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PÉCHÉ — PÉCHÉ ORIGINEL

Ses conséquences. — 1. Le péché sépare l’âme d’avec Dieu. Is., lix, 2. Si l’homme meurt dans son péché, Ezech., iii, 20 ; xii, 43 ; Joa., viii, 21, etc., cette séparation devient définitive. « La justice du juste ne le sauvera pas au jour de sa transgression, … le juste ne pourra pas vivre par sa justice le jour où il péchera. » Ezech., xxxiii, 12.

2. Par suite de l’affaiblissement moral que cause l'éloignement de Dieu, celui qui commet le péché finit par devenir esclave du péché, et il a de plus en plus de difficulté à se soustraire à sa tyrannie. Joa., viii, 43 ; Rom., vi, 17. « Le méchant est saisi par les liens de son péché. » Prov., v, 22 ; Eccli., XXI, 3. Le trouble et le malaise régnent dans son âme. Ps. xxxviii (xxxvii), 4, 19. Ainsi « ceux qui commettent le péché et l’iniquité sont leurs propres ennemis ». Tob., xii, 10. Le péché peut se généraliser dans une nation.

La justice élève une nation,
Mais le péché est l’opprobre des peuples.

Prov., xiv, 34.

3. Dieu menace et poursuit le péché des rigueurs de sa justice. Exod., xxxii, 34 ; Lev., XX, 20 ; Num., xxxii, 23 ; Jos., xxiv, 19 : « Jéhovah est un Dieu saint, un Dieu jaloux : il ne pardonnera pas vos transgressions et vos péchés… il se retournera, vous maltraitera et vous consumera. » Ps. lxxxix (lxxxvih), 33 ; Prov., xxii, 8 ; Ezech., xviii, 4 ; Dan., ix, 11 ; II Mach., vii, 18, etc. La justice de Dieu contre le péché s’exerce d’ailleurs par différents moyens, par les épreuves dans la vie présente, Jer., v, 25, etc., voir Mal, t, iv, col. 601, par les satisfactions volontaires, voir Pénitence, et par les sanctions de l’autre vie. Sap, , v, 2-14. Voir Enfer, t. ii, col. 1792 ; Purgatoire.

4. Le péché a de plus une répercussion prévue sur les générations qui suivent celui qui l’a commis, de même que la fidélité a la sienne. Dieu le fait répéter plusieurs fois : « Je suis Jéhovah, ton Dieu, un Dieu jaloux, qui punis l’iniquité des pères sur les enfants, sur la troisième et sur la quatrième génération à l'égard de ceux qui me haïssent, et qui fais miséricorde jusqu'à mille générations à ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements. » Exod., xx, 5-6 ; cf. xxxiv, 7 ; Num., xiv, 18 ; Deut, , v, 9 ; Jer., xxxii, 18 ; Lam., v, 7, etc. Cette répercussion, que l’expérience justifie fréquemment encore, ne fait pas porter aux enfants une peine injuste. Elle suppose que ces derniers imitent les péchés de leurs pères, ou constitue pour eux une épreuve temporelle destinée soit à les ramener au bien, soit à perfectionner leur vertu et à augmenter leur mérite définitif. Dieu se réservait d’appliquer cette sanction ; mais il n’a pas autorisé les hommes à châtier les enfants à cause de leurs pères. Deut., xxiv, 16 ; IV Reg., xiv, 6 ; II Par., xxv, 4. Le prophète Ézéchiel, xviii, 10-20, explique la conduite de Dieu en cette matière : impie lui-même, le fils de l’impie mérite d'être châtié ; vertueux et fidèle, il vit et ne porte pas le châtiment qu’ont attiré les crimes de son père.

Sa rémission. — Dieu est un juge sévère, mais il n’est pas un père inexorable. Voir Miséricorde, t. iv, col. 1131. Il veut bien pardonner le péché. Job, vii, 21 ; Ps. xxv (xxiv), 11 ; xxxii (xxxi), 1 ; lxxix (lxxviii), 9 ; lxxxv (lxxxiv), 3 ; Sap., xi, 24 ; Is., xliii, 25 ; Jer., xxxi, 34, etc.

2. Cependant, pour pardonner le péché, Dieu exige certaines conditions, et tout d’abord l’aveu. Lev., xxvi, 40 ; II Esd., ix, 2 ; Job, xxxi, 33, 34 ; Matth., iii, 6 ; Marc, i, 5 ; I Joa., i, 9, etc. Voir Confession, t. ii, col. 907.

3. Il veut ensuite le regret sincère. Joël., ii, 13, etc. Voir Pénitence.

4. Certaines œuvres obtiennent le pardon de Dieu et rachètent le péché. Voir Aumône, t. i, col. 1252 ; Charité, t. ii, col. 591 ; Jeûne, t. iii, col. 1528 ; Sacrifice.

