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TARSE


nabé vint l’y chercher, xi, 25, pour aller travailler avec kii à la propagation du christianisme parmi les Gentils, à Antioche. Cf. xsii, 21. Pendant le séjour qu’il fit à Tarse, on ne peut douter qu’il n’y ait prêché la religion nouvelle qui y a toujours compté depuis des fidèles. Cf.Act., xv, 23, 41 ; Gal., i, 21. Il visita peut-être aussi sa ville natale avant d’entreprendre son second et son troisième voyage de missions qu’il commença en partant d’Antioche. Voir Paul, t. iv, col. 2201. — 2° « Je suis… de Tarse, en Cilicie, citoyen de cette ville qui n’est pas sans renom, » dit saint Paul au tribun Lysias qui l’avait fait arrêter à Jérusalem. Act., xxi, 39. Tarse doit surtout sa renommée au grand Apôtre à qui elle donna le jour, mais elle était de fait une ville importante au premier siècle et Dieu voulut y faire naître « son vase d’élection », Act., IX, 15, qu’il prédestinait à porter son nom devant les Gentils, pour que cet enfant d’origine juive pût y recevoir l’éducation grecque qu’il était nécessaire de lui donner afin qu’il pût travailler efficacement à la conversion des Grecs et des Romains qu’il devait évangéliser.

II. Histoire. — 1° Quand Paul vint au monde à Tarse (fig. 449), cette ville était un des plus grands centres intellectuels de l’empire romain. Une légende

448. — Monnaie de Tarse des premiers temps de l’époque impériale romaine. — tapeeqn. Zeus, vêtu de l’himation autour des membres inférieurs, assis, à gauche, sur un trône ; sur sa main droite, Nikê, la Victoire, avec une guirlande ; de la main gauche il tient le sceptre ; devant lui, étoile et croissant. — Sj. Massue avec un cordon. — À droite et à gauche, monogrammes. MHTPO. Le tout dans une couronne de chêne.

en attribue la fondation à Sardanapale, c’est-à-dire à Assurbanipal, roi d’Assyrie (voir t. i, col. 1144), dont les Grecs défigurèrent complètement l’histoire. Cf. Arrien, De exped. Alexandri, ii, 5, édit. Didot, p. 38 ; Cléarque de Soli, Histor. grsec. Fragm., 5, édit. Didot, t. ii, p. 305. D’après Alexandre Polyhistor et Abydène, dont Eusèbe nous a conservé le récit, Chron., 1. I. v, 1 ; ix, 1, t. xix, col. 118, 123, le fondateur de Tarse fut Senmachérib, le grand-père d’Assurbanipal, et il la bâtit sur le modèle de Babylone, de sorte que le Cydnus coulât au milieu de la cité nouvelle, comme l’Euphrate à Babylone. Les monuments assyriens nous montrent que Tarse est antérieure à Sennachérib. L’obélisque noir de Nimroud, où Salmanasar raconte ses guerres, mentionne dans sa vingt-sixième campagne, ligne 138, la prise de Tarse et le tribut d’argent et d’or qu’il fit payer aux habitants (831 avant J.-C). Il semble bien être le premier roi de Ninive qui porta ses armes à Tarse. F. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., 1. iv, 1885, p. 201 ; Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. i, 1889, p. 144-145.

Quand plus tard les Grecs s’établirent à Tarse, leur imagination inventive lui trouva une autre origine. Elle fut fondée, dit Strabon, XIV, x, 12, par les Argiens qui étaient allés avec Triptolème à la recherche d’Io. Dion Chrysostome, Orat., xxxiii, ad Tars. ; Libanius, Orat., xxviii, 6, 20, disent que les habitants de Tarse attribuaient la fondation de leur cité à Persée ou à Hercule ; cette dernière attribution est le mélange des traditions orientales avec les traditions grecques : Persée était un personnage oriental et assyrien, Hérodote, vi, 54 ; Héraclès ou Hercule était un dieu tyrien colonisateur.

