tandis que la majeure partie de la narration est restée en assez bon état dans les deux exemplaires. Voir J. Touzard, De la conservation du texte hébreu. Étude sur Isaïe, xxxvi-xxxix, dans la Revue biblique, 1897, t. vi, p. 31-47, 185-206 ; 1898, t. vii, p. 511-524 ; 1899, t. viii, p. 83-188. Par l’examen comparé de ces deutérographes nous pouvons nous faire une idée des modifications de détails que les Livres Saints ont subies par le fait des copistes dans les temps qui se sont écoulés depuis leur composition jusqu’à leur traduction en grec. F. Vodel, Die consonantischen Varianten in den doppellüberlieferten poetischen Stücken des massoretischen Textes, Leipzig, 1905.’On peut comparer encore les généalogies de la Genèse, v, x et xi, avec celles de I Par., i, 1-27, les passages parallèles des livres de Samuel et des Rois avec ceux des Paralipomènes ; II Reg., xxiv, 18-xxv, 30, avec Jer., lu ; Is., ii, 2-4, avec Mich., iv, 1-3. Beaucoup de changements sans doute ont été faits intentionnellement par les écrivains sacrés, qui ont donné comme une seconde édition du même morceau. Cependant, d’autres sont accidentelles « t trahissent la négligence des copistes. Ces deutérographes nous apprennent ainsi que les textes sacrés ont été, durant la première période de leur existence, légèrement altérés ; ils nous montrent aussi dans quelle mesure ces altérations se sont produites : elles ne constituent que des fautes de détails, qui sont sans grande importance et laissent intacte la substance du récit historique ou du cantique, qui a été deux fois transcrit.

II. Période qui va de la version des Septante à la