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BAT

Bâton, se dit proverbialement en ces phrases : il a été réduit au bâton blanc ; pour dire, il a été absolument ruiné, & contraint de sortir de sa maison avec un bâton à la main. On dit aussi, il crie comme un aveugle qui a perdu son bâton ; pour dire, qu’il crie comme s’il avoit perdu une chose dont il avoit grand besoin. On dit aussi de celui qui n’a pas les choses les plus nécessaire à sa profession, comme un Apothicaire sans sucre, que c’est un aveugle sans bâton.

On dit encore qu’un homme est bien assuré de son bâton, lorsqu’il a de bons garants de ce qu’il dit, ou de ce qu’il fait, & lorsqu’il est sur du succès de quelque entreprise. On dit aussi, tirer au bâton avec quelqu’un, pour dire, contester quelque chose avec lui, comme d’égal à égal. On dit aussi, faire une chose à bâtons rompus ; pour dire, après plusieurs reprises & interruptions, par une métaphore tirée des desseins semblables de tapisserie. On dit aussi d’un homme sans défense, qu’il n’a ni verge ni bâton. On appelle le tour du bâton, les profits illicites qu’on fait secrétement & avec adresse dans une charge, dans une commission, dans un maniment, par une métaphore apparemment tirée des Charlatans, qui font mille subtilités qu’ils attribuent à la vertu de leur petit bâton : mais Bélinghin estime que ce proverbe vient de ce qu’on parle à l’oreille & d’un bas ton, lorsqu’on fait des offres à quelque domestique pour le corrompre, & lui faire faire quelque chose qui nuise à son maître. D’autres disent qu’il vient des Maitres d’Hôtel, qui portent un bâton pour marque de leur charge, parce qu’ils sont sujets à serrer la mule. Voici une autre origine de ce proverbe. Dans les commencemens que les Bureaux où se lèvent les droits du Roi furent établis, les Commis étoient en usage, lorsqu’ils surprenoient quelqu’un qui fraudoit les droits du Roi, de faire sonner bien haut l’amende prescrite par les Ordonnances, & puis se radoucissant, ils disoient au coupable en baissant la voix : nous vous remettons la moitié de l’amende que vous devez, & nous nous contentons de convertir l’autre moitié à notre profit. Payez-là vite sans vous faire tirer l’oreille, & admirez notre bonté. On dit aussi, faire sauter le bâton à quelqu’un ; pour dire, l’obliger à faire quelque chose contre sa volonté, par une métaphore tirée aussi des Charlatans, qui font sauter un bâton à des singes & à des chiens qu’ils ont dressés à cela, en les menaçant du bâton. On dit aussi, Martin bâton, en parlant d’un bâton dont on frappe les ânes qu’on appelle Martin, comme si on disoit le bâton à Martin. Autrefois on disoit, bâton porte paix quant à soi.

Fert secum placitæ baculus pia fœdera pacis.


Pour marquer qu’on n’attaque point ceux qui sont en état de se défendre.

On dit proverbialement, bâton ferrat & non ferrat ; pour dire, toutes sortes d’armes. Les paysans de ce vilage sortirent sur une troupe de voleurs, avec bâton ferrat & non ferrat.

Bâton, dans la Nouvelle Angleterre, a 306°, 56′, 18″ de longitude, & 42°, 25′, 0″ de latitude nord. Harris. C’est la même chose que Bouton.

Bâton, s. m. Ecuyer d’Amphiaraüs qui fut englouti avec son maître. Il eut aussi une chapelle dans le temple de ce demi-Dieu.

BÂTONNÉ, ÉE. adj. On dit, une serviette bâtonnée : c’est une serviette proprement pliée, à gaudrons & à petits carreaux. Etat de France. Mantile in speciem operis vermiculati complicatum ; ou specimen operis vermiculati vario sinu referens.

BATONNÉE d’eau, terme de Marine, est la quantité d’eau que l’on puise à la pompe, chaque fois que la brimbale joue.

BÂTONNER. v. ad. Donner des coups de bâton à quelqu’un. Fustibus cædere.

Bâtonner, en termes de Palais, signifie tirer des raies entre des lignes d’un acte ou d’une pièce, pour avertir de lire cet endroit, qui contient quelque clause décisive, une date, ou quelque chose de remarquable & de nécessaire. Lineis distinguere. Un Juge saute par-dessus une clause essentielle, quand on n’a pas eu le soin de la bâtonner.

