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La voix de Mme Général murmura doucement : « Je ne peux m’expliquer ce que vous entendez par-là. »

À cet endroit de la conversation, M. Dorrit tomba de nouveau dans un état de somnolence dont il se réveilla tout à coup avec une vivacité spasmodique.

« Je fais allusion, madame Général, à cet… hem !… esprit d’opposition, je dirai même… ha !… de jalousie que Fanny a de temps à autre manifesté contre le… hem !… sentiment que… hem !… m’inspire la dame avec laquelle j’ai l’honneur de causer en ce moment.

— M. Dorrit est toujours trop bon, trop indulgent. S’il y a eu des moments où j’ai pu me figurer que Mlle Dorrit voyait d’un mauvais œil l’opinion favorable que M. Dorrit a conçue de mes services, j’ai trouvé dans cette opinion trop flatteuse une consolation et une récompense suffisantes.

— De vos services, madame ? demanda M. Dorrit.

— De mes services, répéta Mme Général d’un ton à la fois expressif et élégant.

— Rien que de vos services, chère madame ? répéta M. Dorrit à son tour.

— Je présume, riposta Mme Général avec la même intonation qu’auparavant, que c’était à mes services seulement que je le devais. À quelle autre cause, ajouta-t-elle avec un geste interrogateur de ses gants, pourrais-je attribuer ?…

— À… hem !… à votre personne, madame Général. À… hem !… à votre personne et à vos mérites, répondit M. Dorrit.

— M. Dorrit ne m’en voudra pas si je lui fais observer que l’endroit et le moment ne seraient pas bien choisis pour poursuivre une conversation de ce genre. M. Dorrit me pardonnera si je lui rappelle que miss Dorrit est dans la pièce voisine, où je l’aperçois tandis que je prononce son nom. M. Dorrit m’excusera si j’avoue que je suis émue et que je reconnais qu’il est des moments où des faiblesses que je croyais avoir surmontées renaissent avec un redoublement d’énergie. M. Dorrit me permettra de me retirer.

— Hem ! Peut-être pourrons-nous reprendre plus tard cette… ha !… intéressante conversation… À moins qu’elle ne… hem !… déplaise le moins du monde… hem !… à Mme Général… Mais j’espère qu’il n’en est rien.

— M. Dorrit, répliqua Mme Général baissant les yeux tandis qu’elle se levait en saluant, a droit en tout temps à mes hommages et à mon obéissance. »

Mme Général s’éloigna alors d’un air majestueux et non pas avec cette agitation vulgaire qu’aurait pu montrer, en pareille circonstance, une femme moins remarquable. M. Dorrit, qui, pendant cette conversation, avait gardé un ton plein d’une dignité affable et d’une condescendance mêlée d’admiration, à peu près comme certaines gens composent leur maintien à l’église et soutiennent leur