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PHARAON D’ABRAHAM

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temps de Ramsès II, comme faisait, par exemple, l’auteur du Conte des deux Frères, On ne peut donc lui demander une meilleure mise au point. « Ce fut surtout au temps des Ramsès, quand le peuple d’Israël était prisonnier en Egypte, que ces mots (per àa) servirent à dénommer le roi du Delta et de la Thébaïde… Lorsque nous donnons aujourd’hui à Ramsès le nom de Pharaon, nous employons l’expression même dont se servaient ses contemporains pour le désigner. » V. Loret, L’Egypte au temps des Pharaons, 1889, p. 18. Par cette simple observation nous voyons aussi le cas qu’il faut faire de cette autre affirmation, au sujet du séjour d’Abraham en Egypte, Gen., xii, 15 sq. : « Le récit contient une pâle représentation des choses d’Egypte ; il ne connaît ni le nom du Pharaon ni le nom de sa capitale, » Gvmkel, Genesis, 1901, p. 156. Smis doute, au temps d’Abraham, per àa n'était pas encore devenu l’expression usuelle pour désigner le roi. Mais rappelons-nous que Moïse vit, écrit et meurt en pleine époque ramesside. Voudrait-on qu’il eût fait de l’archaïsme ou du style de basse époque ! Et précisément, ce qui fait que le Pentateuque, en ce qui concerne le mot Pharaon — seul point en question ici — est pour nous l'œuvre de Moïse, c’est que le mot Pharaon reste indéterminé sous sa plume. Le préciser par l’adjonction d’un prénom serait nous rejeter au moins à la XXII dynastie, c’est-à-dire après l’an 1000. C’est justement pour placer la composition du Pentateuque vers cette date que d’autres ont émis des conjectures d’apparence plus scientifique. Us veulent bien que le titre « Pharaon » soit employé familièrement dans la littérature populaire du Nouvel-Empire. Mais c’est plus tard seulement, affirment-ils, qu’il devient le mot usuel pour « roi » et se substitua aux anciennes expressions comme honef, « sa majesté », et sotiten. Par conséquent les Hébreux ne purent le recevoir qu’après l’an 1000 avant J.-C. W. M. Mùller, art. Pharaoh, loc. cit. M. W. M. Mûller oublie que l'évolution du mot per àa est complète sous la XVIIIe dynastie, témoin l’adresse de la lettre à Aménophis IV. Pharaon est donc dès lors le mot usuel, le terme courant et à la portée de tous qu’un historien emploiera de préférence. Et pourquoi les Hébreux vivant en Egypte et mêlés aux Égyptiens, pourquoi Moïse surtout, élevé dans le palais royal, auraientils ignoré ce fait et parlé autrement que les gens qui les entouraient ? Ce raisonnement garde toute sa valeur même dans l’hypothèse peu recevable de ceux qui veulent faire coïncider l’Exode avec les temps troublés d' Aménophis IV. W. M..Mûller, loc. cit., prétend tirer une confirmation de son dire dans le fait qu’en Asie, au xiv « siècle, le mot Pharaon est absent des Lettres cunéiformes de Tell Amarna adressées à Aménophis III et à Aménophis IV de la XVIIIe dynastie. Mais on ne peut établir de parité entre les auteuus de ces lettres, des roitelets syriens, vivant en dehors de la vie égyptienne, et les Hébreux habitant la terre même des Pharaons, et Moïse surtout « instruit dans toute la sagesse des Egyptiens », Act., vii, 22, et auquel nous ramène à chaque instant, comme à l’auteur du Pentateuque, ce que nous révèle l'égyptologie. Cf. Heyes, Bibel und Aegypten, i$0b, p. 24. C. Lagier.

2. PHARAON D’ABRAHAM. — 1° C’est le premier que mentionne la Bible. Gen., xii, 15. Avec Ebers, Aegypten und die Bûcher Mose’s, t. i, p. 256-258, et d’autres, ce Pharaon doit-il être cherché parmi les Aménémhat ou les Osortésen de la XIIe dynastie, c’est-à-dire aux environs de l’an 2000? Il n’y aurait pas d’hésitation possible si nous devions admettre comme certaine la récente chronologie baséeparEd. Meyer, Aegyptische Chronologie, dans les Abhandlungen der kbniglichen preussischen Akademie, 1904, sur un lever de Sothis découvert dans un papyrus de Kahun par Borchardt. Zeitschrift fur


