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TERRE

tante : γή ; Vulgate : terra, humus), la planète qui sert d’habitation aux hommes. — La Sainte Écriture prend le mot « terre » en divers sens.

I. Sens cosmologique.

État de la terre.

La terre a été, comme le ciel, créée par Dieu à l’origine et méthodiquement agencée par sa puissance. Gen., i, 1-25. Voir Cosmogonie, t. ii, col. 1034. Pour les Hébreux et pour les écrivains sacrés, qui, sur les questions scientifiques, ne sont que l’écho des idées populaires de leur temps, la terre forme un tout parallèle au ciel visible. Le ciel et la terre composent l’univers, Gen., i, 1 ; xiv, 19 ; Exod., xxxi, 17 ; etc. ; les astres du firmament éclairent la terre et y divisent les temps. Gen., i, 14-18. Les Égyptiens imaginaient la terre comme une sorte de table formée des continents et des mers, et entourée de montagnes dont quatre, situées aux points cardinaux, soutenaient le plafond de fer qui constituait le firmament et d’où pendaient les étoiles. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 16-17. Les Chaldéens se la figuraient comme une sorte de couffe renversée, formant la partie basse du monde. Elle s’exhaussait peu à peu jusqu’aux régions neigeuses des sources de l’Euphrate, où elle avait son point culminant. Elle était entourée d’une mer mystérieuse au delà de laquelle se dressait une muraille uniforme et continue, appelée la « levée du ciel », parce que le ciel s’appuyait sur elle. Le ciel était une coupole de métal dur que le soleil illuminait pendant le jour et qui était semée d’étoiles pendant la nuit. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 543-544. Les écrivains sacrés s’inspirent de ces idées, mais sans les préciser. Dieu a posé les fondements de la terre, il en a déterminé les dimensions et a tiré sur elle le cordeau, il en a posé la pierre angulaire sur laquelle reposent ses bases. Job, xxxviii, 4-6. Il a fondé la terre et affermi les cieux. Prov., iii, 19 ; viii, 29 ; Is., xl, 21 ; Jer., xxxi, 37 ; Mich., vi, 2 ; Zach., xii, 1 ; Eccli., xvi, 19 ; Heb., i, 10. Il a affermi la terre sur ses bases et elle est à jamais inébranlable. Ps. civ (ciii), 5. Pour Isaïe, xl, 22, la terre est un ḥûg, γῦρος, orbis, un cercle, expression qui ne suppose point l’idée de globe, mais qui exprime seulement celle de l’horizon circulaire. Cf. Prov., viii, 27. La surface terrestre repose sur des colonnes, I Reg., ii, 8 ; Job, ix, 6 ; Ps. lxxv (lxxiv), 4, manière de parler qui peut être purement poétique, car ailleurs il est dit que Dieu « étend le septentrion sur le vide, il suspend la terre sur le néant. » Job, xxvi, 7. Cette dernière conception est en harmonie avec la réalité, à condition de prendre le vide et le néant dans un sens relatif. En Chaldée comme en Égypte, on croyait le monde en équilibre sur les eaux éternelles. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 543. Moïse suppose aussi des eaux au-dessous de la terre, Exod., xx, 4, et des auteurs postérieurs disent que Dieu a « fondé la terre sur les mers et l’a affermie sur les fleuves, » Ps. xxiv (xxiii), 2 ; « il a étendu la terre sur les eaux. » Ps. cxxxvi (cxxxv), 6. La Vulgate parle du « sommet de la terre jusqu’à ses limites ». Deut., xxviii, 64. Cette expression semblerait se référer à la conception chaldéenne sur la figure de la terre. Mais dans l’hébreu il n’est question que des « extrémités de la terre », miqṣêh ve’ad-qeṣêh, ἀπ ἄκρου ἓως ἄκρου, « d’une extrémité à une extrémité ». Les extrémités de la terre, dont il est question, Ps. lxxiv (lxxiii), 17 ; Prov., xxx, 4 ; Is., xl, 28 ; Dan., iv, 8 ; etc., sont les bords inconnus de la surface terrestre. Chaque peuple regardait son pays comme le centre de cette surface plus ou moins circulaire. Voir t. iii, fig. 172, col. 841. Israël est de même le centre des nations et de la terre. Ezech., v, 5 ; xxxviii, 12. Le mot orbis, employé par la Vulgate, correspond habituellement à ṭêbêl, I Sam. (Reg.), ii, 8 ; Ps. xviii (xvii), 16 ; Is., xiv, 17, 21 ; Jer., x, 12 ; etc., qui ne préjuge rien sur la forme de la terre, puisque sa racine yâbal signifie « produire » et indique que ṭêbêl désigne la terre au point de vue de sa fécondité. Les Septante rendent ce mot par οἰκουμένη, Ps. lxviii (xvii), 16 ; Is., xiv, 17 ; Jer., x, 12 ; Dan., iii, 45 ; etc., qui se rapporte à la terre en tant qu’habitée. En somme, les anciens Hébreux savent que la terre a été créée par Dieu ; mais il n’y a pas à s’étonner qu’ils ignorent son étendue, sa rotondité, sa rotation, sa révolution autour du soleil et sa place cosmique, toutes choses d’ordre scientifique dont la révélation n’avait pas à s’occuper. Les observations astronomiques des Babyloniens et des Égyptiens avaient surtout un but utilitaire. Les Grecs donnèrent aux leurs un caractère plus scientifique. Thalès de Milet, le premier, 600 ans avant l’ère chrétienne, paraît avoir enseigné la sphéricité et l’isolement de la terre Cf. P. Puiseux, La terre et la lune, Paris, 1908, p. 3. Plus tard, Aristote démontra la sphéricité.

