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1997
1998
TARGUMS


devait modifier à dessein le texte concernant les unions prohibées, Lev., xviii, 7-23, et on lui imposait silence ; on l’apostrophait, quand conventionnellement il traduisait inexactement. Lev., xviii, 21. lbid., iv, 10, p. 253, 254. Quelques passages, la plupart scabreux, l’histoire de Ruben, Gen., xxxv, 22, la fin du récit du veau d’or, Exod., xxxii, 21-25 (ou 35), la bénédiction sacerdotale Num., VI, 24-27, réservée pour le rite de la bénédiction et pas permise pour la simple lecture, l’adultère de David et l’inceste d’Amnon, II Sam., xi, xiii, étaientlus, mais pas traduits. On traduisait toutefois l’histoire de Thamar, Gen., xxxviii, parce que Juda s’est repenti, et le commencement du récit du veau d*or, Exod., xxxii, 1-20, parce qu’il tournait à la honte d’Aaron seulement et non à celle du peuple. lbid., iv, 11, p. 254-255. Juda ben liai, disciple d’Akiba, déclarait qu’il fallait rendre l’original strictement et que toute addition devait être considérée comme un blasphème. Talmud de Babylone, traité Kiddouschim, 49a.

La version araméenne servait aussi à l’enseignement de la Bible ou Mikra, dans les écoles, et nous avons cité plus haut le sentiment d’un rabbin qui interdisait au maître d’école de lire le targum dans un livre. Les allusions au targum comme objet d’étude sont extrêmement rares dans la littérature juive. D’après le Sifré sur le Deutéronome, 161, le targum est une branche d’étude intermédiaire entre le Mikra et la Mischnah.

La tradition rabbinique reporte l’usage de traduire les lectures publiques de la Bible en araméen à l’époque d’Esdras. Le Talmud de Jérusalem, traité Meghilla, I, 9, t. vi, p. 212, voit la version araméenne mentionnée dans Esd., iv, 8, et il entend Neh., toi, 8, de la lecture de la Loi, suivie de sa traduction en langue vulgaire. Ibid., iv, 1, p. 246. Il parle d’un targum de Job présenté à Gamaliel I er. Traité Schabbath, xvi, 1, t. iv, p. 161. On a voulu trouver des preuves de l’existence des targums dans le début du psaume xxi, cité en araméen par Jésus sur la croix, Matth., xxvii, 46 ; Marc, xv, 34, et dans la citation du ps. lxviii (heb.), 4, par saint Paul, Eph., IV, 8, citation du texte du targum, disait-on, plutôt que du texte hébraïque. Ces preuves n’ont aucune valeur. Paul de Lagarde a supposé qu’une partie de la version des Septante avait été faite sur un targum et pas sur le texte original. Il s’appuyait sur les additions et les explications que contiennent quelques livres de la version grecque. L’abbé Paulin Martin a aussi expliqué comme variantes de targum les divergences notables que la version des Septante présente en certains passages des livres de Samuel et des Rois relativement au texte massorétique. Introduction à la critique générale de l’Ancien Testament. De l’origine du Pentateuque (lithog.), Paris, 1886-1887, t. i, p. 4750, 61-69. Quoi qu’il en soit, l’usage de la traduction araméenne dans le service liturgique des synagogues juives est antérieur à l’ère chrétienne et contemporain du second Temple. On ne peut guère lui assigner de date précise, et il n’y a à ce sujet que des hypothèses plus ou moins fondées.

La traduction araméenne, d’abord orale et transmise par la tradition, finit par être mise par écrit pour l’enseignement des écoles, sinon pour l’usage liturgique. On discute beaucoup sur la date à laquelle aurait eu lieu cette transcription de la version araméenne, et on ne s’entend pas sur l’époque de la composition des plus anciens targums. On a pensé longtemps que le targum officiel de la Loi et des Prophètes, rédigé du 1° au me siècle, d’abord en Palestine, dans le dialecte de la contrée, avait passé ensuite chez les Juifs de la Babylonie, qui le reconnurent comme texte d’enseignement scolaire, après lui avoir fait subir des remaniements au double point de vue de la langue et des idées. La recension babylonienne, dans laquelle il nous est parvenu, serait tardive et daterait au plus tôt du

Ve siècle de notre ère, mais on y reconnaîtrait encore des éléments antérieurs. Deux amoraim palestiniens du IIe siècle, Josué ben Lévi et Amni, disciple de Jonathan, auraient fait, en leur propre nom, un targum sur les parUyôf de la Loi. L’avis de plus en plus prédominant aujourd’hui est que certains targums sont d’origine babylonienne et d’autres de provenance palestinienne.

