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NEG

parlant d’un Etat, ou du commerce. On diroit mal, le négoce de la France.

☞ NÉGOCIABILITÉ. s. f. Terme de Commerce. Qualité de ce qui est négociable. On le dit particulièrement des billets, des lettres de change. La négociabilité d’une lettre de change est la puissance d’être cédée par le possesseur à qui il lui plaît.

☞ NEGOCIABLE. adj. Qu’on peut négocier. Il a paru en 1736, un volume in-12, intitulé : Instruction sur les Lettres de Change & sur les Billets négociables. C’est une compilation exacte des meilleurs Auteurs qui ont écrit sur cette matière. Merc. de Juin 1736, premier vol. p. 1157. On le dit des billets, des lettres de change, & de certains effets qui ont cours sur la Place, comme actions, annuités, &c.

NÉGOCIANT. s. m. Marchand, ou Banquier, qui fait le négoce. Negociator. Tous les Négocians doivent avoir grand soin de conserver leur crédit sur la Place. Le change & rechange sont permis entre Négocians. Savari a écrit du négoce, & a intitulé son livre, Le parfait Négociant.

☞ NÉGOCIATEUR. s. m. En Politique, c’est un Ministre chargé de quelque affaire, plus ou moins importante auprès d’un Prince, d’un Etat. Negotii administrator, curator. Le Résident d’un tel Prince est un habile Négociateur. Un habile Négociateur sait parler ambigument, & d’une manière enveloppée, afin de faire valoir, ou de diminuer ensuite la force des mots, suivant les occasions. Toutes ses vues, toutes ses maximes, tous les raffinemens de sa politique tendent à une seule fin, qui est de n’être point trompé, & de tromper les autres. La Bruy.

☞ On le dit aussi dans l’usage ordinaire de ceux qui se mêlent de quelque affaire particulière, qui la traitent avec un autre. C’est un tel qui a été le Négociateur de ce mariage. Votre affaire n’a pas réussi, parce que vous vous êtes servi d’un mauvais Négociateur.

☞ Dans le commerce, les Agens de banque & les Courtiers sont les Négociateurs des Marchands & des Banquiers.

☞ NÉGOCIATION. s. f. Ce mot signifie proprement conduite d’affaires, action de les traiter. On le dit aussi de l’affaire même qu’on négocie. Negociatio, curatio rerum, administratio.

☞ En Politique, c’est la conduite d’affaires publiques, qui concernent la paix, la guerre, quelque alliance, ou toute autre affaire d’Etat. On dit d’un Ministre, qu’il a été employé dans la négociation de la paix ; que sa négociation a été heureuse. Il y a des esprits de négociation & de Cabinet : ce sont des gens éclairés, qui pénètrent le fond des affaires, & en découvrent toutes les suites. Bouh. Pyrrhus avoit joint la délicatesse des négociations à la science de la guerre. S. Evr.

☞ Dans la société civile, c’est la conduite des affaires entre Particuliers. Il est en négociation pour acheter cette charge. Vous m’avez chargé d’une négociation difficile & délicate. C’est lui qui a conduit cette affaire ; on doit à ses soins le succès de cette négociation.

Négociation. En terme de Commerce. C’est le change & rechange, le trafic qui se fait des billets, des lettres de change par les Agens de change, par les Marchands, &c. La négociation d’un tel billet sera difficile, à moins qu’on ne fasse une grosse remise.

☞ NÉGOCIER. v. n. & a. Faire le négoce. Negotiari, mercari. Les Banquiers négocient l’argent. Les Marchands négocient en draps, en épiceries, &c. Les Hollandois négocient par-tout, & l’on aime à négocier avec eux. Négocier des lettres de change.

Négocier, signifie encore, traiter une affaire, soit entre les particuliers, soit au nom des Princes. Negotium facere, administrare. Alors il est actif, négocier un traité, un mariage ; ou s’emploie absolument. Il négocie avec beaucoup d’adresse, ou bien avec le pronom personnel. Il se négocie quelque chose de considérable. C’est lui qui a négocié cette intrigue, ce mariage. Le Roi envoie des Résidens, des Ambassadeurs, pour négocier avec les Étrangers, pour faire des ligues, des alliances, des traités de paix. Un Ambassadeur doit savoir aussi bien vivre que négocier. Wic. On prit l’expédient de négocier par deux Dépotés. La Roch.

Négocié, ée, part.