àg.Sprache, t. xxxvii, 1899, p. 99-101. J. H. Breasted, A history of Egypt, in-8°, New-York, 1905, et Ancient Records of Egypt, t. i, 1906, p. 25-39, accepte de confiance cette chronologie. Mais ainsi que leremarque Maspero, Revue critique, nouvelle série, t. i, xii, 1906, p. 142, « lors même qu’on admettrait l’authenticité des calculs élevés sur cette observation, la réduction systématique du nombre de siècles assignés aux dynasties antérieures à la XVIII<> n’est qu’une affaire de sentiment. M. Borchardt ayant à choisir pour l'époque delà' XIIe dynastie entre deux périodes sothiaques dont l’une le reportait au début du troisième millénaire avant J.-C ; , et l’autre au début du quatrième, a choisi la première a priori parce que l’autre ne lui convenait pas, et Ed. Mayer s’est rangé à cette façon de penser sur Vautorité de Borchardt : en lionne critique ils auraient dû se borner à poser l’alternative et à indiquer leur opinion personnelle sans l'ériger en axiome ne varietur. » Voir dans Archssological Report, 1904-1905, de VEgypt Exploration Fund, p. 43-44, un résumé de la question et des discussions qu’elle a soulevées entre Allemands. Faut-il maintenant avec d’autres retarder l’arrivée d’Abraham en Egypte ? C’est en particulier l’opinion de Sayce, The Egypt of the Hebrews and Herodotos, 3e édit., 1902, p. 16 sq. Il faut l’en croire si l’on accepte les calculs de Flinders Pétrie, Researches in Sinai, Londres, 1906, c. xii, p. 163185. Celui ci reprend résolument la période sothiaque abandonnée par Borchardt et Ed. Meyer, tâche de l'étayer à l’aide de dates trouvées au Sinaï, et assigne comme origine à la XIIe dynastie l’an 3459. Reste alors l’espace suffisant pour caser entre la XIIe dynastie (34593246) et la XVIII 6, qu’on admet de part et d’autre commencer vers 1580, pour caser, dis-je, la longue XIIIe dynastie et les suivantes qui comprennent la période des Hyksos. Reste aussi pour les dynasties XIII-XVII, si peu connues, * assez de jeu dans la chronologie relative de l’Egypte pour que, dit Maspero, loc. cit., nous y puissions ranger les faits nouveaux sans être obligés à démolir et à reconstruire un système rigoureux à chaque découverte d’un règne inconnu. » Étant données ces incertitudes de la chronologie générale, qui s’aggravent encore dans les détails, il n’est donc pas possible actuellement d’identifier le Pharaon d’Abraham ni même la dynastie contemporaine. Mais ce Pharaon n’en rappelle pas moins la vallée du Nil. Quoi qu’on en ait dit, il agit et parle en roi égyptien. L’exactitude de l'écrivain sacré et la confiance qu’il mérite ressortént pleinement du récit.

2° Le pharaon, dit la Genèse, xii, 16, fit bon accueil à Abraham. Ce n'était pas la première fois que des Sémites trouvaient faveur en Egypte. Le tombeau de Khnoumhotep à Beni-Hassan nous fournit un tableau d’immigrants asiatiques qui peut servir d’illustration â la descente d’Abraham, des enfants de Jacob et de Jacob lui-même en Egypte. Voir t. ii, la planche entre les colonnes 1067-1070. La caravane compte, hommes, femmes, enfants, trente-sept personnes. Quand même l’inscription ne le dirait pas, on ne peut se tromper sur la race à leurs traits, à leurs vêtements multicolores, à leurs armes. Ils ont le nez fortement aquilin, la barbé des hommes est noire et pointue, leurs armes sont l’arc, la javeline, la hache, le casse-tête et le boumerang. Si la plupart des hommes n’ont pour vêtement que le pagne bridant sur la hanche, le chef porte un riche manteau, les femmes, de longues robes de bon goût et de belle élégance, le tout rayé, chevronné, quadrillé de dessins bleus sur fond rouge ou rouges sur fond bleu, semé de disques blancs centrés de rouge. Des ânes portent le mobilier. Un autre âne est muni d’une sorte de selle à bords relevés où sont assujettis deux enfants.. G’est le grand veneur Néferhotep qui a rencontré ces Amoii, le scribe royal Khéti les a aussitôt inscrits et, en les pré V. - 7