Les plus anciens sont, dans l’ensemble, de véritables versions à peu près littérales, où l’interprétation aurait introduit peu d’additions. Les plus récents sont paraphrasés davantage, envahis qu’ils sont par des légendes juives ; c’est le cas notamment des targums des Hagiographes, œuvres individuelles sans autorité officielle. L’emploi des targums a cessé chez les Juifs, quand ceux-ci n’ont plus parlé araméen. On les a négligés peu à peu. Ils étaient abandonnés en Espagne au xi c siècle. On sait aussi que les sections liturgiques étaient paraphrasées en persan à la synagogue de Bokhara.

3° Utilité. — Elle est multiple et variée, selon les cas. — 1. Au point de vue critique. — Ces versions araméennes sont faites sur un texte hébraïque qui représente, dans l’ensemble et sauf quelques leçons spéciales, le texte massorétique, dont il prouve la fixité. — 2. Au point de vue exégétique. — Elles nous font connaître la façon dont les Juifs interprétaient leur Bible à l’époque où elles ont été composées ; elles sont donc des documents intéressants de l’exégèse juive, notamment pour les interprétations plus anciennes qu’elles ont conservées. — 3. Au point de vue de la langue araméenne. — Composées en Palestine ou en Babylonie, elles représentent les nuances des différents dialectes que parlaient les Juifs dans ces deux contrées.

4° Nombre. — Il existe des targums sur tous les livres de la Bible hébraïque, sauf trois, Daniel et les deux livres d’Esdras, trois écrits dont une partie est rédigée en araméen.

On peut les classer suivant les trois grandes divisions de la Bible hébraïque : la Loi, les Prophètes et les Hagiographes. On peut les ranger aussi suivant l’ordre chronologique de leur composition. Nous suivrons ce dernier ordre.

II. Des targums en particulier. — î. targum babylonien DU PENTATEUQUE, DIT TARGUM D’ONFELOS. — 1° Auteur. — Il est inconnu, car l’attribution à Onkelos, disciple de Gamaliel, est aujourd’hui généralement rejetée par les critiques, qui pensent que Onkelos a été confondu par les rabbins de Babylonie avec le prosélyte Aquila, traducteur de la Bible hébraïque en grec. Voir Aquila 2, t. i, col. 811 ; Onkelos, t. iv, col. 18191820. Le passage du Talmud de Jérusalem, traité Meghilla, i, 9, est traduit par M. Schwab, t. IV, p. 213 Le Talmud, lorsqu’il rapporte des leçons du targum du prosélyte Aquila, donne toujours des termes grecs. Ainsi, dans son targum, il traduit les ac boîtes de parfums » dont parle Isaïe, iii, 20, moy.àx<>v xeipîai. Traité Schabbath, vi, 4, trad. Schwab, t. iv, p. 73. Cf. Drach, Pat. gr., note, t. xvi, col. 1633 ; J. Field, Origenis Hexaplorum quæ supersunt, Oxford, 1875, t. ii, p. 437. Le complément ma-by, Ps. xlviii, 15, est traduit dans la version d’Aquila par àdavasioc, « immortalité ». Traité Meghilla, II, 4, trad. Schwab, t. VI, p. 232. Le mot-fin, Lev., XXIII, 40, est traduit dans Aquila parûSiap, « eau », pour indiquer que l’arbre dont il est question (le cèdre ) croît près de l’eau. Traité Soucca, iii, 5, ibid., p. 25. Le passage de Daniel, v, 5 : en face de la lumière, est traduit par Xaixitâç dans Aquila. Traité Yoma, iii, 8, trad. Schwab, t. v, p. 198. Cf. Fûrst, op. cit., t. ii, p. 919. Ce traducteur a entendu Lev., xix, 20, d’une esclave touchée par un homme. Traité Qiddouschim, i, 1, trad. Schwab, t. ix, col. 203. Le Talmud de Jérusalem ne connaît donc qu’une version grecque d’Aquila. Voir