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NICOLAS NICKLEBY.

n’y répondraient que par le mépris. À l’appui de leurs condoléances, elles déclarèrent se sentir elles-mêmes si courroucées, qu’elles étaient capables d’une infinité d’excès.

— Ai-je vécu jusqu’à ce jour pour être appelée épouvantail ! s’écria miss Knags tombant dans des convulsions subites et faisant des efforts pour s’égratigner. — Modérez-vous, nous vous en prions. — Ai-je mérité d’être appelée vieille laideron ? ajouta miss Knags en se débattant entre les mains des ouvrières. — N’y pensez plus, ma chère, répondit le chœur. — Je la déteste, je l’abhorre, qu’on ne m’en reparle plus ! que personne de nos amies ne lui reparle plus ; c’est une impudente, une déhontée, une artificieuse !

Après avoir dénoncé en ces termes l’objet de sa rage, miss Knags poussa un cri, trois hoquets, plusieurs soupirs, ferma les yeux, frissonna, revint à elle, rajusta sa coiffure, et déclara qu’elle était parfaitement remise.

La pauvre Catherine avait d’abord regardé ces simagrées avec un véritable égarement. Elle avait pâli et rougi tour à tour, et avait essayé plusieurs fois de parler ; mais comme les vrais motifs de cet incident se développaient à ses yeux, elle se retira à l’écart sans daigner répondre. Quoiqu’elle eût regagné fièrement sa place et qu’elle tournât le dos au groupe de petits satellites qui s’agitaient autour de leur planète, elle laissa couler en secret des larmes dont l’amertume eût réjoui miss Knags si elle les avait vues tomber.


CHAPITRE XIV.


Le soir, lorsque Catherine, comme de coutume, rejoignit sa mère au coin de la rue, elle fut assez étonnée de la trouver causant avec M. Ralph Nickleby ; mais sa surprise fut bientôt redoublée non moins par le sujet de leur conversation que par les manières radoucies de M. Nickleby lui-même.

— Ah ! ma chère, dit-il, nous parlions de vous à l’instant. J’allais vous prendre à l’atelier ; mais votre mère et moi avons causé d’affaires de famille, et le temps s’est écoulé rapidement… — C’est vrai, interrompit madame Nickleby sans remarquer le ton ironique de Ralph. Catherine, ma chère, vous dînerez avec votre oncle demain à six heures et demie.

Charmée d’être la première à communiquer cette nouvelle extraordinaire, ma-