5. Dans le Nouveau Testament, les péchés sont remis au nom du Père, Matth., vi, 14 15 ; Marc, xi, 25 ; Luc, xi, 4, par le Fils, Matth., ix, 2-6 ; Marc, ii, 5-10 ; Luc, v, 20-49 ; etc., qui envoie ses Apôtres prêcher cette rémission, Luc, xxiv, 27 ; Joa., xx, 23, et qui leur donne le pouvoir de l’accorder dans le sacrement de pénitence, Joa., xx, 23, et dans celui d’extrême-onction. Jacob., v, 15.

6. Le pardon du péché est accordé en vertu de la rédemption opérée sur la croix. Daniel, IX, 24, avait annoncé que le Messie mettrait fin au péché, c’est-à-dire à son influence irréparable. Jésus-Christ, par sa croix, obtint à l’homme le pardon du péché. Matth., i, 21 ; xxvi, 28 ; Joa., i, 29 ; Rom., vi, t3 ; I Cor., xv, 3 ; II Cor., v, 21 ; Gal., i, 4 ; Eph., 1, 7 ; Col., i, 14 ; Heb., ix, 28 ; I Pet., iii, 18 ; I Joa., i, 7 ; Apoc, i, 5, etc. Ce pardon peut même atteindre les âmes dans l’autre vie, au purgatoire. II Mach., xii, 46.

7. Les écrivains sacrés et Notre-Seigneur se servent de différentes expressions caractéristiques pour marquer la réalité de la rémission du péché : « pardonner, » par conséquent ne plus tenir rigueur, II Reg., xii, 13 ; III Reg., viii, 31 ; Tob., iii, 13, etc. ; « remettre, » par conséquent ne plus rien exiger à ce sujet, Ps. xxxii (xxxi), 1 ; Matth., ix, 2 ; Luc, vii, 48, etc. ; «  ne pas imputer, » ne pas mettre au compte du pécheur repentant, Num., xii, 11 ; Rom., iv, 7, 8. etc. ; « ne plus se rappeler, » tenir pour non avenu, Ezech., xxxiii, 16 ; « couvrir, » de manière qu’on ne le voie plus, Ps. lxxxv (lxxxiv), 3 ; « fermer les yeux, » parce qu’on ne veut plus voir, Sap., xi, 24 ; « effacer, purifier, laver, » comme une tache que l’on veut faire disparaître, Ps. li (l), 4 ; Is., xliii, 25 ; « enlever, » Is., vi, 7 ; faire disparaître comme de la glace qui se fond, Eccli., iii, 17, comme un nuage qui se dissout, Is., xliv, 22 ; « ne plus trouver, » comme une chose qui n’existe plus, Jer., l, 20 ; « d'écarlate, rendre blanc comme neige, » c’est-à-dire remplacer la tache du péché par quelque chose qui en est l’opposé, Is., i, 18 ; « jeter derrière son dos, » comme une chose qu’on dédaigne et qu’on ne reverra plus, Is., xxxviii, 17 ; « mettre sous ses pieds, » comme une chose méprisable qu’on veut détruire, et « jeter au fond de la mer », comme ce qui doit périr définitivement. Mich., vii, 19, etc. Ézéchiel, xxxiii, 14-16, exprime sans figure et de la manière la plus positive l’effet de la rémission du péché : « Lors même que j’aurai dit au méchant : Tu mourras ! s’il se détourne de son péché et fait ce qui est juste et droit, … on ne se rappellera plus aucun des péchés qu’il a commis : il a fait ce qui est droit et juste, il vivra. » La réalité objective de la rémission du péché est d’ailleurs démontrée par la conduite de Dieu à l'égard de grands pécheurs, Adam, Sap., x, 1, David, Marie-Madeleine, saint Pierre, saint Paul, etc.

PÉCHÉ ORIGINEL, péché commis par Adam, à l’origine de l’humanité, et par suite duquel tous ses descendants naissent dans un état de déchéance et de péché.

La faute initiale. — 1. Le récit de l’épreuve imposée à Adam, de la tentation, de la chute et du châtiment, est consigné dans la Genèse, iii, 1-19. Ce récit peut être interprété avec une certaine largeur, à condition de respecter la réalité du fait. Voir Adam, t. i, col. 175 ; Eve, t. ii, col. 2119. Les Pères l’ont généralement entendu dans son sens littéral, mais l'Église n’a pas condamné le cardinal Cajetan qui l’a expliqué allégoriquement. In Sacram Scripturam Commentarii, . 5 in-f°, Lyon, 1639, 1. 1, p. 22, 25. Voir Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., t, i, pi. 564.

2. Rien dans le récit n’avertit formellement que le premier homme ait agi comme représentant de toute sa race. Il est seulement le premier de tous les hommes. Mais c’est de lui que les autres recevront la vie, et, étant données les lois ordinaires de la nature que l’auteur sacré suppose connues de ses lecteurs, il fallait s’attendre à ce qu’Adam, avec la vie et ses conditions essentielles, transmit à ses