Bâtonner, terme de Chancellerie, qui veut dire, rayer, biffer. Le Juge ordonne que des écritures seront apportées au Greffe pour y être bâtonnées. Bâtonner un arrêt, le rayer, &c.

Bâtonner un gant. Terme de gantier. On dit aussi, réformer un gant. C’est après qu’il est achevé, l’élargir sur le réformoir avec des bâtons faits exprès, qu’on nomme bâtons à gants, afin de leur donner plus de forme.

☞ BATONNÉ, ÉE. part. pass. & adj. Il a les significations de son verbe.

BÂTONNET, s. m. Bacilli ludus. Jeu de petits enfans, qu’ils font avec un petit bâton. C’est aussi le nom de l’instrument avec lequel ils jouent. C’est un petit bâton long d’un demi pied ou environ, & gros comme le doigt, ou un peu plus. Il est aménuisé par les deux bouts. On frappe sur l’un des bouts pour le faire sauter en l’air & le chasser loin de soi, &c. C’est ce qui’appelle à Paris jouer du bâtonnet. En Berry on l’apelle Bicarelle, ou bigarelle ; en Touraine Pic ; à Blois Bistoquet, & Bale en Dauphiné.

BÂTONNIER, IERE. s. m. & f. Celui ou celle qui ont en garde pendant un temps le bâton d’une Confrérie, & qui le portent ou le suivent aux processions.

Bâtonnier, en termes de Palais, est un ancien Avocat qu’on choisit tous les ans selon l’ordre du tableau, pour être le Chef de la Communauté des Avocats & Procureurs, pour être maître de leur Chapelle & de leur Confrérie, & présider au siége qu’ils tiennent pour l’entretenement de la discipline du Palais & des règlemens. C’est à lui aussi qu’appartient la commission des charges des Juges intérieurs pendant leur interdiction. Il est chargé aussi de la confection du tableau. Quelques Auteurs ont donné le nom de Bastonerius à de simples sergens ou bedeaux & Appariteurs. Il se trouve dans ce sens dans la Charte de Pierre II Roi d’Arragon, pour la confirmation des libertés & Coutumes de la Catalogne. Voyez Ducange au mot Bastonerius.

Bâtonnier, est aussi le titre que les Chevaliers de l’Ordre de S. Georges, au comté de Bourgogne, donnoient à leur Chef. Ce titre fut changé depuis en celui de Gouverneur. P. Hélyot, T. VIII. C. 50.

BÂTRACHITE, BORA, RUBÉTITE, BUFFONITE. s. f. Pierre qu’on croit faussement sortir d’un crapaud, de couleur verte & creuse : elle représente un œil dans le milieu, ou un cercle blanc & noir. Batrachites. C’est une dent de poisson : on l’appelle Crapaudine. Ce mot vient du grec βάτραχος, rana, grenouille.

BÂTRACHOMYOMACHIE. s. f. Guerre des grenouiles & des rats. Batrachomyomachia, bellum ranarum cum muribus. C’est un Poëme burlesque d’Homère, ou du moins qui lui est attribué, & qui est fort agréable. Perrault a traduit la Batrachomyomachie d’Homère en vers François. M. Boivin le jeune en a aussi fait une traduction en vers François, sous le nom du Docteur Junius Biberius Mero, qui est une imitation latine de son nom. Le sujet de la guerre est la mort de Psycharpax, rat, fils de Toxartes, qui étant monté sur le dos de Physigrate grenouille, pour aller dans son palais, où elle l’invitoit, fut saisi d’une si grande peur, quand il se vit au milieu du marais, qu’il tomba dans l’eau & se noya. Physigrate fut soupçonné de l’avoir secoué par malice. Les rats déclarèrent la guerre aux grenouilles pour en tirer raison. Les grenouilles alloient être exterminées, lorsque Jupiter & les autres Dieux, en présence desquels se donnoit le combat, envoyèrent, au secours des grenouilles, des cancres, qui arrêtèrent la fureur des rats. Henri Etienne, Schediasmat. Lib. VI. cap 22. Pierre Nunnès, Comment. ad Phrynichi dictiones Attic. & d’autres, ont crû que ce Poëme n’étoit point d’Homère. Il y a cependant long-temps qu’on le lui attribue ; & Stace, qui vivoit & qui écrivoit sous Domitien semble, n’en pas douter. Il le donne au moins à un illustre Poëte qu’il égale à l’Auteur du Culex, c’est-à-dire, à Virgile.

BATRACHUS, s. m. Tumeur inflammatoire qui vient