Son agencement.

L’aménagement de la terre pour le séjour de l’homme est sommairement décrit par Moïse. Gen., i, 2-25. Dans le principe, elle était ṭohû vàbohû, état de désordre et d’inorganisation dont l’idée est restée attachée à l’expression française « tohu-bohu », Septante : ἀόρατος καὶ ἀκατασκεύστος « invisible et inorganisée », inanis et vacua, « informe et vide ». Gen., i, 2. L’Esprit de Dieu, c’est-à-dire sa puissance, créatrice et organisatrice, se mouvait au-dessus des eaux, de manière à produire une distinction effective entre les continents et les mers, d’où le sens de « terre » opposé à celui de « mer », la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment désignant l’ensemble du globe. Gen., i, 10 ; Exod., xx, 11 ; Job, xi, 9 ; Ps. lxv (lxiv), 6 ; lxix (lxviii), 35 ; cxxxv (cxxxiv), 6 ; Tob., lviii, 7 ; I Mach., viii, 23 ; Act., iv, 24 ; Apoc. v, 13 ; etc. Dieu voulut ensuite que la terre fit pousser les végétaux et apparaître les animaux, Gen., i, 11, 24, non que la terre eût ce pouvoir par elle-même, mais parce que Dieu avait nécessairement déposé en elle les germes de tous ces êtres ou qu’il les y produisait successivement. Toutes ces œuvres du Seigneur sont énumérées dans le Cantique des compagnons de Daniel et invitées à louer leur créateur. Dan., iii, 64-82. Dans l’ensemble, aussi bien que dans le détail, Dieu a « tout réglé avec mesure, avec nombre et avec poids, » Sap., xi, 21 ; aussi s’est-il rendu ce témoignage que l’œuvre accomplie par lui sur la terre était bonne. Gen., i, 11, 13, 21, 25, 31. Job, xxxviii, 4-30, décrit le magnifique spectacle que présente la terre, quand, illuminée par les clartés de l’aurore, « elle prend forme, comme l’argile sous le cachet, et se montre parée comme d’un vêtement, » avec le relief de ses montagnes et de ses vallées, de ses champs et de ses eaux, de sa verdure et de ses rochers.

II. Sens géographique.

Dieu a mis l’homme sur la terre pour s’y multiplier et la remplir. Gen., i, 28 ; ix, 1. Les hommes se sont dispersés pour occuper peu à peu les différentes régions de la terre. Gen., x, 2-31. Afin de s’y reconnaître, ils en ont désigné les parties par rapport au mouvement apparent du soleil. Voir Cardinaux (Points), t. ii, col. 257. Puis le nom de terre, ’érés et quelquefois ’âdâmâh, a été donné aux régions particulières occupées par des nations, des tribus, etc.

Pays d’une nation.

Le mot terre a souvent le sens de région, de pays particulier. La Bible mentionne la terre d’Éthiopie, Gen., ii, 13, la terre de Chanaan, donnée à Abraham et à ses descendants, Gen., xi, 31 ; xil, 7, la terre de Sennaar, Gen., xi, 2, la terre d’Egypte, Gen., xxi, 21, la terre de Séïr, Gen., xxxii, 3, la terre d’Édom, Gen., xxxvi, 31, la terre de Gessen, Gen., xlv, 10, la terre de Moab, Deut., i, 5, la terre des Héthéens, Jos., i, 4, la terre d’Israël, I Reg., xiii, 19, la terre des Philistins, I Reg., xxvii, 1, la terre des Arméniens, IV Reg., xix, 37, la terre des Assyriens, Is., vii, 18 ;