2° Sous les Perses. — À part là mention de la ville dans les documents assyriens, l’histoire de Tarse est inconnue sous la domination assyrienne, qui fut remplacée par celle des Perses. Les premières monnaies furent frappées par les satrapes perses qui la gouvernaient et y avaient établi leur résidence. Voir Hill, Catalogue of British Muséum Coins of Lycaonia, IsauHa and Cilicia, p. lxxvi-xcviii, 162-230. Il y avait dès lors beaucoup de Grecs qui y avaient été attirés par le commerce, car les monnaies les plus anciennes sont frappées d’après des types helléniques dans leur ensemble et avec un mélange de caractères grecs, aussi bien qu’araméens.

3° Sous les Grecs. — Xénophon, Anabas., i, 2, 23, vers l’an 400 avant notre ère, atteste que Tarse était alors une grande ville opulente, où se trouvait le palais de Syennésis, roi de Cilicie. Sous les Séleucides, Tarse fut soumise à leur domination ; elle frappa alors des monnaies autonomes et, de ville orientale, devint surtout une cité hellénique. Sous Antiochus IV Épiphane (175-164), elle prit le nom d’Antioche sur le Cydnus qu’elle porta sur les monnaies de cette époque. Le Baset Waddington, Inscriptions d’Asie-Mineure, n. 1486. Vers 171 avant J.-C, ce roi, suivant une coutume des rois de Syrie, avait attribué les revenus de la ville de Tarse à une de ses concubines, appelée Antiochide, II Mach., iv, 30, ce qui amena une révolte parmi ses habitants, sans doute trop pressurés, Épiphane alla lui-même en personne calmer la sédition, et il y réussit, sans doute en lui conférant de nouveaux privilèges. Le nom d’Antioche qu’il lui conféra ne fut pas longtemps en usage et celui de Tarse reprît bientôt le dessus. Il est probable que c’est alors que les Juifs y affluèrent, comme dans d’autres villes d’Asie-Mineure où les Séleucides les appelaient comme colons.

4° Sous les Romains. — De la domination des rois Séleucides, Tarse passa sous celle des Romains, qui se rendirent peu à peu complètement maîtres de la Cilicie. Le pays fut définitivement conquis par Pompée en 66 avant notre ère et la Cilicie fut organisée en province, en 64, avec Tarse pour capitale. Tarse n’eut qu’à se louer de la façon dont elle fut traitée par Jules César, par Antoine et par Auguste. Elle prit le nom de Juliopolis en l’honneur de Jules César. Dion Cassius, xlvii, 26. Cassius en 43 lui fit expier son dévouement à César, mais Antoine l’en récompensa bientôt en lui donnant les privilèges d’une cité libre, civitas libéra ; il y établit même pendant quelque temps sa résidence et c’est là qu’il reçut en 34 la visite de Cléopàtre, reine d’Egypte, à laquelle il la donna pour faire partie de son royaume. Lorsque Auguste eut battu Antoine, il augmenta les privilèges de Tarse et la Cilicie fut unie à la Syrie pour former une vaste province.

Telle était la situation de Tarse lorsque Saul y vint au monde. Elle atteignait alors l’apogée de son éclat et de sa splendeur, et elle était devenue une des trois grandes villes intellectuelles de cette époque dans l’empire romain. Non seulement elle luttait avec les deux autres grandes écoles de ce temps, Athènes et Alexandrie, mais elle les dépassait, dit Strabon, XIV, v, 13, quoiqu’elle ne comptât guère que des maîtres et des étudiants indigènes. Et le polygraphe grecénumère les nombreux savants, philosophes, grammairiens, rhéteurs, qui illustrèrent alors Tarse et se firent admirer à Rome. Strabon, XIV, v, 14-15. Le jeune Saul put connaître et entendre quelques-uns de ces personnages célèbres, comme Nestor qui florissait de son temps et vécut 92 ans. C’est à leur école qu’il apprit à connaître les philosophes et les littérateurs grecs qu’il cita depuis dans le cours de son apostolat.

5° Tarse moderne. — Après avoir passé par les vicissitudes les plus diverses depuis l’époque de saint Paul, Tarse n’est plus aujourd’hui qu’une ville déchue de