NEGŒIL, & plus communément NEGRE, s. m. Melanurus, niger, nigrita. Poisson de mer un peu plus grand que la main, pesant une livre ou une livre & demie au plus, couvert d’écailles larges, assez difficiles à séparer. Sa gueule est petite & garnie de dents. Ses yeux sont fort grands, d’un bleu noirâtre. Son dos est bleu, tirant sur le noir. Son ventre est blanchâtre. Sa queue est large & marquée de taches fort noires, ce qui lui a fait donner le nom Latin de Melanurus, de μέλας, noir, & de οὐρά, queue. Ce poisson vient souvent sur les rochers & sur les rivages sablonneux, pour manger l’alga qui y croît. On ne sait où il a pris son nom François de négœil, si ce n’est de niger oculus.

NÉGOMBO. Nom d’une petite ville de l’île de Ceylan. Negumbum. Elle appartient aux Hollandois, & elle a un bon port sur la côte occidentale, environ à six lieues de celle de Colombo vers le nord. Maty.

NEGOR, ou NEGORE, s. m. Nom que les Japonois & les Relations du Japon donnent à quelques Bonzes. Negor. L’Abbé Justiniani dans son Histoire Italienne des Ordres de Chevalerie, T. II. c. 93. p. 865. dit qu’il y a un Ordre militaire au Japon, qu’il appelle Ordine de Negroni, l’Ordre des Négrons ; que cet Ordre est divisé en deux parties ; que l’une ne vaque qu’aux choses de la Religion, au service des temples, & au culte des Idoles ; que l’autre sont des guerriers, dont toute l’occupation est de manier les armes, & de faire la guerre ; qu’ils étoient autrefois en grande réputation de valeur, & fort considérables dans cet Empire par leur nombre, qui montoit jusqu’à trente mille & plus, & par leurs richesses. Justiniani cite sur cela Michieli dans son Thesoro Militare, f. 77 & 96. Menenius, fol. 195, 196. André Mando, de Ordin. Milit. fol. 17. César Vécelius dans son livre de l’Habit de toutes les nations du monde, & Emmanuel Faria dans son Histoire de l’Asie Portugaise, T. II. P. III. c. 7. n. 24. Si les autres Auteurs, que je n’ai pas, sont aussi mal cités que Dom Manuel de Faria y Souser que j’ai, imprimé en trois tomes à Lisbonne en 1666, on ne doit pas faire grand fond sur ce que dit l’Abbé Justiniani. Le septième chapitre de la troisième Partie du second Tome, n’a pas vingt-quatre nombres, il n’y en a que treize ; & il ne s’agit nullement là du Japon, ni de rien qui y ait rapport, mais d’une guerre de trois Rois Indiens contre Goa.

D’ailleurs, je trouve dans l’Histoire de la Compagnie de Jésus, P. V. L. XX. n. 1. qu’il y a deux sortes de Bonzes ; les uns, qui demeurent dans les villes & dans les villages, & qui y sont à peu-près comme les Curés parmi nous ; les autres, qui suivent la profession des armes, & qui sont en si grand nombre, qu’au son d’une cloche on peut en assembler trente mille, & que ces Bonzes soldats sont principalement les Bonzes Negores, quo ex genere potissimùm Negores Bonzii sunt. Sur quoi je ne doute nullement que les prétendus Négrons ne soient ces Négores, & qu’il ne faille s’en tenir à ce que dit le P. Jouvenci plutôt qu’à ce que raconte Justiniani, parce qu’il est à croire que ce Père a travaillé sur les Lettres ou les Mémoires des Missionnaires qui ont demeuré long-tems au Japon. Le nouvel Historien du Christianisme au Japon dit, L. I. p. 28 & 29. qu’il y a quatre sectes ou quatre sortes de Bonzes au Japon. La quatrième n’est pas une secte particulière, mais un corps de Bonzes qui font la guerre : on les a nommés Négores ; & l’orient n’a point de soldats, ni mieux disciplinés, ni plus aguerris. Enfin le Père Louis de Guzman Jésuite, dans son Histoire Espagnole des Missions du Japon, L. V. c. 7. dit que les Negores sont sortis des autres sectes ; qu’ils furent institués par un Bonze nommé Cacubao, disciple de Combadagi, qui avoit introduit le culte du démon, & qu’on adore encore lui-même ; que ces Négores sont en grand nombre ; que quelques-uns d’eux, mais en petite quantité, ne s’occupent que du culte de leurs idoles ; que la plus grande partie fait le métier de la guerre ; qu’ils sont braves, & qu’ils sont à la